Objectifs pédagogiques
Les 10 points clefs à retenir
Une Brûlure se définit comme la destruction traumatique de la peau et des tissus sous-jacents par un processus qui est thermique dans 90 % des cas (liquides » flammes > explosions, solides > vapeurs), électrique dans 5 à 7 % des cas (haute tension, basse tension, flash, foudre), chimique (de 3 à 5 %), mécanique (dermabrasion), et exceptionnellement radique.
Alors qu’environ 2/3 des cas sont des accidents domestiques ou de loisirs, seul 1/4 des accidents survient dans un contexte professionnel. Les tentatives de suicides sont peu fréquentes (5 % environ), mais il s’agit souvent de brûlures graves pourvoyeuses de séquelles importantes. Les incendies sont eux aussi assez rares (5 %) mais s’accompagnent d’un pronostic sombre en raison de l’exposition fréquente aux fumées. Enfin, les brûlures en rapport avec les accidents de la circulation sont plus exceptionnelles. Elles s’intègrent fréquemment dans le cadre d’un polytraumatisme.
Les \\enfants\\, qui représentent \\un tiers
des patients hospitalisés, sont victimes en grande majorité d’accidents domestiques dus aux liquides chauds, alors que les adultes d’âge intermédiaire sont plus souvent victimes d’accidents de loisir ou de travail, et les personnes les plus âgées d’accidents secondaires à des incendies ou des accidents domestiques.
La mortalité associée aux brûlures est d’environ 1,2 % pour les brûlures non graves et de près de 28 % pour les brûlures > 30 % de la surface corporelle totale.
Toutes les brûlures ne justifient pas une prise en charge en réanimation même si des soins spécialisés sont nécessaires. Les brûlures requérant une hospitalisation et notamment en réanimation sont celles qui s’accompagnent d’une mise en jeu du pronostic fonctionnel ou vital liée à la brûlure elle-même, aux lésions associées ou aux co-morbidités préexistantes. La prise en charge des brûlures dans leur expression la plus sévère s’inscrit alors dans une démarche médico-chirurgicale multidisciplinaire.
Le patient présentant une brûlure isolée récente est conscient, eupnéique, et sans état de choc. Cette règle doit faire rechercher devant toute défaillance d’organe, une lésion associée:
- traumatisme crânien et/ou thoracique,
- inhalation de fumées (intoxication cyanhydrique et/ou au monoxyde de carbone) ou de liquide gastrique,
- syndrome hémorragique,
- ingestion de toxiques (alcool, médicaments, …).
Le brûlé n’échappe pas à l’Abécédaire de l’urgence vitale : Airways (voies aériennes), Breathing (respiration), Circulation, Disability (conscience), Exposure/Environment (circonstances). Il doit donc être rapidement examiné de la tête au pied, interrogé et monitoré (pression artérielle, ECG, SpO2).
Un compte fiable de la surface cutanée brûlée (SCB) demande de l’expérience. Une méthode simple et relativement efficace consiste à se demander quelle portion de telle partie du tégument est brûlée : la moitié, les deux tiers ou un quart de segment corporel. Il faut donc connaitre chez l’adulte la règle des « 9 » de Wallace (Tableau 1).
Chez l’enfant de moins de 1 an, la tête est plus volumineuse (18%) et le membre inférieur moins grand (14%). De façon plus précise mais aussi plus fastidieuse, on peut utiliser la table de Lund et Browder. Considérer que la face palmaire de la main (paume et doigts) d’un individu représente environ 1 % de sa surface corporelle expose à un risque d’erreur non négligeable lié aux variations de sexe, d’âge, ou de BMI, mais permet une évaluation des lésions en carte de géographie ou en mosaïque.
Tableau 1 : Estimation de la surface cutanée brulée selon la règle des « 9 » de Wallace
Segment corporel | Surface adulte | Surface enfant |
---|---|---|
Tête et cou | 9% | 17% |
Face antérieure du tronc | 18% | 18% |
Face postérieure du tronc | 18% | 18% |
Chaque jambe | 18% | 14% |
Chaque bras | 9% | 9% |
Périnée | 1% | 1% |
Seuls les brûlures de deuxième et troisième degrés sont prises en compte dans l’évaluation du brûlé. Le premier degré étant purement intra-épidermique, il n’a aucune répercussion générale hormis la douleur avec une cicatrisation sans séquelle. Reconnaître précisément le 2ème degré superficiel (lésion plus ou moins complète de la membrane basale) du 2ème degré profond est difficile avant J7.
De fait, la première évaluation de la profondeur d’une brûlure ne doit distinguer que le 1er degré qui est négligeable, du 2ème degré, et du 3ème degré, qui implique une hospitalisation en centre spécialisé. Les signes discriminants sont :
- le 1er degré est uniquement un érythème douloureux
- les phlyctènes et le décollement épidermique sont présents dans le 2ème degré mais absents - dans le 1er et 3ème degré
- la décoloration à la vitropression disparait dans le 3ème degré
- une peau brûlée au 3ème degré est atone, sèche, cartonnée, insensible et indolore et les phanères (poils, ongles) n’adhèrent plus
Tout antécédent médical alourdit le pronostic d’une brûlure, mais c’est l’âge qui pèse le plus parmi les comorbidités de la brûlure. Penser aussi que les brûlés sont statistiquement une population exposée au risque d’intoxication alcoolique, médicamenteuse, ou autre stupéfiant.
- Accident de la voie publique, explosion et défenestration : un bilan traumatologique doit être pratiqué
- Inhalation de fumée : l'association de plusieurs éléments doit la faire suspecter :
- Brûlure électrique
Selon les recommandations de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Brûlure (SFETB), une brûlure est bénigne si son étendue est inférieure à 10% de la surface corporelle chez un adulte et sans critère de gravité. Dans tous les autres cas, il s’agit d’une brûlure grave devant être hospitalisée:
Une brûlure devra être vue par un spécialiste de la brûlure si:
Une hospitalisation dans un Centre de Brûlés est nécessaire si:
L’apport d’oxygène à haut débit avant toute évaluation est essentiel. L’abord vasculaire est nécessaire en dehors de la brûlure bénigne (analgésie, sédation pour intubation et ventilation mécanique, expansion volémique, …). En cas d’impossibilité de voie veineuse périphérique, l’abord veineux central fémoral est à privilégier. La voie intra-osseuse relève du sauvetage mais est très utile dans les brûlures très étendues (> 80% SCB) ou chez le nourrisson.
Le contrôle des VAS est requis en cas de:
- signes de détresse respiratoire
- altération profonde de la vigilance
- brûlures profondes du segment céphalique (visage ou cou)
- inhalation de fumées / brûlure des voies aériennes supérieures
(NB : l’oedème des voies aériennes supérieures est d’apparition souvent retardée, et son importance est majorée par la réanimation volémique : cette réaction œdémateuse peut rendre secondairement l’intubation difficile voire impossible. Pour déterminer s’il y a œdème glottique, on peut s’aider d’une fibroscopie)
Sonde urinaire : dès qu’il existe une atteinte des organes génitaux externes ou rapidement lorsque l’on envisage une expansion volémique.
Sonde gastrique : elle est posée chez le patient intubé, et en cas de transports aéroportés.
Le premier geste est de retirer les vêtements. Ensuite, il convient de refroidir la brûlure, mais pas le malade : traitement privilégié pour les brûlures de moins de 20 % sans défaillance d’organe (15 minutes avec une eau à 15 °C ou gel d’eau type Brulstop®, dans les 15 minutes qui suivent l’accident sinon inutile). Le refroidissement permet aussi de limiter la douleur, l’œdème et l’approfondissement des brûlures. A contrario, on fera tout pour maintenir le patient normotherme.
L’intoxication cyanhydrique coexiste souvent à une intoxication au monoxyde de carbone, et toutes deux requièrent la mise sous FiO2 100 %. On les suspecte en contexte d’incendie en milieu clos. Les signes évocateurs sont : des troubles de la vigilance, de la conscience, des convulsions, alors que l’intoxication cyanhydrique s’accompagne volontiers d’une répercussion cardiovasculaire avec une hypotension artérielle ou un collapsus voire un arrêt cardio-circulatoire, ou des anomalies sur l’ECG, mais aussi une hyperpnée pouvant être le reflet de l’acidose métabolique par hyperlactatémie.
Le traitement est :
En ce qui concerne le malade conscient, l’évaluation se fera par l’échelle visuelle analogique ou l’échelle verbale simple ou l’échelle numérique. L’analgésie initiale repose sur la morphine intraveineuse (titration de 0,05 mg/kg puis bolus de 0,05 mg/kg toutes les 7 minutes) et sur la kétamine à doses analgésiques (0,2 mg/kg toutes les 15 minutes). Un traitement anxiolytique peut être associé pour limiter l’angoisse.
La précocité du remplissage vasculaire est un déterminant majeur du pronostic, car les pertes hydro-électrolytiques surviennent dès les premières heures, ce qui implique que tout retard favorise la survenue de défaillances d’organes. Il est recommandé de perfuser 20 ml/kg de cristalloïdes au cours de la première heure quelle que soit la surface brûlée, dès lors qu’elle dépasse 20 % de la surface corporelle totale.
Une fois la surface brûlée évaluée, la formule recommandée par la Société Française d’Etude et de Traitement des Brûlures est celle dite de Baxter ou du Parkland Hospital. Elle utilise exclusivement une solution cristalloïde et apporte 2 ml/kg/% de surface cutanée brûlée au cours des 8 premières heures. Il est important de connaitre l’heure exacte de la survenue de la brûlure car elle conditionne le décompte horaire. La même quantité est perfusée sur les 16 heures suivantes, donc un total journalier de 4 ml/kg/% de SCB. Certaines équipes utilisent des macromolécules (albumine par exemple) durant les 8 premières heures pour favoriser l’expansion volémique en cas de retard important et d’état de choc hypovolémique, mais il ne faut plus utiliser les hydroxyethylamidons. Au delà des 24 premières heures, les volumes perfusés représentent environ la moitié de ceux administrés initialement, soit 2 ml/kg/% de surface brûlée.
La surveillance de la réanimation se fait initialement sur la diurèse et la pression artérielle avec comme chiffre optimal de diurèse horaire à 0,5 ml/kg/h, bien qu’il n’existe actuellement que peu de données cliniques extrahospitalières pour valider ce chiffre. Cette modulation par la diurèse permet d’éviter des sur-remplissages potentiellement délétères.
Une majoration des besoins de 30 à 50 % est prévisible lorsque s’associent à la brûlure un traumatisme ou des lésions d’inhalation de fumée. Il est important par ailleurs de rattraper dès que possible tout retard lié à des difficultés d’extraction ou de conditionnement pour arriver au volume total calculé par la formule. En cas de brûlures électriques, la surface cutanée brûlée ne correspond pas à la réalité des lésions et ne doit donc pas servir à évaluer l’apport liquidien.
Chez l’enfant, une formule spécifique dite de Carvajal est proposée.
Une fois les vêtements ôtés, le refroidissement de la brûlure pratiqué, et la gravité évaluée, il faut protéger les lésions cutanées. En pré-hospitalier, on se contente de protéger le patient et sa brûlure dans un drap propre, ou mieux un champ stérile. En milieu hospitalier et après réchauffement du malade, une toilette complète est pratiquée par savonnage antiseptique (et un rasage des zones brûlées) ; puis une désinfection des lésions par polyvidone iodée ou chlorhexidine diluées ; puis un rinçage à l’eau. Le pansement de protection comprendra ensuite le seul topique applicable sur une brûlure en dehors d’une prise en charge spécialisée : la sulfadiazine d’argent (Flammazine®, contre-indiquée si grossesse ou allergie aux sulfamides).
Dans le cas de brûlure chimique, il est admis qu’il faut retirer tous les vêtements pouvant être contaminés, puis laver à grande eau et de façon prolongée (plus de 30 minutes notamment pour les projections oculaires) pour diluer le produit, sans refroidir le patient, et en se protégeant soi-même.
En présence de brûlures circulaires de 3ème degré de segments de corps (cou, tronc, membres), l’œdème qui va s’installer rapidement au cours de la réanimation initiale peut être responsable d’une compression neurovasculaire ou de gêne à la ventilation. Pour les membres, elles doivent se faire le plus rapidement possible, avant la 6ème heure au mieux, dans les 24 premières heures au pire, mais elles sont alors moins utiles. On limitera ainsi l’ischémie des structures sous-jacentes liée à une brûlure circulaire profonde (qui se rétracte rapidement), ainsi qu’un approfondissement des lésions cutanées.
- Aucune antibiothérapie probabiliste n’est justifiée à l’exception des brulures souillées (terre, eau souillée…) ou de la région périnéale - Il convient de vérifier systématiquement le statut anti-tétanique - L’hypercatabolisme lié aux brûlures entraine un risque majeur de dénutrition et impose une nutrition artificielle précoce - Prise en charge sociale et réhabilitation :
- Déclaration d’accident de travail le cas échéant
La prise en charge d'un patient brûlé est souvent perçue comme difficile parce que beaucoup des médecins n'y sont pas régulièrement confrontés et que le contexte est parfois stressant (incendie, immolation, etc.…). Elle repose pourtant sur quelques principes simples ayant pour but d'optimiser l'hémodynamique et l'hématose, tout en assurant la meilleure mise en condition possible pour assurer le meilleur transport.