S. Kremer and F. Le jeune
Plan du chapitre
Les méthodes d'exploration du système nerveux central en radiologie et en médecine nucléaire sont abordées dans ce chapitre. Elles sont morphologiques mais également fonctionnelles et moléculaires. Les coupes principales à connaître en imagerie du système nerveux central sont présentées dans les figures 21.1 à figure 21.11. Elles font l'objet d'une séméiologie spécifique qui sera détaillée.
Dessin : Cyrille Martinet
Dessin : Cyrille Martinet
La neuroradiologie étudie les affections des systèmes nerveux central et périphérique. En fonction des habitudes locales, l'imagerie oto-rhino-laryngologique (ORL) (cf. « Imagerie oto-rhino-laryngologique ») est réalisée en neuroradiologie, ou en radiologie générale. La neuroradiologie se partage entre la neuroradiologie diagnostique et la neuroradiologie interventionnelle.
La neuroradiologie diagnostique est fondée sur l'imagerie en coupes par TDM, ou par IRM.
La TDM est un examen facilement accessible, car de nombreux services d'urgences médicales et chirurgicales sont adossés en France à un service d'imagerie équipé d'une TDM. L'acquisition en TDM est rapide, réalisée en moins de 30 secondes pour l'exploration de l'encéphale ou du rachis. La TDM est irradiante et sa résolution en contraste est relativement faible. Son principal avantage est de permettre à la fois l'étude des structures osseuses de la voûte et de la base du crâne, des structures parenchymateuses intracérébrales et des espaces péricérébraux. La TDM a également l'avantage d'étudier les lésions thoraciques et abdominopelviennes dans le même temps d'examen en cas de polytraumatisme.
Ses principales indications sont donc les urgences traumatiques, mais également l'étude des structures osseuses (crâne, rachis).
L'IRM est plus difficile à mettre en œuvre, pour une raison pratique d'accès. En effet, en France, le nombre de machines d'IRM installées est nettement inférieur à celui des TDM. La durée d'examen est plus longue (environ 20 minutes pour une IRM cérébrale). C'est un examen non irradiant et sa résolution en contraste est élevée.
Ses principales indications sont les affections médicales neurologiques, les suspicions de compression médullaire et les bilans préthérapeutiques des tumeurs cérébrales.
La neuroradiologie interventionnelle (ou thérapeutique) comporte le traitement endovasculaire des malformations vasculaires (malformations artérioveineuses, anévrismes) en angiographie conventionnelle (cf. « Processus hémorragiques ») et le traitement de certaines affections rachidiennes comme les tassements vertébraux par exemple sous contrôle tomodensitométrique ou en radiologie conventionnelle.
L'angiographie par cathétérisme est un examen invasif qui nécessite la ponction d'une artère périphérique (fémorale ou humérale) et irradiant car il utilise des rayons X. Les rayons X permettent de suivre la progression du cathéter (radio-opaque) lors de la navigation endovasculaire et de visualiser les lésions vasculaires à traiter. Pour cela, on injecte par le cathéter en intra-artériel un produit de contraste iodé. L'angiographie par cathétérisme n'est pratiquement plus utilisée pour le diagnostic, car elle a été remplacée par les techniques d'imagerie en coupes (angio-TDM, angio-IRM). Elle est donc quasiment exclusivement utilisée en neuroradiologie interventionnelle.
La neuroradiologie interventionnelle partage avec la neurochirurgie les indications de traitement des malformations vasculaires, en particulier les anévrismes (figure 21.12).
L'étude scintigraphique des pathologies neurologiques bénéficie des explorations par tomoscintigraphie ou par TEP. Il s'agit d'une imagerie fondée sur des acquisitions volumiques qui permettent d'avoir un reflet de la distribution d'un MRP en 3D dans le cerveau et de reconstruire des coupes dans tous les plans de l'espace. Les premières utilisent des MRP émetteurs gamma comme le 99mTc ou l'iode 123 et les secondes des MRP émetteurs de positons comme le 18FDG. Selon le MRP injecté, on obtiendra des informations fonctionnelles (perfusion, métabolisme, etc.) ou moléculaires (expression d'un récepteur ou d'un transporteur, etc.) sur le cerveau. Ces informations sont le plus souvent complémentaires des informations obtenues avec la TDM, et plus encore l'IRM. Dans de nombreuses maladies, l'étude combinée des deux examens est nécessaire au bilan et seule la fusion des images de médecine nucléaire et d'IRM permet d'avancer dans le diagnostic. Cette approche « multimodalités » est particulièrement importante pour les explorations neurologiques et elle s'intègre dans le cadre d'un bilan multidisciplinaire.
Il existe plusieurs MRP disponibles en routine dans les services de médecine nucléaire qui permettent d'explorer différents mécanismes physiopathologiques au niveau cérébral :
Les MRP utilisés pour l'étude de ces mécanismes traversent la barrière hématoencéphalique normale, contrairement aux produits de contraste dont le passage est le reflet de la rupture de cette barrière.
Le débit sanguin cérébral et la consommation de glucose sont corrélés à l'activité neuronale. L'imagerie de perfusion ou du métabolisme permettra donc de détecter des modifications fonctionnelles locales dues à une perte synaptique ou à un dysfonctionnement synaptique. Le métabolisme neuronal et le débit sanguin sont étroitement couplés dans le temps et dans l'espace dans les maladies neurodégénératives. Le débit sanguin cérébral local est le reflet de la demande énergétique locale et donc de la densité de neurones présents. Il existe donc ce qu'on appelle un couplage métabolique-perfusionnel et les deux examens mettent en évidence des anomalies identiques.
La perfusion cérébrale est étudiée après injection intraveineuse d'un MRP marqué au 99mTc comme l'HMPAO : petite molécule lipophile diffusant facilement à travers la barrière hématoencéphalique, piégée au niveau cérébral après être transformée en molécule hydrophile. Son avantage majeur est qu'elle reflète la perfusion cérébrale au moment de l'injection puisque sa captation débute 10 à 15 secondes après l'injection. Il n'y a pas de contrainte à la réalisation de cet examen : le patient ne doit pas être à jeun et peut avoir pris ses médicaments. Un repos neurosensoriel est nécessaire pendant 15 à 30 minutes avant l'injection.
L'acquisition tomoscintigraphique débute environ 20 à 30 minutes après l'injection et dure environ 20 minutes.
L'étude du métabolisme cérébral se fait en TEP après injection de 18F-FDG. La TEP au 18F-FDG permet d'étudier la consommation importante de glucose par le cerveau normal. Après un repos neurosensoriel de 15 minutes, l'injection du traceur se fait par voie intraveineuse et l'acquisition débute environ 30 minutes après l'injection. La durée d'acquisition est de 10 à 20 minutes selon les protocoles.
La synapse est constituée de trois parties : un versant présynaptique, la fente synaptique et le versant postsynaptique.
La dopamine est un neurotransmetteur appartenant à la famille des catécholamines. Au niveau cérébral, la dopamine joue un rôle important et complexe et intervient dans diverses fonctions telles que les fonctions motrices, la cognition, la motivation, les phénomènes de récompense, la mémoire et le sommeil. En imagerie métabolique, c'est surtout sa fonction motrice que l'on va étudier.
La synapse dopaminergique a été très étudiée en médecine nucléaire avec le développement de nombreux MRP au niveau pré- ou postsynaptique dont deux permettent aujourd'hui d'étudier le versant présynaptique : le FP-CIT marqué à l'iode 123 (DatSCAN®) en scintigraphie et la fluorodopa (18F-DOPA) en TEP. Le versant postsynaptique n'est pas étudié en routine.
Le DatSCAN® est un substrat du transporteur présynaptique de la dopamine. L'acquisition débute généralement trois à six heures après l'injection et dure environ 30 minutes. Il n'est pas nécessaire d'arrêter les traitements antiparkinsoniens, agonistes ou antagonistes, puisque ceux-ci agissent au niveau postsynaptique.
La 18F-DOPA est un marqueur de la synthèse de la dopamine et donc également un traceur du versant présynaptique de la synapse dopaminergique. Il est nécessaire d'arrêter les traitements antiparkinsoniens 12 heures avant l'examen. Les acquisitions débutent 90 minutes après l'injection et durent entre 10 et 20 minutes.
La substance blanche paraît moins dense (ou plus noire) que la substance grise (cortex et noyaux gris centraux). Le LCS paraît hypodense, alors que les structures osseuses (crâne, rachis) sont hyperdenses (figure 21.13).
L'eau, l'air et la graisse sont hypodenses (figure 21.14), les calcifications et le sang frais sont hyperdenses (figure 21.15).
Après une acquisition sans injection, une injection intraveineuse de produit de contraste iodé peut être réalisée afin de rechercher des anomalies de rehaussement des vaisseaux ou des prises de contraste tissulaires (méninges, tumeur). Lorsqu'une structure est rehaussée, cela se traduit par une augmentation de la densité (ou hyperdensité) par rapport à la TDM réalisée sans injection. En pratique, on reconnaît le caractère injecté de la TDM par l'augmentation de la densité au sein des artères et des veines ainsi que des plexus choroïdes par rapport à la TDM sans injection (figure 21.13).
Les séquences pondérées en T1 sont dites anatomiques : la substance blanche apparaît en hypersignal (plus blanche) que la substance grise, alors que la substance grise (cortex et noyaux gris centraux) apparaît en hyposignal. Le LCS est en hyposignal (figure 21.16).
Si l'on cherche une prise de contraste (au niveau des méninges, d'une tumeur bénigne ou maligne ou d'une lésion inflammatoire), on réalise une séquence en pondération T1 après injection intraveineuse de gadolinium. Les prises de contraste vont se traduire par une augmentation de l'intensité du signal (plus blanche) par rapport au T1 réalisé sans injection. Comme en TDM, on reconnaît le caractère injecté d'une image pondérée en T1 par l'augmentation du signal au sein des artères et des veines du fait de la présence intraveineuse de gadolinium (figure 21.16). Il est important de noter que le tissu cérébral normal ne prend pas le contraste car celui-ci ne traverse pas la barrière hématoencéphalique.
Pour visualiser les vaisseaux, il n'est pas toujours nécessaire d'injecter du produit de contraste, contrairement à la TDM. En effet, les séquences angiographiques sans injection permettent de reconstruire les vaisseaux en analysant les flux en leur sein. Elles sont le plus souvent suffisantes pour analyser les artères du polygone de Willis et les sinus veineux cérébraux. Le T2 est presque l'inverse d'un T1 : la substance blanche est en hyposignal par rapport à la substance grise (cortex et noyaux gris centraux) et le LCS est en hypersignal (figure 21.16). La graisse est en hypersignal en T1 et de signal variable en T2 et l'air et l'os sont noirs en T1 comme en T2.
La séquence FLAIR est une séquence pondérée en T2 sur laquelle le signal des liquides a été annulé. Comme sur une séquence T2, la substance blanche est toujours en hyposignal par rapport à la grise alors que la substance grise (cortex et noyaux gris centraux) paraît plus en hypersignal que la substance blanche. Le LCS apparaît en hyposignal (figure 21.16).
Une structure anormale en IRM est décrite selon la terminologie suivante : une structure en hyposignal ou hypo-intensité est de signal ou d'intensité inférieure au parenchyme cérébral normal. Une structure en hypersignal ou hyperintensité est de signal ou d'intensité supérieurs au parenchyme cérébral normal. Une structure en isosignal ou iso-intensité est de signal ou d'intensité similaires au parenchyme cérébral normal.
En cas d'hématome, le signal du sang varie en fonction du degré de dégradation de l'hémoglobine (figure 21.17) (cf. « Processus hémorragiques »).
L'hypophyse est explorée uniquement en IRM et par des coupes fines en T1 avant et après injection de gadolinium et en T2 (figure 21.9).
L'antéhypophyse est en isosignal T1 et T2 alors que la posthypophyse présente généralement un hypersignal T1 spontané lié au stockage de l'hormone antidiurétique.
Après injection de produit de contraste, l'antéhypophyse saine se rehausse de manière homogène du fait de l'absence de barrière hématoencéphalique, ce qui permet le passage interstitiel du produit de contraste.
La moelle épinière, de petit diamètre, est uniquement explorée en IRM qui offre un meilleur contraste que la TDM (figure 21.10). La moelle épinière présente le même signal que le cerveau. En revanche, la substance grise est centrale et prend une forme de H, alors que la substance blanche est périphérique.
En scintigraphie de perfusion ou en TEP au 18F-FDG, une image normale est caractérisée par une fixation homogène et symétrique du MRP sur l'ensemble du cortex et des noyaux gris centraux (figure 21.18A). Les images anormales sont asymétriques, ou d'aspect symétrique mais de densité inégale (figure 21.18B).
En DatSCAN® ou 18F-DOPA, les images normales montrent une fixation homogène du striatum (noyaux caudés et putamens), sous forme de deux aires symétriques en forme de croissant d'égale intensité (figure 21.19A).
Une tumeur cérébrale (figure 21.20), du fait de l'augmentation de l'eau libre, paraît généralement hypodense en TDM et en hyposignal T1, en hypersignal T2 et FLAIR en IRM. La présence d'une néoangiogenèse et d'une rupture de la barrière hématoencéphalique sont identifiées par une prise de contraste. Les lésions tumorales cérébrales sont souvent entourées d'un œdème vasogénique apparaissant hypodense en TDM, en hyposignal T1 et en hypersignal T2 et FLAIR en IRM. Cet œdème est en plage, mal limité, et atteint préférentiellement la substance blanche, contrairement à l'œdème ischémique, cytotoxique.
Comme les tumeurs cérébrales surexpriment généralement les transporteurs du glucose, la TEP au 18F-FDG peut également être utilisée dans certaines indications des bilans de tumeurs cérébrales, en particulier la recherche de récidive tumorale de haut grade.
La lésion tumorale et l'œdème qui l'entoure occupent de l'espace au sein du parenchyme cérébral, dans le volume non extensible qu'est la boîte crânienne. La lésion et l'œdème sont responsables d'un effet de masse, c'est-à-dire un refoulement des structures anatomiques adjacentes. Cet effet de masse peut aboutir à un engagement, c'est-à-dire le refoulement de structures cérébrales à travers des orifices intracrâniens physiologiques généralement délimités par la dure-mère. On peut ainsi distinguer l'engagement sous-falcoriel, qui correspond au passage des structures de la ligne médiane sous la faux du cerveau, l'engagement temporal qui correspond à une hernie des structures temporales internes entre la tente du cervelet et le tronc cérébral, et l'engagement amygdalien qui correspond au passage des amygdales cérébelleuses au travers du foramen magnum (figure 21.21, figure 21.22).
L'engagement va induire la compression de certaines structures cérébrales comme le bulbe, par exemple en cas d'engagement amygdalien, ce qui peut rapidement aboutir au décès du patient.
L'ischémie cérébrale est induite par une occlusion artérielle, le plus souvent du fait de la présence d'un caillot au sein d'une artère (cf. « Processus ischémiques »). Elle se traduit par un œdème cytotoxique aboutissant à la nécrose du parenchyme cérébral au sein du territoire vascularisé par cette artère occluse. Cet œdème est typiquement bien limité à un territoire artériel et atteint plutôt la substance grise dans les premières heures. En TDM, cela se traduit par une hypodensité : très discrète à la phase précoce, puis de plus en plus marquée (figure 21.23).
L'IRM est plus sensible que la TDM à la phase précoce. Cela est particulièrement important car il existe maintenant des traitements de reperfusion de l'AVC ischémique de moins de six heures :
La séquence IRM essentielle au diagnostic précoce de l'ischémie est la séquence de diffusion (voir Imagerie par résonance magnétique) : la zone ischémiée est en hypersignal dès la première demi-heure après l'occlusion artérielle. Sur les autres séquences d'IRM (T2 et FLAIR), l'apparition de l'hypersignal est plus tardive: jusqu'à six heures après le début de l'ischémie (figure 21.24).
L'occlusion artérielle peut être mise en évidence par angio-TDM, ou par angio-IRM. Elle se traduit par la non-opacification ou la non-visualisation de l'artère occluse du fait de la présence du caillot (figure 21.24C, figure 21.25).
Le sang frais apparaît spontanément hyperdense en TDM, en l'absence de toute injection de produit de contraste (figure 21.15) (cf. « Processus hémorragiques »). Sa densité va ensuite évoluer vers l'hypodensité du fait de la dégradation de l'hémoglobine. Il est important de localiser l'espace dans lequel survient un saignement, en raison de sa valeur étiologique et thérapeutique :
Lorsqu'un examen d'imagerie est nécessaire, l'IRM est l'examen de référence, car elle permet de rechercher des anomalies responsables de la survenue de crises d'épilepsie : tumeurs, malformations corticales ou vasculaires.
En cas d'épilepsie pharmacorésistante, si un traitement chirurgical est envisagé, on peut réaliser une étude scintigraphique de la perfusion ou du métabolisme : elle montre, au niveau de la lésion épileptogène, une hypoperfusion intercritique (en dehors des crises) et une hyperperfusion percritique (pendant la crise).
Dans le cadre de l'évaluation de troubles cognitifs, l'IRM recherche des causes éventuellement curables de démences comme celles décrites ci-dessus (hématome sous-dural, tumeur, AVC) mais aussi à montrer les signes directs, mais tardifs, d'une maladie neurodégénérative comme une atrophie des hippocampes dans la maladie d'Alzheimer.
En médecine nucléaire, l'étude de la perfusion cérébrale et du métabolisme glucidique peut mettre en évidence précocement des zones de dysfonctionnement ou de mort neuronale se traduisant par une hypoperfusion ou un hypométabolisme. Les démences ont en général une topographie lésionnelle spécifique selon l'étiologie ; ces examens peuvent donc être utilisés à visée diagnostique et aider au diagnostic différentiel.
L'IRM permet de rechercher des causes aux tremblements et mouvements anormaux (secondaires à des AVC ou lésions tumorales localisés au sein des noyaux gris centraux). Mais l'IRM, bien que limitée dans la maladie de Parkinson, permet également de rechercher des signes sémiologiques en faveur de certaines maladies neurodégénératives.
Le DatSCAN® et la TEP à la 18F-DOPA peuvent aider au diagnostic différentiel entre syndrome parkinsonien et tremblements essentiels.
Dans un syndrome parkinsonien, il existe une dégénérescence nigrostriée avec atteinte du versant présynaptique de la synapse dopaminergique au niveau striatal. Les images du versant présynaptique sont donc précocement anormales : asymétrie avec hypofixation du traceur du côté controlatéral aux signes cliniques (figure 21.19B).
Dans un tremblement essentiel, il n'y a pas d'atteinte neurodégénérative sous-jacente et les images du versant présynaptique de la synapse sont normales (figure 21.19A).