Objectifs pédagogiques
Les points clefs à retenir
Figure 1 : Polygone de Willis schématisé d’après F.H. Netter, Atlas d’anatomie humaine, éditions Masson : artères de l’encéphale (HAUT), image scannographique reconstruite (angioscanner cérébral) d’un polygone de Willis normal (BAS).
Le polygone de Willis comporte:
Il existe de nombreuses variantes de ce polygone de Willis, et il n’est complet, fonctionnel et idéal seulement chez 13 à 21% de la population.
Les méninges sont les trois enveloppes du système nerveux central, comportant de dehors en dedans la dure-mère, l’arachnoïde, la pie-mère.
L’espace sous-arachnoïdien est situé entre l’arachnoïde en dehors et la pie-mère en dedans. Il contient le liquide céphalo-rachidien (LCR).
Le LCR est sécrété de façon active (environ 20 ml/heure) par les plexus choroïdes, situés au niveau des ventricules. Il est ensuite résorbé de façon passive (par un gradient de pression) depuis l’espace sous-arachnoïdien vers le sinus longitudinal supérieur (sinus veineux) par des villosités arachnoïdiennes , les granulations de Pacchioni.
Les artères cérébrales cheminent au niveau de l’espace sous-arachnoïdien.
L’hémorragie méningée correspond à la présence de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens. Elle peut survenir dans deux situations cliniques différentes :
L’HSA représente 5% des accidents vasculaires cérébraux (AVC). La fréquence de l’hémorragie méningée est de 1 à 5% dans la population, et parmi ces patients le risque de rupture est de 3%. Ainsi, l’incidence de l’HSA en France est autour de 5 à 7 pour 100 000 sujets-années, avec des variations interethniques. L’âge moyen de survenue d’une hémorragie méningée est de 50 ans. Il existe une nette prédominance féminine (environ 60% de femmes).
La première cause d’hémorragie méningée est la rupture d’un anévrisme artériel intracrânien.
La mortalité moyenne de l’HSA est élevée : 42% (dont 20% avant l’accès aux soins et 10% survenant dans les trois premiers jours). Plus de 25% des patients survivants garderont des séquelles invalidantes.
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Les facteurs de risque d’anévrisme intracrânien sont :
Dans la majorité des cas, il s’agit de formes sporadiques, isolées. Il existe des formes familiales ou génétiques qui sont rares mais qui justifient des explorations. Dans ce cas, les facteurs de risque sont un antécédent familial d’anévrisme cérébral, la polykystose rénale et les maladies du collagène (maladie de Marfan, maladie d’Ehler-Danlos).
Les facteurs favorisant la rupture d’un anévrisme sont :
Les signes cliniques peuvent associer:
1- Une céphalée brutale
L céphalée brutale est la pierre angulaire du diagnostic d’HSA. Elle est inhabituelle, intense, d’emblée maximale, aigue, persistante. Elle peut être précédée d’un syndrome fissuraire avec une céphalée sentinelle quelques jours auparavant.
Toute céphalée brutale intense est une hémorragie méningée jusqu’à preuve du contraire.
2- Un syndrome méningé
Ce syndrome méningé associe une raideur de nuque, un signe de Kernig, un signe de Brudzinski.Le syndrome méningé peut apparaître plusieurs heures après la céphalée et manquer lors de l’examen initial aux urgences. Il s’agit classiquement d’un syndrome méningé apyrétique.
3- Des troubles de conscience, coma
La perte de conscience est fréquente, sa prolongation est un facteur de mauvais pronostic. On utilise une échelle d’évaluation clinique de la World Federation of Neurological Surgeons (WFNS) utilisant le score de Glasgow : les hémorragies méningées cotées III à V sont des HSA graves, soient 1/3 des patients.
Grade WFNS | Score de Glasgow | Déficit moteur |
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I | 15 | Absent |
II | 13-14 | Absent |
III | 13-14 | Présent |
IV | 7-12 | Indifférent |
V | 3-6 | Indifférent |
Tableau 1 : Classification de la World Federation of Neurological Surgeons (WFNS) des HSA.
4- Des nausées ou vomissements
Ils témoignent d’une hypertension intracrânienne (HTIC)
5- Une crise convulsive
6- Des signes végétatifs
Ces signes associent :
7- Des signes de focalisation
En cas d’hématome intracrânien intra parenchymateux associé (hémorragie cérébroméningée), on peut observer un déficit moteur et/ou sensitif controlatéral.
En cas d’anévrisme de la terminaison de la carotide interne volumineux, on peut observer par compression une paralysie du III homolatérale, associant un ptosis, une mydriase et une diplopie par strabisme divergent (paralysie des muscles droit interne, droit inférieur et droit supérieur).
8- On peut observer des signes non neurologiques à la phase aigue de l’HSA, le plus souvent réversibles, telle qu’une cardiopathie aigue de stress (liée à une libération excessive de catécholamines lors du saignement). Il peut exister des anomalies ECG, échocardiographiques, une élévation de la troponine, du brain natriuretic peptide (BNP), un œdème aigu du poumon neurogénique …
Le scanner cérébral est l’examen de première intention en cas de suspicion d’hémorragie méningée. Il est à réaliser en urgence.
Le diagnostic positif d’HSA repose sur un scanner cérébral sans injection de produit de contraste iodé. On observe une hyperdensité spontanée des espaces sous arachnoïdiens (au niveau de la vallée sylvienne, des citernes de la base du crâne, des sillons de la région frontale et de la convexité…). La classification tomodensitométrique (TDM) des lésions employée est celle de Fisher.
Figure 2 : TDM cérébral montrant une hémorragie méningée : hyperdensité spontanée dans les espaces sous-arachnoïdiens de la vallée sylvienne, des sillons de la convexité, des citernes de la base, péri mésencéphalique (A, B), compliquée d’une hydrocéphalie débutante : dilatation des cornes temporales des ventricules latéraux (A) et d’un hématome intra-parenchymateux temporal gauche (C).
La ponction lombaire (PL) n’a aucune indication en première intention et lorsque l’HSA est visualisée sur le scanner cérébral.
Elle est même dangereuse et contre-indiquée s’il existe un hématome intracrânien avec un effet de masse ou une hydrocéphalie aigue avec un risque d’engagement cérébral.
Elle est utile lorsque le scanner cérébral est normal avec une forte suspicion clinique (exceptionnel dans les formes graves) : un TDM cérébral normal n’élimine pas le diagnostic d’HSA : il peut s’agir d’une hémorragie méningée minime ou vue tardivement.
Les caractéristiques du LCR sont les suivantes en cas d’hémorragie méningée :
- Examen direct
- Biochimie
- Cytologie
Le diagnostic étiologique de l’HSA repose sur le scanner cérébral injecté, à réaliser en urgence, à la recherche d’un anévrisme artériel intra crânien. L’anévrisme apparaît comme une image d’addition, arrondie, sacciforme, au temps artériel.
Les étiologies de l’hémorragie méningée comportent:
Figure 3 : Angioscanner cérébral centré sur le polygone de Willis mettant en évidence un anévrisme de l’artère communicante postérieure gauche (A), représentation schématique d’un anévrisme intra crânien développé au dépends de l’artère cérébrale antérieure gauche (B).
Les anévrysmes siègent électivement au niveau du complexe antérieur du polygone de Willis (dans 90% des cas) soit au niveau de la terminaison de la carotide interne, au niveau de l’artère cérébrale antérieure et au niveau de la communicante antérieure. Ils sont situés plus rarement au niveau des artères communicantes postérieures ou du tronc basilaire.
Figure 4 : Angiographie cérébrale (A) et reconstruction (B) lors du traitement d’un anévrisme de l’artère communicante postérieure gauche.
L’angiographie cérébrale des quatre axes (artériographie des deux artères carotides et deux artères vertébrales) reste la technique de référence pour le diagnostic d’anévrisme intra crânien. Actuellement, dans de nombreux centres, l’angio-TDM a remplacé l’artériographie pour le diagnostic d’anévrisme en première intention. Cette dernière est utilisée à visée thérapeutique, ou encore pour le diagnostic si l’angio-TDM n’a pas permis de mettre en évidence l’anévrisme.
Les diagnostics différentiels de l’anévrisme artériel intracrânien sont :
La récidive hémorragique survient dans 30% des cas, toujours plus grave que l’hémorragie initiale, avec une mortalité très élevée, supérieure à 70%. Elle peut survenir jusqu’au 10ème jour de la prise en charge. Pour cette raison, il est recommandé de traiter l’anévrisme de façon précoce pour éviter de risque de re saignement.
Elle est objectivée sur le scanner cérébral non injecté par une dilatation des ventricules cérébraux. Elle est favorisée par la présence d’une inondation de sang intra ventriculaire qui crée un obstacle à l’écoulement du LCR et génère une hydrocéphalie aigue. Ce phénomène à lui seul peut être responsable de troubles de la conscience et d’une dégradation neurologique surajoutée, indépendamment de l’HSA elle même.
Figure 5 : HSA compliquée d’une inondation ventriculaire au niveau des ventricules latéraux (A), drainée par une sonde de dérivation ventriculaire externe (DVE) en place au sein de la corne frontale du ventricule latéral gauche (B), dilatation des cornes temporales des ventricules latéraux (C).
L’hémorragie cérébro-méningée se définit par l’association d’une HSA à une inondation de sang ventriculaire et/ou à un hématome intracérébral intra-parenchymateux.
Le vasospasme est un spasme des artères intracérébrales lié à un facteur spasmogène : la présence de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens. Il s’agit d’une modification histologique des artères de la base du crâne liée à une prolifération de cellules au sein de leur paroi, réduisant ainsi leur calibre. Celui-ci survient de façon élective entre le 4ème et le 14ème jour après le saignement.
Le risque est la constitution d’un AVC ischémique d’aval par réduction importante de l’apport en oxygène aux tissus cérébraux.
Les signes cliniques sont la ré aggravation des céphalées, l’apparition d’une confusion, d’un déficit neurologique focal sensitif ou moteur (hémiparésie ou aphasie), de troubles de la conscience ou encore une hyperthermie.
Le moyen de dépistage paraclinique est l’élévation des vélocités au doppler transcrânien, qui doit être réalisé quotidiennement. Il est confirmé sur le scanner cérébral de perfusion et l’angiographie cérébrale.
L’HTIC est une augmentation de la pression intracrânienne (PIC). Celle-ci peut être générée par un œdème cérébral isolé, par une hydrocéphalie aigue, ou par un hématome intracrânien.
Elle peut être responsable d’un engagement cérébral et du décès du patient.
Elles comprennent les complications liées au traitement de l’anévrisme, les complications médicales liées à l’alitement prolongé et au séjour en réanimation (complications de décubitus..), hyponatrémie, hyperglycémie, troubles du rythme cardiaque, épilepsie….
La prise en charge d’une hémorragie méningée est une urgence diagnostique et thérapeutique.
- Anesthésie générale initiale (en fonction du score de Glasgow) : pour les HSA graves avec HTIC : intubation orotrachéale et ventilation mécanique, mesure de la pression intra crânienne systématique.
- Mesures de neuroprotection : lutte contre les ACSOS (Agressions Cérébrales Secondaires d’Origine Systémique) :
- Eviter l’hypertension artérielle avant la sécurisation de l’anévrisme (pour ne pas favoriser le re saignement)
Le traitement de l’anévrisme doit avoir lieu en urgence et se doit d’être précoce (< 72h), car l’objectif est d’éviter le re saignement. La décision du choix thérapeutique doit résulter d’une discussion collégiale et multidisciplinaire entre les neurochirurgiens, les neuroradiologues et les neuroréanimateurs.
Les facteurs qui conditionnent le type de traitement sont
- la localisation de l’anévrisme
- sa taille
- la forme de son collet
- la présence associée d’un hématome intracrânien responsable d’une HTIC et nécessitant une évacuation chirurgicale concomitante
Le traitement de l’anévrisme peut être endovasculaire ou neurochirurgical . Le traitement endovasculaire (effectué par les neuroradiologues en angiographie), appelé neuro-embolisation associe un repérage de l’anévrisme en angiographie cérébrale à une exclusion de l’anévrisme (comblement du sac anévrismal) par des coils métalliques. Cette technique est à privilégier si elle est techniquement réalisable.
Figure 6 : Angiographie cérébrale : image de contrôle post traitement endovasculaire d’un anévrisme de l’artère communicante postérieure gauche (A), représentation schématique par visualisation de l’insertion de coils dans le sac anévrismal (B).
Le traitement chirurgical (effectué par les neurochirurgiens) associe la pose d’un clip au collet de l’anévrisme à l’évacuation concomitante d’un éventuel hématome. Ce traitement est indiqué pour les anévrismes de grande taille ou à collet large, ou associés à un hématome intracrânien exerçant un effet de masse.
La prévention du vasospasme repose sur l’administration d’un inhibiteur calcique de type nimodipine (Nimotop®), vasodilatateur des vaisseaux cérébraux (effet indésirable : hypotension artérielle), per os à privilégier ou intra veineux, durée 21 jours. Aucun autre médicament n’a montré son efficacité dans la prévention du vasospasme.
A la nimodipine vient s’ajouter la triple H thérapie associant Hypertension artérielle (après sécurisation de l’anévrisme, objectifs de PAM 100 à 120 mmHg si pas de contre indication), Hypervolémie* (difficile à obtenir, discutée) et Hémodilution**.
Le traitement curatif du vasospasme est actuellement à l’étude et pourrait comporter une angioplastie transluminale, une dilatation de l’artère au ballon ou des vasodilatateurs. A ce traitement s’ajoute la surveillance quotidienne par le doppler transcrânien.
Aucune donnée formelle ne permet de statuer à ce jour sur la prophylaxie anti-épileptique, elle peut être envisagée chez les patients ayant convulsé ou à haut risque (lésion focale, présence de sang dans les citernes…). Aucune recommandation n’existe concernant sa durée.
Insertion d’un cathéter de dérivation ventriculaire externe du LCR (sonde de DVE) pour drainer le liquide.
A ces traitements vient s’ajouter le traitement d’un AVC ischémique associé ainsi que le traitement de l’HTIC.
La surveillance clinique repose sur l’examen des pupilles, le score de Glasgow, la mesure de la PIC, de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de la température, de la glycémie capillaire.
A cette surveillance clinique s’ajoutent la réalisation quotidienne d’un doppler transcrânien, d’un scanner cérébral de contrôle et en cas d’aggravation, et de bilans biologiques.
Les malformations artérioveineuses cérébrales sont beaucoup plus rares que les anévrismes artériels, elles représentent la 2ème cause d’hémorragie méningée non traumatique. Il s’agit d’un peloton vasculaire opacifié au temps artériel avec un drainage veineux précoce. Les MAV sont volontiers responsables d’un hématome intra parenchymateux associé à l’HSA et des convulsions. Le vasospasme artériel est plus rare. La mortalité est plus faible que pour les HSA anévrismales (10%).
Il s’agit d’une forme particulière d’HSA non anévrismale, touchant préférentiellement le sujet jeune, avec une hémorragie méningée siégeant électivement au niveau péri bulbaire et dans les citernes de la base sur le scanner cérébral. On ne retrouve pas de saignement dans les vallées sylviennes, il n’y a pas d’hématome intracérébral associé ni d’hémorragie intra ventriculaire. Aucun anévrisme n’est retrouvé à l’angio-scanner ou en angiographie, l’hémorragie provient alors d’un saignement veineux des veines péri mésencéphaliques. Il n’y a souvent pas de re saignement, mais la survenue d’un vasospasme est possible (plus rare), ainsi le pronostic est meilleur.
Il s’agit d’une HSA survenant dans les suites d’un traumatisme crânien, et très souvent associée à d’autres lésions traumatiques intracrâniennes. Le pronostic est conditionné par ces autres lésions traumatiques. Il n’existe pas de risque de re saignement, et aucun traitement en urgence n’est indiqué. Le vasospasme reste actuellement discuté.