G. Bierry , C. Blondet and F. Besson
Plan du chapitre
L'inflammation est la réponse physiologique d'un tissu vivant vascularisé à une agression (infection, traumatisme, corps étranger, allergie, auto-immunité, etc.) dans le but de limiter l'agression et de permettre la réparation tissulaire.
Ce processus comprend des phénomènes généraux (syndrome inflammatoire biologique, fièvre, altération de l'état général) et des phénomènes locaux.
Au niveau local, la réaction inflammatoire est un processus dynamique combinant des modifications de l'espace extracellulaire et une infiltration cellulaire.
Le flux sanguin artériolaire locorégional et la perméabilité capillaire augmentent, ce qui entraîne une extravasation de plasma depuis l'espace intravasculaire vers l'espace extracellulaire : c'est l'œdème tissulaire. Cliniquement, cet œdème se manifeste par une augmentation de taille, un aspect rougeâtre en superficie, une augmentation de la chaleur locale et une douleur (tumor, rubor, calor, dolor).
Parallèlement, des cellules sont recrutées et/ou activées sur le site inflammatoire. Dans les premières heures, les polynucléaires neutrophiles sont les leucocytes prépondérants, relayés ensuite par les monocytes et lymphocytes pour circonscrire l'agression. Les cellules sont extraites de la lumière vasculaire pour pénétrer dans les tissus par diapédèse. Ensuite, les tissus sont nettoyés par les polynucléaires et surtout les macrophages pour permettre la cicatrisation ad integrum.
En cas de réparation incomplète ou insuffisante, la réaction inflammatoire peut devenir chronique. Parfois, quand la réparation ad integrum n'est pas possible, le tissu original est remplacé par de la fibrose.
Pour détecter des zones inflammatoires, l'imagerie médicale non isotopique (radiographie, TDM, IRM ou échographie) va chercher à mettre en évidence les modifications extracellulaires, et surtout l'œdème tissulaire et l'hypervascularisation. La médecine nucléaire va plutôt chercher à révéler la présence et la distribution des cellules inflammatoires.
Avec la douleur, l'œdème est la première manifestation cliniquement évidente de l'inflammation. Le but de l'imagerie est de détecter cet œdème, signe de l'inflammation, soit pour confirmer la suspicion clinique (dans la majorité des cas), soit pour le mettre en évidence avant l'apparition des signes cliniques ou dans des zones d'exploration difficiles ou profondes (cavité abdominale par exemple).
Plus une technique d'imagerie est capable de détecter précocement l'œdème, et donc de révéler les phases initiales d'une atteinte inflammatoire, plus elle est sensible.
Par ordre décroissant de sensibilité, on retrouve l'IRM (très sensible), la TDM et l'échographie (moyennement sensibles) et les radiographies standard (peu sensibles).
Les radiographies révèlent les différences de densité des tissus mais ne peuvent les différencier visuellement qu'en quatre grandes familles de densité :
Les interfaces entre des tissus de densité différente forment des lignes visibles sur les radiographies (exemple : la corticale osseuse limitée par la densité hydrique des parties molles, ou le rebord du cœur limité par la densité aérique des poumons).
L'œdème (eau extracellulaire) est visible soit par modification de la densité du tissu inflammatoire, soit par déplacement des tissus adjacents qui ont une autre densité.
L'œdème a, par définition, une densité hydrique : sa présence est plus facile à détecter dans les tissus ayant une densité de base non hydrique (poumon, os) que ceux ayant une densité spontanée proche de l'eau (muscles, foie, rein, etc.).
Par ailleurs, le tissu inflammatoire augmente de volume et va déplacer les tissus environnants : les lignes créées par les interfaces (hydriques/graisse ; hydrique/air, etc.) sont déplacées.
Comme cela a été décrit plus haut, les radiographies sont relativement peu sensibles pour la détection de l'œdème dans les tissus mous (muscles, peau) et les organes pleins (foie, rein, etc.) qui ont une densité radiographique de base « hydrique ».
Il faut plutôt rechercher une augmentation de la taille du tissu/organe atteint, souvent seulement détectable par le déplacement des interfaces avec les tissus environnants (s'ils ont des densités différentes) (figure 16.1).
L'augmentation de l'eau extracellulaire dans les os va faire diminuer leur densité (on passe d'une densité osseuse à une densité plus hydrique). Les os apparaissent moins denses, on parle de déminéralisation (figure 16.2).
Ces modifications sont cependant très tardives, très en retard sur la clinique : les radiographies sont ainsi peu sensibles pour la détection des inflammations osseuses débutantes, l'IRM est préférable.
L'inflammation du tissu pulmonaire entraîne, dans la majorité des cas, la formation d'un transsudat/exsudat (œdème pulmonaire) dans les alvéoles pulmonaires.
Dans les poumons, l'œdème est relativement aisé à voir en radiographie car la densité du poumon est très basse (aérique, c'est-à-dire celle de l'air). L'œdème va remplacer la densité aérique par une densité hydrique, et comme la différence entre les deux densités est importante, l'œdème sera relativement aisé à reconnaître. Une augmentation de la densité dans le poumon est appelée « une opacité ».
Les atteintes inflammatoires des séreuses (plèvre, péricarde, péritoine, synoviale) se manifestent précocement par un épanchement, sous la forme d'une formation de tonalité hydrique.
Comme les radiographies, la TDM utilise des rayons X comme source de rayonnement : le raisonnement sur les densités est ainsi le même que pour les radiographies.
La TDM réalise cependant des acquisitions en coupes et non en projection, elle est ainsi plus sensible que la radiographie et peut détecter des modifications inflammatoires plus précoces et/ou difficiles à voir.
La TDM est notamment plus performante que la radiographie pour démontrer l'œdème dans les tissus ayant une densité naturelle de type hydrique (organes pleins, muscles, tissus mous, etc.). Dans ces tissus, l'œdème forme une zone de moindre densité : on parle d'une zone « hypodense » ou d'« hypodensité ». Les épanchements sont en hypodensité, identique à celle de l'eau.
L'injection de produit de contraste iodé par voie intravasculaire entraîne une augmentation du contraste (hyperdensité dans le tissu inflammatoire) en raison des modifications vasculaires (angiogenèse, modifications de perméabilité) : on parle de « prise de contraste » ou de « rehaussement ».
Un autre signe très important et souvent plus évident à repérer est la modification du contraste habituel du tissu graisseux. À l'état normal, la graisse apparaît « propre » en TDM : noire, homogène, bien limitée. L'inflammation induit un aspect flou et une augmentation hétérogène de sa densité (figure 16.3).
L'IRM est l'examen d'imagerie non isotopique de référence pour la détection des modifications de quantité et de distribution de l'eau.
Elle est donc très sensible pour la détection de l'œdème : c'est l'examen d'imagerie médicale non isotopique le plus performant pour détecter les phases précoces d'une réaction inflammatoire (figure 16.4).
Un tissu œdématié a un signal IRM qui se rapproche de celui de l'eau :
L'injection par voie intraveineuse de produit de contraste à base de gadolinium produit une augmentation du contraste (hypersignal) sur la séquence T1 du tissu inflammatoire : comme en TDM, il s'agit d'une « prise de contraste » ou « rehaussement » (figure 16.4).
L'échographie est un examen très performant pour détecter les atteintes inflammatoires dans les zones explorables (tissus superficiels, zone abdominopelvienne chez les sujets minces ou les enfants).
L'accumulation d'eau extracellulaire dans le tissu œdématié réduit son échogénicité, il apparaît plus hypoéchogène (plus noir) que le tissu normal. Un épanchement dans une séreuse apparaît en échographie comme une formation fortement hypoéchogène, identique à l'eau : on parle d'aspect anéchogène (figure 16.5).
Un autre avantage important de l'échographie est la possibilité d'une étude fonctionnelle directe par application de la technique Doppler (échodoppler). Elle met directement en évidence l'hypervascularisation tissulaire de la réaction inflammatoire (hypersignal Doppler) (figure 16.6).
La fibrose (ou sclérose) est une cicatrice, développée en remplacement du tissu original s'il n'a pas pu être régénéré ou a été détruit après la réaction inflammatoire.
La fibrose est, grossièrement, un dépôt excessif de tissu conjonctif fibreux qui modifie l'architecture et parfois la fonction de l'organe atteint. La zone fibrotique est plus dense, plus compacte que le tissu original, et plus pauvre en eau avec un espace extracellulaire réduit suite à des adhérences. Des distorsions architecturales par rétraction sont fréquentes, avec une perte de l'élasticité normale.
En radiographie et TDM, la fibrose apparaît souvent plus dense que le tissu original, dans une zone plus ou moins étendue et épaisse en fonction du tissu lésé.
Les adhérences cicatricielles forment des bandes, qu'on peut comparer à des zones de tissus compactés, « collés », peu élastiques, qui souvent déforment la structure et/ou limitent son expansion (figure 16.7).
Les plages de fibrose apparaissent en hyposignal par rapport aux tissus sains aussi bien sur les séquences T1 que T2, à cause de la réduction du volume de l'espace extracellulaire (moins d'eau donc moins de signal) et d'une diminution de la vascularisation.
Les tissus fibreux peuvent se rehausser après injection de produit de contraste, mais de façon tardive (quelques minutes), à l'opposé des tissus inflammatoires qui sont rehaussés de façon précoce (quelques secondes).
L'inflammation étant par définition un processus physiologique non spécifique, l'objectif de l'imagerie nucléaire n'est pas d'établir un diagnostic étiologique mais de détecter et de localiser d'éventuels foyers inflammatoires. L'identification de ces foyers accumulant le MRP permet, dans un second temps, d'orienter des biopsies ciblées à visée diagnostique lorsqu'elles sont nécessaires ou de suivre sous traitement ces foyers dans un objectif d'évaluation thérapeutique.
Scintigraphie au 67Ga
Le 67Ga est un analogue de l'ion ferrique Fe3+ qui se fixe sur diverses protéines plasmatiques (ferritine, transferrine, lactoferrine). Au cours d'une réaction inflammatoire, les leucocytes recrutés au niveau du site lésionnel libèrent localement de grandes quantités de lactoferrine. Le 67Ga préalablement injecté par voie intraveineuse s'accumule donc préférentiellement au niveau du site inflammatoire, riche en lactoferrine.
TEP au 18F-FDG
Analogue du glucose marqué au fluor 18 (18F), le 18F-FDG est un MRP qui reflète le métabolisme glucidique des cellules. Les cellules médiatrices de l'inflammation activées présentent un métabolisme accru et ont donc tendance à accumuler le 18F-FDG. Par conséquent, la TEP au 18F-FDG est un examen d'une très grande sensibilité pour détecter les phénomènes inflammatoires actifs. Les lésions séquellaires pures n'étant pas métaboliquement actives, elles ne présentent pas de traduction métabolique. Il est par conséquent possible de discriminer des lésions inflammatoires chroniques en phase « active » de séquelles inflammatoires cicatricielles (c'est-à-dire métaboliquement inactives), de morphologie parfois similaire.
Ce MRP ne présente aucun effet indésirable. Les images sont réalisées entre 1 heure et 1 heure et 30 minutes après l'injection intraveineuse du radiotraceur, chez des patients nécessairement à jeun avec une glycémie inférieure à 10 mmol/L pour ne pas fausser la biodistribution du radiotraceur.
Incontournable en oncologie (bilan initial et suivi des cancers), l'intérêt du 18F-FDG en pathologie inflammatoire est plus récent et quelques grandes indications sont actuellement définies : sarcoïdose (figure 16.8), vascularites des gros troncs artériels (figure 16.9), maladies auto-immunes, pathologie inflammatoire ostéoarticulaire mais aussi fièvres au long cours.