S. Molière and R. Abgral
Plan du chapitre
La sphère ORL correspond à trois régions anatomiques distinctes de l'extrémité céphalique :
L'étude de l'os temporal et de la base du crâne repose sur deux techniques d'imagerie en coupes : la TDM et l'IRM.
La TDM du rocher, en filtre osseux avec des coupes très fines (épaisseur < 0,6 mm), permet des reconstructions dans les trois plans de l'espace (figure 22.1, figure 22.2) – le plan du canal semi-circulaire latéral est le plan axial de référence – des reconstructions dans le plan des différents osselets et selon le V ossiculaire, formé par la longue apophyse de l'enclume (uncus) et l'étrier (stapes). Elle est réalisée sans injection de produit de contraste.
L'IRM permet l'étude des cavités du rocher (contenu de la cavité tympanique dans certaines indications, analyse morphologique et du signal des cavités de l'oreille interne, analyse de la mastoïde et de la pointe du rocher), du méat acoustique interne (conduit auditif interne) et des angles pontocérébelleux (figure 22.3). Elle fait appel à des séquences écho de spin classiques (T1 avant et après injection de gadolinium, T2 avec suppression – ou effacement – du signal de la graisse) et à des séquences tridimensionnelles à forte pondération T2 (dites « liquidiennes ») en haute résolution (épaisseur de coupe < 0,8 mm). La séquence de diffusion est utile dans certaines indications.
Ce sont des cavités normalement aériques, dont les structures physiologiques (osselets) et pathologiques (comblements liquidien ou tissulaire) bénéficient d'un bon contraste spontané en TDM. La TDM permet l'étude des parois osseuses et des osselets grâce à une résolution spatiale très élevée. Les affections de l'oreille externe et moyenne sont généralement responsables d'une surdité de transmission. Les indications concernent les pathologies aiguë et chronique.
La recherche d'une otite externe ou moyenne aiguë ne justifie pas d'imagerie dans leur forme simple. En revanche, lorsqu'une complication endocrânienne d'une otitemoyenne et/ou d'une mastoïdite est suspectée, la TDM ou, mieux, l'IRM, permet de rechercher un abcès intracrânien, une thrombophlébite cérébrale, voire, sur l'IRM, des signes de méningite ou de labyrinthite (figure 22.4).
La TDM et l'IRM permettent également de rechercher des signes d'ostéite dans le cadre d'une otite externe nécrosante (otite maligne externe), forme particulièrement grave d'otite externe survenant sur un terrain fragilisé (diabète, immunodépression, etc.).
La scintigraphie osseuse au 99mTc-diphosphonate peut apporter des informations complémentaires à l'imagerie morphologique pour le diagnostic d'ostéite (imagerie du remodelage osseux).
Devant une surdité de transmission associée ou non à un écoulement persistant, la TDM est l'examen d'imagerie de première intention. Cependant, elle n'est réalisée qu'après un examen ORL complet comprenant otoscopie et audiogramme : l'aspect du tympan n'étant pas évaluable en TDM. L'examen clinique permet de différencier une surdité de transmission à tympan altéré (rétracté, perforé) d'une surdité de transmission à tympan normal.
Si, cliniquement, le tympanest anormal, on s'oriente le plus souvent vers une otite chronique, cholestéatomateuse (le tympan est le siège d'une perforation marginale et la cavité est colonisée par une masse de nature épidermique) ou non cholestéatomateuse (pas de perforation tympanique ou perforation non marginale, calcifications, etc.). La TDM permet de confirmer le diagnostic d'otite cholestéatomateuse ou d'otite non cholestéatomateuse (otite séromuqueuse, otite fibroadhésive, tympanosclérose, etc.) et de faire le bilan des destructions osseuses et ossiculaires avant un éventuel traitement chirurgical.
Si, cliniquement, le tympan est normal, la TDM permettra de rechercher une éventuelle malformation, des anomalies de la chaîne ossiculaire (malformations, traumatismes, etc.) ou une déminéralisation de l'os labyrinthique en avant de la platine de l'étrier dans le cadre d'une otospongiose.
L'IRM a des indications plus limitées dans l'exploration des cavités de l'oreille externe et moyenne (notamment bilan d'extension des processus tumoraux de voisinage). Elle est utile pour rechercher une récidive de cholestéatome après chirurgie, en cas de doute à la TDM.
Elle est incluse dans le labyrinthe osseux, dont les contours sont analysables à la TDM (figure 22.1, figure 22.2).
La TDM est principalement indiquée pour analyser la morphologie du labyrinthe osseux : malformations, extension locale d'une tumeur, déminéralisation dans le cadre d'une otospongiose.
L'IRM permet d'analyser le contenu liquidien du labyrinthe (périlymphe et endolymphe), qui est en hypersignal en pondération T2, comme le LCS. Baignant dans ces milieux liquidiens, certaines structures neurosensorielles labyrinthiques et les nerfs du conduit auditif interne sont visibles en IRM (figure 22.3). Les voies auditives et vestibulaires du tronc cérébral et du cervelet sont également explorées en IRM.
L'IRM est donc l'examen de choix pour explorer des symptômes cochléovestibulaires (surdité de perception, acouphènes, vertiges) afin d'éliminer un neurinome du nerf auditif (VIII) (figure 22.5) et pour vérifier le signal des liquides de l'oreille interne (modifié en cas de labyrinthite). D'autres affections des voies auditives et vestibulaires, dans le cadre par exemple de maladies démyélinisantes, sont également recherchées.
Les traits de fracture peuvent atteindre toutes les cavités de l'oreille.
La TDM des rochers est réalisée en complément de la TDM cérébrale en présence de signes d'alerte (otorragie, surdité, paralysie faciale) après un traumatisme crânien sévère. Elle permet de localiser le trait de fracture et de classifier les fractures selon leur trajet et les régions atteintes (une atteinte de l'oreille interne est de moins bon pronostic). Elle permet aussi de rechercher une luxation ossiculaire, une atteinte du ganglion géniculé du nerf facial (en cas de paralysie faciale, une incarcération du nerf facial nécessite une décompression chirurgicale en urgence).
La TDM est également indiquée devant un accès vertigineux survenant après un traumatisme, même mineur (gifle, effort de mouchage), pour rechercher une fistule périlymphatique.
Composé de trois portions (labyrinthique, tympanique et mastoïdienne), il est analysable en TDM (qui visualise la paroi osseuse du canal facial) et en IRM. L'imagerie est indiquée devant une paralysie faciale périphérique, si elle est atypique à l'examen clinique, à la recherche d'une atteinte infectieuse ou d'une infiltration tumorale.
Les cavités sinusiennes de la face sont étudiées en première intention en TDM avec un filtre osseux, incluant les apex des dents maxillaires (figure 22.6, figure 22.7). Une sinusite aiguë simple ne nécessite pas d'imagerie : l'imagerie est envisagée en cas de dysfonctionnement rhinosinusien chronique (persistant plus de trois mois) ou de complication d'une sinusite aiguë, parmi lesquelles notamment les complications orbitaires ou encéphaliques d'une éthmoïdite (figure 22.8).
L'infection d'origine dentaire est la cause la plus fréquente de sinusite antérieure, elle est recherchée par dentascanner.
Le cone beam (tomographie X à faisceau conique) est une alternative pour rechercher une sinusite chronique ou un foyer dentaire.
L'IRM de la face est un examen de seconde intention (pathologie infectieuse compliquée, mycotique ou tumorale des sinus de la face) dans le cadre des bilans d'extension et de la surveillance post-thérapeutique, en complément de la TDM.
Les radiographies standard du massif facial ont une faible sensibilité. La TDM permet une analyse fine des fractures du massif facial. Elle permet de classer les fractures selon la classification de Lefort et conforte le diagnostic de certaines urgences thérapeutiques : fracture du canal optique, du plancher de l'orbite avec incarcération musculaire (figure 22.9), complications endocrâniennes, brèche ostéoméningée. Des reconstructions dans les trois plans de l'espace et en rendu volumique permettent la planification chirurgicale.
Les glandes salivaires sont explorées en échographie en première intention. En cas de tuméfaction d'une glande salivaire, l'échographie permet d'identifier s'il existe un calcul bloquant l'écoulement de la salive. Si l'obstacle n'est pas certain en échographie ou si une tumeur des glandes salivaires est suspectée, une IRM est réalisée. La séquence de sialo-IRM est une séquence à fort contraste liquidien, en haute résolution, montrant les canaux intraglandulaires normaux ou dilatés. Cette séquence est indiquée dans la pathologie obstructive ou inflammatoire comme une excellente alternative non invasive à la sialographie (opacification par cathétérisme des canaux salivaires). Les séquences morphologiques classiques (écho de spin T1, T2, post-gadolinium) et fonctionnelles (imagerie de perfusion et de diffusion) sont utiles au diagnostic de nature et d'extension des lésions tumorales salivaires.
La scintigraphie des glandes salivaires peut conforter le diagnostic d'hyposialie par analyse dynamique de sécrétion du MRP.
La filière viscérale pharyngolaryngée ainsi que les vaisseaux et nœuds lymphatiques du cou sont étudiés en TDM avec un filtre adapté aux parties molles.
Une TDM avec injection de produit de contraste est utile en cas de suspicion d'abcès cervical profond ou devant des signes de cellulite extensive. L'imagerie permet de rechercher le site de l'infection et ses limites anatomiques pour guider le drainage chirurgical.
En cas de cellulite cervicale extensive, une TDM thoracique complémentaire est indiquée pour rechercher une médiastinite associée (en raison d'une communication anatomique entre les espaces cervicaux rétropharyngés et le médiastin).
Elle est explorée par échographie en première intention, pour caractériser un nodule ou rechercher des signes de thyroïdite (cf. « Imagerie des glandes endocrines »).
L'imagerie oncologique des VADS repose principalement sur la TDM avec injection de produit de contraste. Certaines manœuvres sont utilisées pour sensibiliser l'examen, comme la phonation (étude de l'étage glottique) ou la manœuvre de Valsalva (étude de l'hypopharynx).
L'étude de certaines régions anatomiques (cavité orale, oropharynx, nasopharynx) bénéficie particulièrement de l'excellente résolution en contraste de l'IRM.
L'imagerie cervicofaciale par TDM et, éventuellement, par IRM permet de préciser l'extension locale d'une tumeur ORL (stade « T » de la classification tumour, node, metastasis [TNM]), de rechercher des contre-indications opératoires (envahissement circonférentiel de l'axe carotidien, envahissement osseux de la base du crâne ou intracrânien), d'évaluer l'extension ganglionnaire cervicale (figure 22.10).
L'imagerie post-thérapeutique, réalisée entre trois et six mois, permet la recherche d'un reliquat tumoral et sert de référence pour le suivi ultérieur. En cas de suspicion clinique de récidive, une TDM et/ou une IRM sont réalisées.
L'IRM de l'oropharynx et du nasopharynx est également indiquée, en complément de la TDM, dans le bilan d'une adénopathie cervicale sans primitif connu, à la recherche d'une petite lésion nasopharyngée, amygdalienne ou basilinguale. Dans le cadre des tumeurs du nasopharynx et des espaces profonds de la face, la TDM et l'IRM sont complémentaires. La fixité de ces régions, non soumises aux artefacts respiratoires et l'excellente résolution en contraste et spatiale de l'IRM en font l'examen le plus adapté pour rechercher les extensions profondes et à la base du crâne.
TEP au 18F-FDG
La cellule de carcinome épidermoïde (95 % des cancers des VADS) est particulièrement hypermétabolique, ce qui fait de la TEP au 18F-FDG un examen de choix pour la caractérisation de ces tumeurs. Une hyperfixation est pathologique lorsqu'elle est visuellement d'intensité supérieure à celle du bruit de fond physiologique et qu'elle n'est pas en rapport avec une cause de faux positif. Sa localisation anatomique (étage des VADS, aire ganglionnaire…), sa latéralité (gauche/droite), son caractère focal ou diffus et son intensité (SUVmax) doivent être spécifiés.
Les indications actuelles de la TEP au 18F-FDG en pathologie cancéreuse ont été proposées par la SFMN en collaboration avec la SFR dans le Guide du bon usage (GBU) de prescription des examens d'imagerie, disponible online (http://gbu.radiologie.fr/).
Quelle que soit l'indication, les performances diagnostiques de l'examen sont améliorées en cas d'injection de produit de contraste iodé de l'examen TDM couplé.
La TEP au 18F-FDG est indiquée dans le bilan d'extension des carcinomes épidermoïdes de stades avancés pour rechercher des métastases à distance et, quel que soit le stade, pour la recherche d'une localisation synchrone (figure 22.11), en particulier pulmonaire et œsophagienne (facteurs de risque communs). La quantification de la fixation tumorale en FDG a un intérêt pronostique.
La TEP au 18F-FDG est indiquée dans la recherche de tumeur primitive en cas d'adénopathie métastatique cervicale carcinomateuse sans cancer primitif connu (carcinoma of unknown primary [CUP]). Elle permet de détecter la tumeur primitive dans 30 à 50 % des cas selon les études.
La TEP au 18F-FDG est indiquée pour le diagnostic de récidive cliniquement suspectée. Elle permet l'évaluation thérapeutique à la recherche d'une maladie résiduelle. Elle peut être proposée dans le cadre de la surveillance systématique des patients à la recherche d'une récidive infraclinique. La valeur prédictive négative de l'examen est par ailleurs excellente.