P. Pottecher and R. Loffroy
Plan du chapitre
Une hémorragie correspond à une issue de sang hors des vaisseaux. Les processus hémorragiques sont fréquemment explorés en imagerie, qu'ils soient extériorisés (épistaxis, hématémèse ou hémoptysie), collectés dans un espace (hémothorax, hématome sous-dural, hémopéritoine) ou intratissulaires (hématome cutané, ecchymose, purpura).
Cette issue de sang, en fonction de sa quantité et de son siège, se traduit différemment sur le plan clinique, allant du simple hématome superficiel des tissus mous à l'hémorragie cérébrale, voire au choc hypovolémique.
Au sein des hémorragies collectées ou intratissulaires, il existe trois phases évolutives au cours desquelles les produits de dégradation du sang ont des propriétés différentes en imagerie :
L'imagerie permet de préciser si le saignement collecté ou intratissulaire est à une phase aiguë ou tardive car la séméiologie en imagerie des saignements est différente en fonction de leur ancienneté.
L'exploration en imagerie d'une hémorragie, qu'elle soit extériorisée, collectée ou intratissulaire, a deux objectifs essentiels :
Les radiographies, fondées sur les rayons X et leur atténuation par les tissus qu'ils traversent, sont souvent l'examen de première intention dans l'exploration des traumatismes ostéoarticulaires. Elles ne permettent cependant pas de caractériser ou de localiser précisément les hématomes. En effet, à la phase aiguë ou subaiguë, les hématomes ont une densité de tonalité hydrique, non spécifique, qui se confond avec celle des structures musculoligamentaires adjacentes. Il existe une exception qui est celle des épanchements dans une articulation à la phase aiguë d'un traumatisme. L'hémarthrose se traduit par un comblement radio-opaque intra-articulaire avec remplacement du contingent graisseux synovial par du liquide (figure 19.1). Si la densité d'un épanchement sanglant n'est pas différente de celle d'un épanchement liquidien citrin ou purulent, on considère que lorsque l'épanchement survient à la phase aiguë du traumatisme, il s'agit plus probablement d'une hémarthose.
À la phase chronique, si les parois de l'hématome sont calcifiées, elles apparaîtront sous la forme de lignes radio-opaques en radiographie.
L'échographie joue également un rôle dans la détection des hémorragies ou hématomes.
En échographie, l'aspect d'un hématome évolue dans le temps (figure 19.2) :
Il existe trois indications principales de l'échographie dans les processus hémorragiques :
La TDM joue un rôle fondamental dans le diagnostic des hématomes profonds. L'exploration en TDM d'une hémorragie requiert la réalisation d'un protocole en deux temps sans puis avec injection de produit de contraste de façon à objectiver les éléments suivants :
Fondée sur l'atténuation d'un faisceau de rayons X par les tissus qu'ils traversent, la TDM fournit une image en niveaux de gris. Cette atténuation, propre à chaque tissu, a permis d'établir une échelle de densité en UH (figure 19.3). Le coefficient d'atténuation du sang à la phase aiguë est compris entre 50 et 70 UH ; la plupart des tissus (cerveau, foie, rate, tube digestif, muscles) ayant une densité spontanée située entre 20 et 50 UH. Ainsi, la présence de sang frais se traduit en TDM par des collections ou épanchements spontanément denses sur une TDM sans injection, c'est-à-dire de densité supérieure aux tissus voisins.
À titre d'exemple, devant une forte suspicion d'hémorragie sous-arachnoïdienne en cas de céphalées intenses, le temps sans injection de la TDM cérébrale permet de mettre en évidence une hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens (figure 19.4).
L'hémorragie ou l'hématome ayant été identifié sur le temps sans injection, l'injection de produit de contraste aide à identifier et à localiser la cause de l'hémorragie lorsqu'elle est abondante et ainsi à optimiser la prise en charge thérapeutique.
On réalise le plus souvent une seule injection de produit de contraste iodé avec deux acquisitions : l'une précoce au temps artériel et une plus tardive au temps veineux.
Diverses causes peuvent ainsi être mises en évidence :
Dans les cas de plaie vasculaire, l'injection de produit de contraste permet de rechercher le site actif de l'hémorragie (ou fuite active ou extravasation). On ne visualise pas directement la brèche vasculaire, mais en regard de la plaie vasculaire apparaît une flammèche de produit de contraste très hyperdense au sein de l'hématome (figure 19.6).
Lorsqu'il existe une fuite active ou extravasation de produit de contraste, un traitement doit être entrepris en urgence : celui-ci sera soit chirurgical, soit radiologique avec embolisation. Cette dernière option est percutanée, par conséquent moins invasive pour le patient.
La prise en charge thérapeutique des hémorragies repose actuellement en grande partie sur les techniques d'embolisation sous contrôle de l'imagerie. Ces procédures sont réalisées par les radiologues qui jouent désormais un rôle fondamental.
L'abord se fait par voie percutanée avec ponction d'une artère fémorale ou radiale. Il s'agit d'une technique mini-invasive.
Par un arsenal thérapeutique, fait de sondes vasculaires par lesquelles progressent les cathéters, le radiologue sous contrôle radiographique peut accéder au site du saignement ou de l'anévrisme et peut procéder à l'embolisation. Les dispositifs d'embolisation sont variés : coils (spires métalliques), stents et matériel visqueux.
Les principales indications sont l'hémorragie digestive haute avec ulcère hémorragique et échec du traitement endoscopique par le gastro-entérologue, l'hémorragie de la délivrance et l'hémorragie intracrânienne sur rupture d'anévrisme.
L'IRM a un rôle fondamental dans le diagnostic positif des hématomes avec un avantage par rapport aux autres techniques d'imagerie : la datation approximative du début du processus hémorragique.
Cette finesse sémiologique est intéressante notamment en neuroradiologie où les patients sont parfois vus à distance de l'épisode initial. Ainsi en cas d'AVC hémorragique avec hématome intraparenchymateux, il est possible d'apprécier de façon approximative l'ancienneté du saignement.
Scintigraphie aux hématies marquées au 99mTc
La scintigraphie aux hématies marquées peut être utile en cas de saignement digestif occulte, lorsque les méthodes artériographiques et endoscopiques sont négatives, et en dehors d'un contexte d'urgence thérapeutique. Le principe est d'utiliser comme traceur les globules rouges du patient marqués au 99mTc. Ces globules rouges marqués s'accumulent au niveau du site de saignement, à une vitesse dépendant de l'importance du saignement (de quelques secondes à plusieurs heures).
Les techniques scintigraphiques peuvent également permettre de détecter un diverticule de Meckel, cause classique de saignement digestif chez l'enfant (cf. « Imagerie pédiatrique »).
L'exploration des processus hémorragiques en imagerie est multimodale : hématomes musculaires en échographie, hématomes profonds en TDM, évolution des hématomes intracérébraux en IRM et prise en charge thérapeutique en artériographie.
La TDM joue un rôle clé dans leur prise en charge diagnostique dans le cadre de l'urgence avec la mise en évidence d'une hyperdensité spontanée au temps sans injection. En l'absence de contre-indications, l'examen doit être complété par l'injection de produit de contraste à la recherche d'une fuite active ou d'une malformation vasculaire qui conditionnera la prise en charge thérapeutique.