I. Thomassin-Naggara and O. Humbert
Plan du chapitre
Sénologie
La place de l'imagerie dans l'exploration en pathologie gynécologique et mammaire est centrale, permettant de diagnostiquer, surveiller la patiente sous traitement et dépister des patientes asymptomatiques. Nous avons à notre disposition une large gamme de techniques d'imagerie utilisant les rayons X, les ultrasons, l'IRM ou les isotopes.
L'examen de première intention, quel que soit le symptôme présenté par la patiente en gynécologie est l'échographie pelviennepar voie sus-pubienneet par voie endovaginale avec Doppler. Cet examen se fait dans la continuité de l'examen clinique et permet parfois à lui seul de diagnostiquer une maladie ou d'orienter la patiente vers d'autres techniques d'imagerie. L'échographie par voie endovaginale présente une excellente résolution spatiale en raison de l'utilisation d'une sonde à haute fréquence placée au contact des structures utéro-ovariennes, sans l'interposition des muscles et de la graisse de la paroi abdominale. De plus, il s'agit d'un examen dynamique permettant de réaliser une palpation abdominale en même temps que l'examen échographique.
Les examens pouvant compléter l'échographie endovaginale et sus-pubienne sont tout d'abord l'IRM pelvienne avec ou sans injection de produit de contraste à base de gadolinium. Elle permet d'explorer l'anatomie du pelvis féminin et est très utile pour la caractérisation des structures liquidiennes et solides situées dans le pelvis féminin. Cette technique permet de combiner des séquences morphologiques pondérées en T2, T1, T1 avec suppression de graisse, T1 après injection de gadolinium ainsi que l'utilisation de séquences fonctionnelles permettant de différencier une tumeur bénigne d'une tumeur maligne (IRM avec injection dynamique de gadolinium, étude de la perfusion, imagerie de diffusion).
La TDM abdominopelvienne est parfois utile dans un contexte d'urgence, car une douleur pelvienne n'est pas toujours d'origine gynécologique mais peut aussi être d'origine digestive ou urinaire. Elle présente un moins bon contraste tissulaire que l'IRM pelvienne mais une meilleure résolution spatiale. La TDM abdominopelvienne se fait le plus souvent sans et après injection de produit de contraste à base d'iode. La TDM est l'examen de référence du bilan d'extension des cancers ovariens car il permet la visualisation des métastases péritonéales sous la forme de petits implants péritonéaux.
En imagerie gynécologique, le seul examen permettant d'analyser la morphologie des trompes ainsi que leur perméabilité est l'hystéro-salpingographie. Cet examen se fait à l'aide de rayons X après opacification rétrograde des trompes par l'injection d'un produit de contraste radio-opaque à travers le col utérin. Sa principale indication est le bilan d'infertilité.
La TEP-TDM au 18F-FDG peut être indiquée pour réaliser le bilan d'extension initial de certaines tumeurs pelviennes (col utérin, endomètre, ovaires), lorsqu'elles sont localement avancées. La TEP au 18F-FDG est surtout utile pour réaliser le bilan d'extension régional et à distance, c'est-à-dire détecter un éventuel envahissement des nœuds lymphatiques régionaux (diffusion lymphogène) ou la présence de localisations secondaires (métastases) plus à distance (diffusion hématogène).
L'utérus est situé au-dessus et en arrière de la vessie et en avant du rectum. Chez la femme en âge de procréer, il a une forme de poire inversée, il est médian, plus ou moins dévié latéralement et anté- ou rétroversé. Ses quatre segments (col, isthme, corps et fond utérin) sont identifiables en échographie et en IRM (figure 27.1). L'utérus est composé de trois structures : la cavité utérine, l'endomètre, qui correspond à la muqueuse recouvrant la cavité utérine et le myomètre, qui est la portion la plus épaisse de l'utérus, correspondant à du muscle lisse. Au cours du cycle menstruel, l'échostructure et l'épaisseur de l'endomètre se modifient de façon physiologique : il est fin et plutôt hypoéchogène en première partie de cycle et s'épaissit et devient progressivement plus hyperéchogène en seconde partie de cycle. Les trompes ne sont pas visibles à l'état normal en raison de leur finesse.
Les ovaires sont le plus souvent situés de part et d'autre de l'utérus, en dedans des vaisseaux iliaques externes. Ils sont de forme ovalaire et contiennent plusieurs follicules (figure 27.2). En échographie, les follicules apparaissent ronds et anéchogènes mesurant entre 2 et 10 mm environ, harmonieusement répartis au sein du parenchyme ovarien. Le volume de l'ovaire varie en fonction de l'âge et du cycle.
Les deux principaux symptômes motivant une consultation en urgence en gynécologie sont la douleur pelvienne aiguë et le saignement d'origine gynécologique.
Grossesse extra-utérine
Chez la femme en période d'activité génitale, la survenue d'une douleur pelvienne aiguë nécessite de rechercher avant tout une grossesse extra-utérine. Si le dosage de l'hormone chorionique gonadotrope humaine (hCG) est positif, l'examen à pratiquer en première intention et en urgence est une échographie endovaginale à la recherche d'une grossesse évolutive. Les signes échographiques en faveur d'une grossesse extra-utérine sont la présence d'un utérus vide, d'un pseudo-sac ou de kystes dans l'endomètre associés à des signes annexiels que sont un embryon extra-utérin, un sac gestationnel ou plus fréquemment une masse tubaire (figure 27.3). On peut retrouver un épanchement pelvien non spécifique qui est non prédictif de rupture et dont l'échogénicité est variable. Une grossesse extra-utérine est habituellement très vascularisée en mode Doppler couleur.
En cas de doute diagnostique, un contrôle échographique toutes les 24 à 48 heures et une surveillance du taux de bêta-hCG sont proposés.
L'un des principaux diagnostics différentiels est la rupture de kyste lutéal hémorragique qui se traduit par la présence également d'un hémopéritoine mais avec un rehaussement annulaire aplati caractéristique du kyste ovarien.
Torsion d'annexe
Devant des douleurs pelviennes aiguës, le second diagnostic à évoquer est celui de torsion d'annexe. Elle est plus fréquente chez la femme enceinte mais peut également survenir en l'absence de grossesse, parfois parce qu'une tumeur de l'ovaire (tumeur organique bénigne, kyste fonctionnel) a entraîné la torsion. Les signes à rechercher sont, en échographie, une masse annexielle, un déplacement de l'annexe du côté controlatéral ou en position médiane, un épaississement de la trompe et la présence d'un tour de spire de la trompe tordue. Il existe des torsions d'annexe sur ovaire sain chez la patiente jeune (en raison d'un défaut de fixation de la gonade ou d'une augmentation de son volume) ; dans ce cas, le diagnostic est suspecté devant un œdème ovarien important avec déviation périphérique des follicules. En cas de doute diagnostique en échographie endovaginale, on peut proposer de réaliser une IRM pelvienne (figure 27.4) ou une TDM abdominopelvienne.
Infection génitale haute (salpingite aiguë)
Le 3e diagnostic par ordre de gravité à évoquer devant des douleurs pelviennes aiguës est celui d'infection génitale haute. L'infection est d'origine endométriale et s'étend à la trompe et éventuellement à l'ovaire. En imagerie, les signes sont le plus souvent bilatéraux, asymétriques et centrés sur la trompe. Il existe des images tubulées bilatérales dont la paroi est épaissie, correspondant aux trompes infectées. Elles sont très vascularisées en Doppler en échographie et se rehaussent de façon importante en IRM ou en TDM. Il s'y associe une infiltration de la graisse sous-péritonéale se traduisant par par des plages de contours flous et de densité plus élevée de la graisse en TDM.
Endométriose
L'endométriose pelvienne est habituellement responsable de douleurs pelviennes chroniques souvent rythmées par les menstruations (dysménorrhées), de douleurs pelviennes lors des rapports sexuels (dyspareunie) et d'infertilité. Elle est explorée en échographie et en IRM.
Dans le cadre de l'urgence et devant des saignements abondants d'origine gynécologique, l'échographie par voie endovaginale recherche une anomalie endométriale ou myométriale. L'utilisation du Doppler est fondamentale dans cette indication à la recherche d'une malformation artérioveineuse, qui correspond à une image intramyométriale très vascularisée avec présence de foyers à haute vitesse (> 1 m/s). Une embolisation des artères utérines est réalisée sous guidage par rayons X (cf. « Processus hémorragiques »).
Une masse ovarienne peut être uni- ou pluritissulaire, être purement liquidienne, purement solide ou mixte. L'IRM est l'examen de choix car la combinaison des différentes séquences permet d'approcher une caractérisation de la masse.
Ainsi, les masses liquidiennes pures sont homogènes, en hypersignal en T2 et hyposignal en T1. La graisse est en hypersignal T1, disparaissant après saturation du signal de la graisse : cet aspect est retrouvé dans le kyste dermoïde ou le tératome ovarien. Le sang est également en hypersignal T1, mais ne disparaît pas après saturation du signal de la graisse : cet aspect est retrouvé dans l'endométriome ovarien ou dans le kyste lutéal hémorragique.
Une tumeur ovarienne maligne présente une composante tissulaire qui se rehausse après injection de gadolinium. Les tumeurs malignes sont souvent en signal T2 intermédiaire et en hypersignal en diffusion (figure 27.5).
En imagerie mammaire, nous disposons de trois types d'examen d'imagerie diagnostique : la mammographie fondée sur les rayons X, l'échographie fondée sur les ultrasons et l'IRM. Nous abordons essentiellement les deux premières techniques dans cette partie.
La mammographie est une technique d'imagerie par rayons X qui permet de détecter les principales anomalies séméiologiques évocatrices d'un cancer du sein qui sont par ordre de fréquence des masses, des microcalcifications, des distorsions architecturales ou des asymétries de densité soit des masses, soit des non-masses (asymétrie de densité, distorsion architecturale ou foyer de microcalcifications).
La nécessité de détecter des anomalies de très petite taille et la mobilité normale du sein rendent nécessaire l'utilisation d'un système de compression permettant de bloquer le sein contre un détecteur dont la résolution spatiale est excellente (< 100 micromètres). Deux incidences sont réalisées, l'une de face et l'autre oblique (à 45°) pour couvrir l'ensemble de la glande mammaire et repérer les anomalies dans l'espace.
L'aspect d'un sein en mammographie est très variable en fonction des patientes et de leur statut hormonal. Dans un sein normal, on décrit quatre composantes anatomiques principales qui expliquent le signal radiologique : l'unité ductulolobulaire terminale et les canaux galactophoriques qui constituent le tissu glandulaire, le tissu fibreux et le tissu adipeux. En fonction de la proportion de tissu fibroglandulaire et de tissu adipeux de chacun de ces éléments, le sein est dense (tissu majoritairement fibreux et/ou glandulaire) ou radio-transparent (tissu majoritairement graisseux). La majorité des femmes présentent des seins de densité intermédiaire (densité types B et C selon le lexique Breast Imaging-Reporting And Data System [BI-RADS] de l'American College of Radiology [ACR]). Les seins graisseux (densité type A) représentent 20 % de la population et les seins très denses (densité type D) représentent 10 % de la population. Avec l'âge, il existe une disparition progressive du tissu fibroglandulaire et donc une diminution progressive de la densité mammaire (figure 27.6). C'est la raison pour laquelle, les seins des femmes jeunes, classiquement plus denses, sont plus facilement explorés en échographie tandis que les seins des femmes plus âgées, classiquement moins denses, s'explorent plus aisément en mammographie.
Le cancer du sein naît dans l'unité ductulolobulaire terminale et se traduit le plus souvent par une masse dense. Il est donc facile à détecter dans un sein graisseux mais plus difficile à détecter dans un sein dense ou très dense (densité types C et D) (figure 27.7).
Figure 27.7 Mammographie bilatérale montrant une masse dense de forme ronde de contours spiculés correspondant à un carcinome canalaire invasif.
Dans ce cas, il est nécessaire de compléter la mammographie par une échographie mammaire.
En échographie mammaire, un cancer du sein se traduit par un nodule hypoéchogène qui se voit mieux dans le tissu fibroglandulaire (hyperéchogène) que dans la graisse qui est hypoéchogène (figure 27.8). L'échographie mammaire est donc un examen complémentaire de la mammographie. Elle permet de plus d'analyser la dureté des tissus, ce qui aide à reconnaître les cancers qui sont classiquement durs à la palpation, caractéristique retrouvée en mode élastographique échographique.
Figure 27.8 Échographie mammaire montrant une masse irrégulière de contours spiculés avec un halo hyperéchogène. Cette masse est classée ACR5.
Le dépistage organisé du cancer du sein repose en France sur la réalisation d'une mammographie bilatérale pour les femmes âgées entre 50 et 74 ans, une fois tous les deux ans. Ce dépistage a montré sa capacité à détecter précocement le cancer du sein et à améliorer la survie des patientes. La mammographie bilatérale doit être accompagnée d'un examen clinique. Cet examen fait l'objet de règles strictes d'acquisition (contrôle qualité des mammographes) et d'interprétation (lexique BI-RADS). Afin de limiter les erreurs diagnostiques, une double lecture est organisée à l'échelon régional.
Outre le dépistage systématique chez des patientes indemnes qui se fait par mammographie bilatérale éventuellement associée à une échographie si la patiente a des seins denses ou très denses ou si une anomalie est détectée sur la mammographie, la patiente peut se présenter d'emblée avec un symptôme mammaire nécessitant une exploration.
En imagerie mammaire, il existe deux types d'anomalies :
En fonction de ces différents critères descriptifs, les anomalies sont classées selon le lexique BI-RADS en cinq catégories. Ces catégories sont directement en lien avec la valeur prédictive positive de malignité (le risque que la lésion soit un cancer).
Un cancer du sein invasif se présente typiquement en mammographie sous la forme d'une masse hyperdense irrégulière de contours spiculés. En IRM, elle se rehausse précocement et intensément avec lavage secondaire (chute du signal après un pic de plus de 15 %). Les deux principaux diagnostics différentiels sont :
Un cancer du sein in situ (strictement intracanalaire) se présente typiquement sous la forme d'anomalies sans masse, sous forme le plus souvent d'un foyer de calcifications (figure 27.10) dont la topographie suit les canaux galactophores (donc segmentaire orienté vers le mamelon). Certaines formes de cancers in situ de haut grade se traduisent en IRM sous la forme d'anomalies sans masse de trajet galactophorique (figure 27.11).
En cas de cancer du sein, il est important de faire le bilan d'extension locorégional du cancer en appréciant la taille tumorale, la présence d'une extension à la peau, à la plaque aréolo-mamelonnaire ou au muscle grand pectoral. De plus, l'imagerie permet d'apprécier l'envahissement lymphatique axillaire et de guider d'éventuels prélèvements percutanés. Le meilleur examen d'imagerie pour ce bilan est l'IRM.
En sénologie, les biopsies percutanées des lésions mammaires sont relativement aisées. Plusieurs imageries sont possibles pour guider ce geste : guidage mammographique, échographique, IRM, voire TDM. On privilégiera toujours une biopsie sous guidage échographique, car elle est précise et permet de suivre en temps réel la procédure. Lorsque l'anomalie n'est pas visible en échographie mais en mammographie, elle pourra être biopsiée sous guidage stéréotaxique. Lorsqu'une anomalie est visible avec plusieurs modalités d'imagerie et que l'on veut s'assurer qu'il s'agit bien de la même lésion, on peut disposer des marqueurs métalliques en fin de procédure, de façon à pouvoir les visualiser à la fois en mammographie, en échographie et en IRM.
Enfin, lorsqu'une chirurgie conservatrice est envisagée (tumorectomie), le radiologue réalise un repérage préalable dans la glande mammaire par un fil ou un clip métalliques pour aider le chirurgien à faire l'exérèse d'une zone tumorale visible sur l'imagerie, mais parfois difficilement repérable à l'examen clinique et en peropératoire (figure 27.12).
Le bilan d'extension vise à rechercher les localisations métastatiques d'un cancer du sein évolué. Il convient de rechercher en premier les métastases osseuses, pulmonaires et hépatiques, les autres sites de métastases étant des diagnostics cliniques (nœuds lymphatiques, peau, etc.) ou n'ayant qu'une incidence faible. Cette recherche s'effectue en combinant différentes modalités d'imagerie qui explorent un ou plusieurs de ces organes à risque : radiographie de thorax, échographie abdominale, scintigraphie osseuse, TDM thoraco-abdominale, TEP au 18F-FDG, etc.
Un bilan d'extension par imagerie n'est pas systématique lors de la découverte d'un cancer du sein. En effet, pour les petites tumeurs asymptomatiques, la prévalence des métastases est faible et les examens d'imagerie exposent surtout au risque de résultats « faux positifs ». Citons l'exemple de la découverte fortuite d'un nodule pulmonaire bénin faisant suspecter à tort une métastase pulmonaire. Ce résultat faux positif risque d'inquiéter inutilement la patiente, d'aboutir à des gestes invasifs supplémentaires (biopsie du nodule pulmonaire) et de retarder la mise en route de son traitement.
La TEP au 18F-FDG peut être utilisée pour le bilan d'extension des cancers du col utérin de stade avancé, de l'endomètre en cas de risque élevé de métastases (figure 27.13), de l'ovaire et du sein. Elle est utile au suivi de la réponse à la chimiothérapie et la recherche de récidive. Par ailleurs, dans les perspectives pour la prise en charge initiale du cancer du sein, de nouveaux médicaments radiopharmaceutiques (MRP) émergent. Leur objectif est d'identifier l'expression par les cellules tumorales de la cible moléculaire d'un agent thérapeutique, afin de mieux prédire son efficacité et d'adapter de façon individuelle le traitement. Parmi ces nouveaux MRP, citons l'exemple de l'imagerie de l'expression cellulaire des récepteurs aux estrogènes. Le 16α-18F-fluoro-17β-estradiol (18F-FES) est un analogue de l'estradiol marqué au 18F ; il se fixe aux récepteurs des estrogènes s'ils sont exprimés in vivo par les cellules tumorales. La TEP au 18F-FES permet alors de visualiser l'expression globale des récepteurs des estrogènes par la maladie métastatique (figure 27.14). Cet examen pourrait permettre à terme de mieux cibler les patientes éligibles à un traitement hormonal (en fait, il s'agit d'une « antihormone ») qui permet de stopper la croissance des cellules tumorales en s'opposant aux effets stimulants des estrogènes.
La recherche du noeud lymphatique sentinelle est une technique qui vise à identifier le nœud lymphatique le plus à risque d'envahissement par les cellules malignes d'une tumeur (Cf. « Processus tumoraux »).
Au cours de leur évolution, certaines cellules tumorales se « détachent » de la tumeur primitive et se propagent dans l'organisme via par la circulation lymphatique. Elles vont alors être arrêtées par les nœuds lymphatiques qui se trouvent sur ce réseau lymphatique et qui fonctionnent comme des filtres. Les cellules tumorales s'y multiplient et infiltrent le tissu lymphatique. La connaissance de cet envahissement lymphatique est indispensable pour guider le choix du traitement optimal. Cette information peut être obtenue grâce à la technique du nœud lymphatique sentinelle.
Le principe du nœud lymphatique sentinelle repose sur la progression ordonnée des cellules tumorales au sein des nœuds du système lymphatique, de proche en proche, sans saut de relais lymphatique. Le premier nœud lymphatique sur cette chaine lymphatique est appelé nœud lymphatique sentinelle. Si ce premier relais n'est pas envahi, alors les nœuds lymphatiques suivants seront également indemnes. S'il est envahi, alors les cellules tumorales ont pu diffuser dans les autres nœuds lymphatiques.
La technique du nœud lymphatique sentinelle vise à identifier le nœud lymphatique sentinelle parmi tous les autres nœuds lymphatiques locorégionaux et permettre une exérèse/analyse sélective de ce seul nœud lymphatique. Si son analyse histologique ne montre pas d'infiltration tumorale, alors le curage lymphatique extensif (exérèse de tous les nœuds lymphatiques de cette même région) n'est pas nécessaire. L'intérêt pour la patiente est alors d'éviter la morbidité postopératoire d'un curage lymphatique étendu (risque de lymphœdème). Si l'analyse histologique du nœud lymphatique sentinelle révèle la présence de cellules tumorales, un curage ganglionnaire complet doit généralement compléter l'exérèse du nœud lymphatique sentinelle.
Son indication la plus fréquente est le cancer du sein de moins de 3 cm. Cette technique peut également être appliquée au mélanome ou, plus occasionnellement, à d'autres localisations telles que les cancers de la vulve, du col utérin, de la prostate, certains cancers ORL. Aucun envahissement lymphatique ne doit être suspecté à l'examen clinique ou à l'échographie (sinon, un curage lymphatique complet est plutôt réalisé directement).
La recherche du nœud lymphatique sentinelle du cancer mammaire peut se faire selon différentes méthodes.
Repérage visuel colorimétrique
Pendant l'intervention chirurgicale, le chirurgien injecte un traceur lymphotrope coloré (du bleu patenté) au sein de la tumeur ou au niveau du mamelon. Après quelques minutes, le colorant est drainé par le système lymphatique jusqu'au nœud lymphatique sentinelle, qui le « bloque » et se colore. Le nœud lymphatique sentinelle pourra être repéré visuellement par le chirurgien qui fera son exérèse et l'adressera pour un examen anatomopathologique extemporané (c'est-à-dire au cours de l'acte chirurgical).
Repérage par la méthode isotopique
Quelques heures avant l'intervention, le MRP est injecté à proximité de la tumeur du sein (le plus souvent quatre injections sous-cutanées péri-aréolaires). Il s'agit de petites particules dont le diamètre va de 50 à 100 nm (sulfure de rhénium colloïdal ou nanocolloïdes d'albumine humaine), marquées au 99mTc. La taille de ces particules leur permet de circuler dans le système lymphatique, sans passer dans le système sanguin. Le transport vers les nœuds lymphatiques est rapide (quelques minutes à quelques heures).
Une lymphoscintigraphie (visualisation du drainage lymphatique du radio-traceur grâce à une gamma-caméra) est ensuite réalisée. Les images statiques sont centrées sur les régions mammaire et axillaire homolatérales afin de visualiser la ou parfois les voie(s) de drainage lymphatique amenant vers le nœud lymphatique. Le ganglion sentinelle va apparaître comme un foyer hyperfixant intense au sein de la région lymphatique axillaire, du fait de la concentration du traceur (figure 27.15). Une sonde de détection de la radioactivité permettra au chirurgien de repérer le nœud lymphatique sentinelle pendant l'intervention chirurgicale. Le nœud lymphatique sentinelle est souvent unique, mais peut parfois être multiple du fait de plusieurs conduits lymphatiques émanant de la région mammaire. Il est observé dans la région axillaire, parfois également dans la région thoracique interne.