Il faut comprendre qu’il existe une continuité entre l’infection locale avec réponse adaptée et tous les degrés de réponses inadaptées de l’hôte jusqu’au choc septique. Des définitions scindent ce continuum en entités schématiques séparées : le sepsis, le sepsis sévère, et le choc septique. Ces définitions sont très schématiques mais restent néanmoins utiles à la prise en charge.
Association de plusieurs signes peu spécifiques pouvant traduire une réponse immune innée généralisée aiguë à l’infection (mais aussi au traumatisme, à l’hémorragie, à la chirurgie, à une pancréatite…)
Au moins deux des signes suivants :
- température corporelle > 38 °C ou < 36 °C ;
- rythme cardiaque > 90 battements/min ;
- rythme respiratoire > 20/min ou hyperventilation se traduisant par une PaCO2 < 32 mm Hg (< 4,3 kPa) en air ambiant ;
- leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ou > 10 % de cellules immatures (en l’absence d’autres causes connues)
Association du SRIS ci-dessus avec une infection cliniquement suspectée ou microbiologiquement documentée
Le sepsis sévère associe un sepsis avec au moins une défaillance d’organe ou signe d’hypoperfusion tissulaire|
Le choc septique associe un sepsis avec une hypotension réfractaire au remplissage
La suspicion clinique d’infection suffit au diagnostic et impose:
- La recherche soigneuse de d’éléments anamnestiques évocateurs et de signes cliniques de foyer infectieux notamment un foyer infectieux qui est accessible à une exérèse/drainage/ablation interventionnels ou radiologiques. A savoir que les foyers les plus fréquemment responsables sont pulmonaires et intra-abdominaux suivi d’urinaire.
Recherche minimale de signes d’infection (en dehors de signes de SRIS)
En l’absence de signes cliniques d’infection, recherche de terrain favorisant
- Un bilan infectieux minimal indispensable ne retardant pas la prise en charge et des examens orientés par les signes cliniques à la recherche d’un foyer éradicable (par exemple un scanner abdominal à la recherche d’une péritonite en cas de signes d’appel digestifs…) (tableau 3). Le bilan microbiologique minimal permet par la suite l’adaptation et la décrémentation de l’antibiothérapie en fonction des résultats.
Prélèvements microbiologiques avant antibiothérapie mais sans la retarder
Au moins 2 séries d’hémocultures (aero/anaerobies) sur veine périphérique
Bandelette urinaire avec recherche de leucoytes et nitrites (±ECBU si positive)
(Aspiration endotrachéale si intubation)|
Imagerie
Radiographie de thorax de face
Imagerie tomodensitométrique (abdominopelvienne+++) orientées par la clinique
- De garder à l’esprit que d’autres pathologies non-septiques peuvent entraîner des réactions inflammatoires systémiques intenses, rarement mais parfois jusqu’au choc, et sont autant de diagnostics différentiels (tableau 14). Toutefois, en l’absence de signes orientant vers ces pathologies, la suspicion de sepsis sévère ou choc septique doit primer.
Tableau 1 : Causes non-infectieuses de réponses inflammatoires systémiques
Lésionelles | Chirurgies/traumatismes |
Thromboses/embolies/ischémies (Infarctus du myocarde, embolie pulmonaire) | |
Pancréatite | |
Hémorragie méningée | |
Rejet de greffe | |
Endocriniennes | Crise hyperthyroïdienne |
Insuffisance surrénale aiguë | |
Inflammatoires | Maladie de Still adulte |
Poussée de lupus érythémateux (aigu) disséminé | |
Syndrome catastrophique des antiphopholipides | |
Microangiopathes thrombotiques | |
purpura thromobopénique thrombocytopathique (PTT) | |
syndrôme hémolytique urémique (SHU) | |
Iatrogènes | Le syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse |
érythrodermies | |
Réaction à un produit dérivé du sang | |
Administration de cytokines et biothérapies | |
Syndrome malin des neuroleptiques | |
Hyperthermie maligne (halogénés, succinylcholine,…) | |
Syndromes de sevrage | |
Néoplasies | Cancers solides |
Lymphomes | |
Syndrome de lyse tumorale |
L’utilisation de biomarqueurs tels que la C-réactive protéine (CRP) ou la procalcitonine (PCT) peut être utile au diagnostic. Toutes deux ont une bonne valeur prédictive négative. Donc, des valeurs en dessous des seuils de négativité peuvent être utiles afin d’écarter le diagnostic d’infection à condition d’avoir 2 prélèvements successifs en dessous des seuils de négativité avec un intervalle de temps suffisant. Des valeurs positives et/ou élevées ne posent pas le diagnostic d’infection car toute inflammation peut-être en cause. Donc des valeurs élevées de ces biomarqueurs imposent de ne pas écarter le diagnostic d’infection sans pour autant affirmer le diagnostic.
Dans la définition de choc septique, on ne prend pas en compte l’éventuelle défaillance d’organe liée à une atteinte infectieuse directe de l’organe (ainsi, une défaillance respiratoire liée à un foyer de pneumonie n’est pas une signe de choc septique mais un signe de gravité de la pneumonie, de même les troubles de conscience dans le cadre d’une méningo-encéphalite etc…).
En revanche, le concept de défaillance d’organe s’entend au sens large (tableau 2), ainsi, la défaillance cardiocirculatoire comprend l’hypotension, et les troubles liées à la coagulopathie du sepsis font partie de la défaillance de l’endothélium en tant qu’organe.
Il faut insister sur la nécessité impérative de savoir reconnaître les défaillances les plus précoces (dont certaines sont en fait des signes de compensation) : tachycardie, polypnée, marbrures (figure 1)/pâleur/temps de recoloration cutanée allongé, et oligurie.
Tableau 2 : Signes cliniques et biologiques de défaillance d’organe
Organes | Signes cliniques | Bilan |
---|---|---|
Cerveau | Comportement : angoisse, agitation, confusion | Pas d’examen spécifique |
Conscience : obnubilation voire coma | ||
Circulation | Tachycardie > 120 battements par minute | |
Hypotension | ||
systolique PAs < 90 mm Hg (ou diminution de plus de 40 mm Hg de la PAs de base) | ||
diastolique PAd < 40 mm Hg | ||
moyenne PAM (1/3PAs+2/3Pad) <65-70 mm Hg | ||
Cœur | Infarctus du myocarde | ECG, Echocardiographie, CPK, Troponine |
sidération myocardique | ||
troubles du rythme | ||
arrêt cardiaque | ||
Peau | Marbrures | |
Pâleur | ||
Extrémités froides et cyanosées | ||
Temps derecoloration cutanée > 3 sec. | ||
Poumons | Polypnée superficielle > 24/min | Gaz du sang artériel, Hypocapnie 32mmHg, PaO2<60mmHg, PaO2/FiO2<300 |
Tirage | ||
Hypoxémie (SpO2<92%) | ||
Arrêt respiratoire | ||
Métabolisme | Acidose métabolique | pH < 7,35;Lactatémie > 2mmol/l |
Polypnée d’acidose | Hypocapnie ≤ 32mmHg | |
Inadéquation besoins/apports O2 | Saturation veineuse centrale (SvcO2) < 70% | |
Insulinorésistance (en l’absence de diabète) | Hyperglycémie > 7,7 mmol/l | |
Reins | Oligurie < 0,5 ml/kg/h ou Anurie | élévation de la créatininémie de plus de 0,5 mg/dl (44 μmol/liter) |
Foie | Ictère | Bilirubinémie totale >4 mg/dl (68 μmol/l);ASAT,ALAT > 1,5 x N;Diminution des facteurs de la coagulation de plus de 30 %±hypoalbuminémie |
Encéphalopathie hépatique | ||
Saignements | ||
Œdèmes | ||
Tube digestif | Iléus voire abdomen aigu | |
± ischémie mésentérique | ||
Endothélium | Saignements diffus en nappe | plaquettes < 100 000/mm3;INR > 1,5;TCA > 60;TP < 50 %;Baisse des facteurs de plus de 30 % |
Purpura | ||
Ischémies des extrémités |
Figure 1 : Marbrures des membres inférieurs
La persistance de l’hypotension malgré des manœuvres initiales de remplissage vasculaire rapide en moins d’une heure (≥ 30 ml/kg chez l’adulte, ≥ 40 ml/kg chez l’enfant) au cours d’un sepsis grave, ou d’emblée chez un malade ayant des signes d’infection, définit le choc septique.
Alternativement, dans le contexte d’un sepsis sévère, une lactatémie > 4 mmol/l signe également une hypoperfusion tissulaire témoignant d’un état de choc.
Il convient également d’éliminer les étiologies non-septiques de choc (item N°138) sachant que d’autres chocs peuvent compliquer le choc septique (Par exemple, un infarctus du myocarde peut survenir au cours du choc septique, de même qu’une dysfonction cardiaque avec des caractéristiques de choc cardiogénique gauche et/ou droit etc…)