Les médicaments utilisés pour traiter la douleur nociceptive sont classés en trois paliers d’efficacité analgésique croissante par l'organisation mondiale de la santé (OMS, Tableau 1).
Il existe aussi des médicaments spécifiques des douleurs neuropathiques ainsi que des médicaments dits “adjuvants” ou “coanalgésiques” qui sont parfois associés aux analgésiques des paliers de l'OMS.
Pour aller plus loin :Le terme « antalgique » (étymologiquement « contre la douleur ») est fréquemment utilisé pour les médicaments du palier I disponibles en automédication par le patient (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens). Le terme « analgésique » (étymologiquement « supprime la douleur ») peut être utilisé pour tout médicament à visée antalgique, même si l’étymologie manque parfois de « modestie ».
L'OMS a établi en 1986un modèle conceptuel en 3 paliers pour guider le traitement de la douleur. Il est basé sur une évaluation de l'intensité de la douleur. Aujourd'hui, il y a un consensus mondial qui favorise son utilisation. Selon la sévérité de la douleur, il faut commencer sa prise en charge au palier correspondant :
Le principe à retenir :Un ou plusieurs médicaments de palier I peuvent être associés à un médicament de palier II ou III dans une approche dite d’analgésie multimodale. Il existe un très grand nombre de spécialités antalgiques associant un palier I et un palier II dans le même conditionnement (gélule, comprimé, suppositoire). Il est nécessaire de bien lire la composition de ces médicaments afin d’éviter tout risque de surdosage en cas de polymédication.
Le tableau 1 présente les principaux agents analgésiques avec leurs doses. La prise en charge des douleurs aigues de l'adulte modérées à intenses a fait l'objet d'une mise au point par l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en 2011, celle des douleurs chroniques de recommandations de la haute autorité de santé (HAS) en 2008.
Tableau 1 : Paliers OMS des analgésiques (avec leurs doses habituelles chez l'adulte)
AINS = Anti-inflammatoires non stéroïdien, AMM = Autorisation de Mise sur le Marché, PO = Per os, IV = intraveineux, IVL = intraveineux lent (perfusion de 15 à 30 min selon le médicament), IM = intramusculaire, LP = libération prolongée, SC = sous-cutané, IR = insuffisance rénale, cp = comprimé, gél = gélule
Les analgésiques non opioïdes du palier I de l'OMS ont tous un effet plafond analgésique (une dose maximale après laquelle aucune analgésie supplémentaire ne peut être attendue).
C'est un antalgique utilisé très communément y compris en automédication. Il peut aussi être utilisé comme co-analgésique pour réduire les doses d'analgésiques opioïdes. En dehors de ses propriétés antalgiques, le paracétamol est utilisé fréquemment comme antipyrétique.
Il agit sur la variante de l'enzyme cyclo-oxygénase (COX)-3 dont l’expression est essentiellement le système nerveux central, sans agir sur les récepteurs COX-1 et COX-2. Cela explique pourquoi il n'a pas d’effet anti-inflammatoire (Cf paragraphe suivant).
Une anecdote : Le paracétamol a longtemps été classé parmi les antalgiques dits « périphériques » alors qu’il a une action centrale (sur le système nerveux central) comme tous les analgésiques (mis à part les AINS).
La posologie quotidienne maximale passe de 4 g à 3 g chez les patients insuffisants rénaux. e rapport bénéfice-risque doit être discuté avant de prescrire du paracétamol chez les patients présentant une pathologie hépatique.
A retenir: le surdosage en paracétamol. Le surdosage est fréquent, d'autant qu'il s'agit d'un médicament banalisé, en vente libre. La toxicité est fréquente à partir de 10 g en une seule prise. Le conditionnement des boîtes de paracétamol est limité à 8 g en France pour cette raison. Il peut être volontaire (dans un but suicidaire) ou accidentel. Les patients de petit poids et/ou avec une insuffisance rénale sont exposés à un risque accru de surdosage. Il peut entraîner une insuffisance hépatique grave mais aussi une insuffisance rénale aiguë. Les cas les plus graves peuvent nécessiter une transplantation hépatique(hépatite fulminante). Le mécanisme physiopathologique est la toxicité d’un métabolite du paracétamol. L’antidote du paracétamol est le N-Acétyl-Cystéïne (Fluimucil), qui doit être administré le plus précocement possible dès la suspicion de surdosage. Cet antidote « donneur de souffre » agit en augmentant l’activité de la Glutathion peroxydase (localisée au niveau du foie et du rein notamment). Cet enzyme détoxifie l’organisme du métabolite toxique.
Ils sont indiqués en première intention pour une douleur faible à modérée, et particulièrement adaptés pour les douleurs inflammatoires (pathologies articulaires inflammatoires, douleurs osseuses traumatiques, et douleurs postopératoires) mais aussi les crises de migraine.
Les AINS sont contre-indiqués en cas de saignement actif, d’anomalie de la coagulation, d'insuffisance rénale chronique ou de risque élevé d'insuffisance rénale (âge, diabète).
Tous les AINS, y compris l'aspirine, ont un mode d'action commun : l'inhibition de la COX (cyclo-oxygénase, enzyme qui convertit l'acide arachidonique en prostaglandines). Deux isoformes de la COX permettent schématiquement la synthèse de prostaglandines aux propriétés différentes :
On distingue, selon leur sélectivité in vitro, trois types d’AINS :
Attention : les AINS ont des effets indésirables graves et fréquents :
A noter: L’aspirine peut-être un médicament déclencheur du syndrome de Reye (encéphalopathie, hyperammoniémie et atteinte hépatique déterminées par une anomalie métabolique du cycle de l’urée). La fréquence élevée du syndrome de Reye au cours d’une infection virale (varicelle notamment) a fait contre-indiquer l’aspirine chez les enfants dans les pays anglosaxons.
C'est un analgésique non opioïde, dont l'action est spinale et supra-spinale, incluant une inhibition de la recapture de plusieurs neurotransmetteurs (dopamine, norépinéphrine, sérotonine).
Il n'induit pas d'effets délétères significatifs sur l'hémostase, la muqueuse gastrique, le transit intestinal et la fonction rénale ou hépatique. Cependant, il pourrait avoir une action anti cholinergique avec des effets secondaires typiques : tachycardie, rétention aiguë d'urines, glaucome à angle fermé, sécheresse des muqueuses, nausées-vomissements, bouffées de chaleur, confusion et convulsions. L’effet sur la tension artérielle est variable. Une hypersudation est souvent observée, déterminée par une action directe du néfopam sur les glandes sudoripares.
Attention aux modalités d'administration ! Pour limiter les effets indésirables désagréables (tachycardie, nausées/vomissements, sensation de « flush »), le néfopam doit être administré lentement :
Il est contre-indiqué en cas d'épilepsie non contrôlée, de glaucome à angle fermé ou d'insuffisance coronarienne sévère (en raison du risque de tachycardie).
A noter : Seule la forme parentérale (IV ou IM) est disponible en France à ce jour.
L’ampoule injectable est parfois utilisée en administration orale sur un sucre mais ceci ne peut être recommandé dans ce référentiel car n’étant pas recommandé dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), il s’agit d’une utilisation « hors AMM ».
Les termes « opioïde » et « morphinique » sont interchangeables. Le terme opioïde a été utilisé tout au long de ce manuscrit pour la cohérence mais il peut être remplacé par « morphinique ».
Les opioïdes ont une action inhibitrice de la transmission du signal douloureux à tous les niveaux des voies de la douleur (terminaisons nerveuses périphériques, spinales et cérébrales). Cet effet est déterminé principalement par une action agoniste sur les récepteurs µ.
La majorité des opioïdes utilisés en France sont actuellement des agonistes purs, c'est-à-dire qu’il n’existe pas d’effet plafond. Les agonistes partiels, encore appelés agonistes/antagonistes, ne sont que très peu utilisés en France (voir paragraphe).
La dose équi-analgésique d'un opioïde représente la dose qui produit un degré d'analgésie comparable à celui induit par le sulfate de morphine (Tableau 2). La puissance analgésique détermine la différence entre les paliers II et III. A même posologie, les paliers II ont une action moindre que les paliers III.
Avant de commencer un traitement prolongé par opioïdes, une évaluation des bénéfices et risques du traitement au niveau individuel doit être réalisée, basée sur les antécédents, l'examen clinique et l'évaluation du risque d'abus de substances, mésusage ou addiction. L'éducation du patient et la réévaluation régulière du traitement sont fondamentales.
Une anecdote : la LAMALINE® (voie orale et suppositoire) est un antalgique utilisé en France depuis des décennies. Il est à noter que l’un de ses principes actifs est de la poudre d’opium. Son utilisation fait donc l’objet de débats, ses détracteurs mentionnant un risque de mésusage.
Les effets secondaires principaux sont communs à tous les opioïdes, de palier II et de palier III. Ils doivent faire évaluer la balance bénéfice-risque avant toute prescription.
A retenir : Le surdosage en morphinique. Le surdosage en morphinique se manifeste par une somnolence allant jusqu’au coma, et une dépression respiratoire centrale avec bradypnée et respiration ample. Les risques sont l'hypoxie voire l'arrêt respiratoire qui sera rapidement suivi d'un arrêt cardiaque. L'antidote des morphiniques est la Naloxone (NARCAN®). Il peut être administré en IVD en cas d'urgence.
La tolérance est définie par l'un des symptômes suivants :
Elle entraîne la nécessité d'administrer des doses croissantes pour obtenir une efficacité analgésique. Cette situation fait envisager l'instauration de co-analgésiques dans le cadre d'une analgésie multimodale et/ou la rotation des opioïdes (changement de spécialité).
Un syndrome de sevrage est possible à l'arrêt d'un traitement prolongé par antalgiques opioïdes : dysphorie, anxiété, et signes physiques (hypertension artérielle, tachycardie, transpiration excessive, mydriase). Le traitement est poursuivi pour soulager ou éviter ces symptômes. En raison de ce risque, un traitement prolongé par opioïdes doit être diminué progressivement avant d'être arrêté.
Il peut exister une addiction aux médicaments opioïdes (cf item 326). Ce risque a parfois fait hésiter la communauté médicale à utiliser ces antalgiques puissants. Il ne doit pas en limiter l'utilisation lorsqu'ils sont indiqués.
Il a une action analgésique complexe : il agit sur les récepteurs µ, ce qui lui confère la qualification d’opioïde, mais inhibe aussi la recapture de la sérotonine et de la norépinéphrine. Son métabolisme est tout aussi complexe, hépatique et rénal, avec des variations interindividuelles d’efficacité et d’effets secondaires déterminées par un polymorphisme génétique.
Pour aller plus loin : il existe un surcroît d’activité sérotoninergique chez les « metaboliseurs lents » et un surcroît d’activité opioïde chez les « métaboliseurs rapides ». Dans le premier cas, les nausées/vomissements sont fréquents ; dans le deuxième cas, il existe un risque de surdosage morphinique, notamment en cas d’insuffisance rénale associée (retard d’élimination du métabolite actif).
Il existe un risque de surdosage principalement en cas d'insuffisance rénale sévère, ce qui nécessite une réduction des doses. Les effets secondaires sont ceux de la morphine avec un risque moindre de dépression respiratoire (sauf en cas de surdosage), et de dépendance. Les plus fréquents sont les nausées et vomissements. Il existe un risque de convulsions, particulièrement en association à des antidépresseurs, des neuroleptiques, ou d’autres médicaments qui diminuent le seuil épileptogène.
Il existe, comme pour le Tramadol, des variations interindividuelles de métabolisme liées à un polymorphisme génétique avec des risques d'inefficacité (métaboliseurs lents) mais aussi d'accidents graves de surdosage (métaboliseurs rapides).
En raison de ces risques d'accidents graves à type de dépression respiratoire, l’ANSM ne recommande plus sa prescription aux enfants de moins de 12 ans, ni aux enfants ayant subi une amygdalectomie quel que soit l’âge(4).
Pour aller plus loin :- la codéine est disponible en France uniquement par voie orale en association avec le paracétamol et/ou un AINS dans le même conditionnement. La dihydrocodeine est une formulation per os sans coanalgésique, à libération prolongée (Dicodin LP).
Elles sont peu utilisées car leur maniement pharmacologique est délicat. Les deux molécules sont la Nalbuphine (Nubain ) et la Buprénorphine(Temgésic) qui est surtout indiquée dans les traitements substitutifs de l'addiction à l'héroïne (Subutex) (Cf. Item 76).
La nalbuphine et la buprénorphine sont qualifiés d’ « agonistes partiels » des récepteurs opioïdes car administrés après un agoniste pur, ils renversent les effets de cet agoniste. C'est pourquoi ils sont aussi appelés « agonistes-antagonistes ». La relation dose-réponse des agonistes partiels est limité par un effet maximal dit « plafond ».
La nalbuphine (Nubain ) a une action opioïde complexe, agoniste kappa et antagoniste mu et delta. Sa puissance est équivalente à la morphine mais avec un effet plafond. Son effet antagoniste mu en rend le maniement difficile en cas de douleur réfractaire nécessitant de passer ensuite à un opioïde de palier III ou en cas d'anesthésie générale car les agonistes purs sont bloqués. Dans ce cas, les doses devront être augmentées.
L'effet plafond de la buprénorphine est plus élevé que celui de la nalbuphine; il est rarement atteint car ce sont les effets secondaires (nausées, vomissements, sédation, dépression respiratoire) qui en limitent l'utilisation.
Le palier III de l'OMS comprend la morphine et les morphiniques synthétiques qui n'ont pas d'effet plafond : il n'y a pas de posologie maximale. Il y a une grande variabilité interindividuelle quant aux doses nécessaires pour soulager la douleur sans induire des effets indésirables intolérables.
La prescription de médicaments stupéfiants est soumise à une réglementation spécifique. L'ordonnance sécurisée comporte les éléments suivants:
Le tableau 2 présente les équivalences analgésiques palier II-palier III, la morphine PO étant l'analgésique de référence.
Tableau 2 : Tableau d'équianalgésie palier II-palier III
Coefficient | Morphine PO | |
Codéine PO | 1/6 | 10 mg = 60 mg de Codéine |
Tramadol PO, IV | 1/5 | 10 mg = 50 mg de Tramadol |
Dihydrocodéine PO | 1/10 | 10 mg = 100 mg de Dihydrocodéine |
Morphine PO | 1 | Référence |
Morphine SC | 2 | 10 mg = 5 mg SC |
Morphine IV | 3 | 10 mg = 3 mg IV |
Oxycodone PO | 2* | 10 mg = 5 mg d'Oxycodone PO |
Oxycodone SC, IV | 1* | 1 mg = 1 mg d'Oxycodone SC, IV |
Hydromorphone PO | 7,5 | 30 mg = 4 mg d'hydromorphone |
Buprénorphine sublinguale | 30 | 60 mg = 2 mg de buprénorphine |
Fentanyl transdermique | 100 | 60 mg par 24h = 25 µg/h pendant 24h = 600 µg de fentanyl (attention réservoir du patch pour 72h d’administration) |
* Ce ratio est donné à titre indicatif, la variabilité interindividuelle nécessitant de titrer prudemment jusqu’à obtention de la posologie appropriée.
La morphine est utilisée en première intention, par voie per os (PO, sulfate de morphine), IV ou sous-cutanée (IV, SC, chlorhydrate de morphine). Le métabolisme de la morphine est hépatique, l'élimination se fait par voie rénale. La morphine intra veineuse sera préférentiellement auto administrée par le patient au moyen d'une pompe : analgésie contrôlée par le patient (ACP en français, PCA en anglais).
C'est une molécule 7,5 fois plus puissante que la morphine. Elle s'administre par voie orale en cas de douleurs résistantes à la morphine ou en cas de tolérance, en particulier dans les douleurs prolongées associées au cancer (elle est alors utilisée pour une « rotation » des opioïdes).
Elle est 2 fois plus puissante que la morphine et s'administre également par voie orale dans les douleurs résistantes à la morphine.
C'est un morphinique de synthèse puissant. Il peut s'administrer par voie IV (en anesthésie, réanimation, médecine d’urgence) ou par voie transcutanée (patch). Par voie transcutanée, la dose s'augmente par paliers. Il s'associe idéalement à des inter-doses de courte durée d'action, en administration transmuqueuse de courte durée d'action (sucette d’Actiq) : son application intra-buccale est efficace en 5 à 10 min.
Pour les curieux, hors cadre du DFASM :Les dérivés du Fentanyl ne prennent pas de « y » mais un « i »: Sufentanil, Alfentanil et Rémifentanil. Ce sont des opioïdes très puissants utilisés essentiellement en anesthésie générale et dans les services de réanimation dans le cadre de la sédation-analgésie (appelée anciennement « coma artificiel »). Le sufentanil, avec une équipotence de 1000 par rapport à la morphine IV, est l’opioïde le plus puissant au monde. Ainsi, 1 µg de sufentanil équivaut à 1 mg de morphine IV. Les ampoules sont conditionnées jusqu’à 50 µg pour 10 ml (5 µg/ml) : il s’agit réellement d'un médicament de l’anesthésie-réanimation !
Des recommandations formalisées d'expert de la Société Française d'Anesthésie Réanimation (SFAR) ont été émises en 2008 concernant la prise en charge de la douleur postopératoire qui est un exemple de prise en charge optimisée d’une douleur aiguë nociceptive. Une association de plusieurs molécules permettra une meilleure efficacité en diminuant les effets secondaires:
Notion importante : la “titration” :Elle est souvent utilisée pour introduire un traitement morphinique par voie IV ou PO et permet de soulager rapidement une douleur aiguë tout en limitant les effets secondaires des morphiniques. On administre une petite dose que l'on répète plusieurs fois en surveillant l'efficacité jusqu'à atteindre l'effet souhaité, ainsi que les effets secondaires. Un traitement de fond est ensuite débuté pour prendre le relai. Exemple : chlorhydrate de morphine IV. Injecter 1 mg tous les 5 min jusqu'à analgésie efficace. Puis débuter une administration IVSE ou une PCA morphine.
L'administration d'un traitement de palier III se fait en recherchant progressivement la dose efficace (figure 1) :
Figure 1 : Modalités d'administration d'un traitement de palier III
D'autres thérapeutiques médicamenteuses sont utiles pour traiter les douleurs de type neuropathique qui répondent mal aux antalgiques classiques ainsi que les migraines, algies vasculaires de la face ou certaines douleurs rhumatismales et cancéreuses. Ces traitements spécifiques peuvent être associés à des analgésiques des trois paliers de l'OMS. Il est à noter que les douleurs typiquement nociceptives (ex : douleur postopératoire) sont fréquemment associées à une composante neuropathique, notamment en cas d’utilisation d’opioïdes (sensibilisation nociceptive induite par les opioïdes, cf supra).
La gabapentine (Neurontin) et la prégabaline (Lyrica) sont utilisées pour le traitement des douleurs neuropathiques sévères comme les douleurs postzoostériennes, les douleurs neuropathiques diabétiques et les douleurs qui accompagnent la phase de régénération du syndrome de Guillain Barré. Le traitement devra être initié à petite dose avec une augmentation graduelle jusqu'au soulagement de la douleur. Les effets secondaires sont des vertiges doses dépendants et un effet sédatif.
La carbamazepine (Tégrétol) est le traitement de première intention pour le traitement de la névralgie du nerf trijumeau.
Les antidépresseurs (essentiellement tricycliques ou les inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la norépinephrine) sont utilisés pour traiter les douleurs neuropathiques, mais aussi pour traiter la fibromyalgie et les lombalgies chroniques. Ils sont administrés dans ce cas à des doses plus faibles que celles à visée antidépressive. Les doses sont augmentées progressivement jusqu'à obtenir l'effet recherché. Comme pour les anticonvulsivants, l’efficacité analgésique maximale s’installe en plusieurs jours.
La kétamine est un inhibiteur non compétitif du récepteur de l'acide N-méthyl-D-aspartique(NMDA). Elle réduit l'hyperalgésie et la tolérance aux opioïdes et possiblement le risque de douleur chronique post chirurgicale. Son utilisation est limitée par ses effets indésirables à type d'hallucinations ou d'état mental dissocié. La kétamine peut être utile en adjuvant quand les patients ont des opioïdes à forte dose de façon chronique ou de la méthadone, ou bien lorsque la douleur est mal contrôlée en dépit de fortes doses d'opioïdes.
Le magnésium est un antagoniste des récepteurs NMDA. Il est utilisé parfois comme adjuvant pour réduire la consommation d'opioïdes dans des protocoles d’analgésie multimodale.
Les corticoïdes agissent plus en amont de la réaction inflammatoire que les AINS et bloquent ainsi les deux voies : de la cyclo-oxygénase (COX) et de la lipo-oxygénase (LOX). Ils ont de nombreux effets indésirables en particulier en cas d'utilisation prolongée (Cf item 326). Ils sont surtout indiqués comme traitement des maladies rhumatismales inflammatoires ou pour certaines douleurs cancéreuses (métastases osseuses).
Ils ont tout leur intérêt dans un contexte de syndrome douloureux chronique, après évaluation psychologique. Leur prescription doit être prudente et limitée, notamment chez les patients insuffisants respiratoires chroniques et chez les sujets âgés. Elle doit être limitée dans le temps être évaluée régulièrement.
Les myorelaxants d’action GABA-ergique centrale – diazépam (Valium) de 0,5 à 5 mg/kg/j ; baclofène (Liorésal ®) – sont utiles dans les douleurs de rétractions tendineuses accompagnant les déficits neurologiques centraux (ex : hémiplégie spastique) ou dans les spasmes musculaires de la sclérose en plaque.
Le dantrolène (Dantrium) est utile dans certaines dystonies périphériques par son action directe sur les fibres musculaires striées (myorelaxant direct).
Les antispasmodiques ou spasmolytiques intestinaux, tels que le phloroglucinol (Spasfon) peuvent être utiles pour traiter les spasmes intestinaux (douleurs associées à la diarrhée) et utérins (menstruations douloureuses).
Les anesthésiques locaux peuvent être utilisés en infiltration sous cutanée ou en application cutanéo-muqueuse topique :
La lidocaine IV est parfois utilisée comme coanalgésique pour potentialiser l'effet des paliers II ou III en postopératoire d'une chirurgie douloureuse. Il faut tenir compte des risques de trouble du rythme cardiaque (dont l’arrêt cardiaque) en cas de surdosage ou d'administration trop rapide. Cette voie est probablement à réserver au cadre péri-opératoire avec une surveillance ECG continue.
Ces techniques d’analgésie sont pratiquées par un médecin anesthésiste-réanimateur, le plus souvent dans le cadre d’une anesthésie locorégionale (Cf Item 133). L'influx nerveux nociceptif est bloqué par l'action d'anesthésiques locaux autour des troncs nerveux périphériques (bloc périphérique) ou autour des racines rachidiennes (bloc central). Leur durée d’efficacité peut être prolongée de plusieurs jours en cas d'infusion continue par un cathéter.
Dans le cadre de la prise en charge de la douleur postopératoire, la technique d’analgésie locorégionale est indissociable de la technique d’anesthésie. Débuté avant l’incision chirurgicale, elle a une efficacité qui couvre l’ensemble de la chirurgie jusqu’à plusieurs heures après, ce qui permet une analgésie postopératoire optimale. Ces techniques sont associées à une analgésie médicamenteuse par voie systémique dans le cadre de protocoles d’analgésie « multimodale » (analgésie locorégionale + systémique).
En dehors du contexte périopératoire, ces techniques sont proposées pour des douleurs chroniques réfractaires.
Pour aller plus loin : La technique d'infusion d'anesthésique local dans l'espace péridurale est couramment utilisée pour l'analgésie des douleurs au cours du travail obstétricale (cf item 133). Le bloc fémoral est aussi pratiqué par des médecins urgentistes y compris dans un cadre pré-hospitalier (SMUR) pour l'analgésie en urgence des fractures du fémur.
Le MEOPA (Kalinox, Entonox) est un mélange de gaz composé de 50% d'oxygène et de 50% de protoxyde d'azote (N2O). Il est indiqué pour les procédures douloureuses de courte durée. Le N2O est couplé à l’oxygène pour des raisons de sécurité (risque d’hypoxémie dans le cas contraire). Le patient doit être coopérant donc conscient.
Les contre-indications du MEOPA sont multiples mais rares en pratique :
Item n°132: Thérapeutiques antalgiques médicamenteuses et non médicamenteuses