N° 173. Prescription et surveillance des anti-infectieux chez l'adulte et l'enfant (voir item 326) - Prescrire et surveiller un traitement anti-infectieux.
Évaluer la pertinence d'une prescription d'antibiotiques.
N° 326. Prescription et surveillance des classes de médicaments les plus courantes chez l'adulte et chez l'enfant. Connaître pour chacune les mécanismes d'action de classe et des produits individuels, les principes du bon usage, les critères de choix d'un médicament en première intention, les causes d'échec, les principaux effets indésirables et interactions
La gestion des antibiotiques en réanimation et en médecine d'urgence doit tenir compte de plusieurs contraintes : administrer un traitement le plus efficace possible dans les meilleurs délais, adaptés à chaque situation ; assurer les bases du diagnostic ; garantir le meilleur rapport bénéfice/risque pour l'individu ; préserver en même temps, par le souci d'un usage maîtrisé de l'antibiothérapie, l'efficacité des antibiotiques et contribuer à la prévention des résistances bactériennes en réduisant l'impact écologique de ces traitements, pour le malade lui-même et pour la collectivité.
Il faut donc acquérir les connaissances qui permettent :
En réanimation et en médecine d'urgence, la précocité du traitement adapté de certaines situations est un facteur pronostique parfaitement identifié.
Seules certaines situations particulières justifient une antibiothérapie urgente, soit immédiate, soit dans les deux à trois heures suivant la prise en charge des malades.
Une antibiothérapie d'urgence est justifiée devant tout état aigu d'allure infectieuse :
Devant un état aigu d'allure infectieuse, avec fièvre supérieure à 38 °C, parfois frissons, ou hypothermie inférieure à 36,5 °C, il faut donc rechercher des signes de gravité témoignant de dysfonctions d'organes indépendamment de l'origine de l'infection :
Le terrain sur lequel survient un épisode d'allure infectieuse peut, même sans qu'existent des signes de gravité, justifier une antibiothérapie d'urgence, parfois immédiate :
On doit donc retenir comme des indications formelles de l'antibiothérapie d'urgence :
-soit le céfotaxime (Claforan®) par voie IV, 1 g chez l'adulte, 50 mg/kg chez le nourrisson et l'enfant,
-soit la ceftriaxone (Rocéphine®), par voie IM ou IV, à la dose de 1 à 2 g chez l'adulte, de 50 à 100 mg/kg chez le nourrisson et l'enfant ;
On ne doit pas omettre que :
Qu'est-ce qu'un traitement antibiotique probabiliste ?
On appelle traitement antibiotique probabiliste un traitement mis en route sans que soit établi formellement le diagnostic microbiologique de l'infection. En pratique médicale courante, la majorité des traitements antibiotiques sont probabilistes, et le demeurent faute de données microbiologiques. En réanimation et en médecine d'urgence, l'urgence et la gravité peuvent conduire à des traitements d'urgence probabilistes. Tout doit cependant être fait, et sans retarder le traitement lorsqu'il s'agit d'urgences vraies, pour assurer secondairement le diagnostic bactériologique et permettre la réévaluation secondaire du traitement initial.
Un traitement antibiotique probabiliste est indiqué :
C'est une étape capitale : antibiothérapie « probabiliste » ne signifie pas antibiothérapie « à l'aveugle » ; on devrait d'ailleurs parler d'une antibiothérapie « dirigée » par un « diagnostic probabiliste »….
Les infections communautaires sont le plus souvent dues à des germes banals, généralement sensibles aux antibiotiques usuels « de première ligne ». On y retrouve les bactéries mentionnées au tableau 47.1. Ce sont celles qu'il faut savoir prendre en considération et dont il faut connaître la sensibilité aux antibiotiques usuels.
Tableau 47.1 Principales bactéries responsables d'infections communautaires
Espèces bactériennes | Où les suspecter ? |
Coques à Gram positif Streptococcus pyogenes (groupe A surtout) Pneumocoque Staphylocoques Entérocoques Coques à Gram négatif | Infections ORL et cutanées Infections respiratoires et ORL, méningites Infections cutanées et vasculaires Infections urinaires, digestives, génitales |
Coques à Gram négatif Neisseria meningitidis | Méningites |
Bacilles à Gram négatif Entérobactéries : E. coli Proteus sp. Klebsiella sp. Enterobacter sp., Serratia, Citrobacter, etc. | Infections urinaires Infections digestives, biliaires, péritonéales Infections gynécologiques |
Autres : Haemophilus influenzae | Sur terrain fragilisé : pneumopathies Infections ORL |
Bacilles à Gram positif Listeria monocytogenes | Méningites, septicémies (grossesse) |
Bactéries anaérobies À Gram positif : clostridies, peptostreptocoques, etc. À Gram négatif : Prevotella, Bacteroides fragilis, etc. | Infections graves des parties molles Péritonites, infections gynécologiques |
En revanche, les infections acquises en milieu hospitalier ou infections nosocomiales et les infections associées aux soins, ont un profil bactériologique plus complexe, du fait de la nature des patients, de l'environnement hospitalier, de l'impact des traitements antibiotiques antérieurs, l'ensemble modifiant à la fois l'épidémiologie microbienne et la sensibilité usuelle des bactéries impliquées ; le dernier facteur est le plus important à cet égard.
Les probabilités étiologiques bactériologiques dépendent de l'épidémiologie locale, de la colonisation du patient (oropharyngée, digestive, cutanée, etc.) par certaines espèces bactériennes, et bien sûr de la nature de l'infection. Les résistances aux antibiotiques sont fréquentes. Les décisions de traitement doivent être appuyées sur des recommandations locales tenant compte de l'environnement épidémiologique de l'hôpital et de l'unité d'hospitalisation.
En pratique cependant, les choses ne sont pas aussi simples :
L'identification en est souvent cliniquement simple, sur les seules données de l'interrogatoire et de l'examen physique, aidé, le cas échéant, d'examens complémentaires d'imagerie usuels : pneumopathie aiguë, pyélonéphrite, infection des parties molles, etc. Dans un état septicémique, on recherche le foyer primaire ( « porte d'entrée »), source de l'infection systémique : sa nature guide le traitement antibiotique et peut conduire à un geste thérapeutique complémentaire (retrait d'un cathéter, chirurgie, etc.). Le tableau réalisé peut cependant parfois être celui d'un état infectieux aigu sans point d'appel particulier.
L'important est surtout de retenir quelles sont les espèces qui ne doivent absolument pas être oubliées.
Il est la base du traitement antibiotique probabiliste : sa connaissance permet en effet de savoir quelles espèces bactériennes cibler à travers le choix d'un traitement antibiotique. Les principales espèces bactériennes à prendre en compte pour le traitement probabiliste des infections les plus couramment rencontrées en réanimation et en médecine d'urgence figurent au tableau 47.2. Ce sont celles qui sont prises en compte dans les référentiels existants, en particulier pour la prise en charge des infections communautaires.
Tableau 47.2 Profil épidémiologique microbiologique des infections les plus fréquentes en réanimation et médecine d'urgence
Infections communautaires | Espèces bactériennes |
Pneumopathies aiguës | Pneumocoque +++ Legionella, Mycoplasma, Chlamydia sp. Rarement : H. influenzae, S. aureus, entérobactéries Anaérobies (pneumopathie d'inhalation) |
Pleurésie purulente | Anaérobies, streptocoques, pneumocoque, etc. |
Infections urinaires et pyélonéphrites | E. coli +++, Proteus sp, Klebsiella, entérocoques |
Infections cutanées | Streptococcus pyogenes, staphylocoques |
Infections graves des parties molles | Streptocoques, anaérobies à Gram positif et Gram négatif |
Méningites | Pneumocoque, méningocoque, Listeria monocytogenes |
Endocardites d'Osler | Streptocoques non groupables (viridans) Staphylocoques |
Endocardites aiguës | S. aureus |
Infections digestives et péritonéales | E. coli, Bacteroides fragilis, entérocoques |
Infections biliaires | E. coli, entérocoques |
Ascite infectée | E. coli, Klebsiella |
Purpura aigu fébrile | Méningocoque +++, pneumocoque |
Infections nosocomiales | Espèces bactériennes |
Pneumopathies nosocomiales | Pseudomonas aeruginosa Entérobactéries hospitalières ( S. aureus méti-R) |
Infections sur cathéter veineux | Staphylocoque à coagulase négative S. aureus (méti-S et méti-R) Bacilles gram négatif Candida sp. |
Infections urinaires | Entérobactéries hospitalières Pseudomonas aeruginosa Entérocoques |
Infections sur terrain particulier | Espèces bactériennes |
Toxicomanie IV | S. aureus, Candida sp. |
Splénectomisé ou asplénique | Méningocoque, pneumocoque, Haemophilus |
Neutropénie | Bacilles à Gram négatif, staphylocoques, streptocoques Aspergillus (poumon, cerveau), Candida (cathéter) |
On se fonde souvent sur des données générales pour les infections dues à des bactéries « communautaires ». Ces données sont celles qui figurent, sous le terme de « spectre d'activité antibactérienne », dans les documents d'information sur les antibiotiques, par exemple dans le dictionnaire Vidal. L'important est de savoir si un antibiotique est habituellement actif sur telle ou telle espèce bactérienne, ou s'il existe une résistance acquise pour une partie des souches de l'espèce (espèces inconstamment sensibles). Si tel est le cas, en l'absence d'identification de la souche et d'antibiogramme, un traitement probabiliste par cet antibiotique comporte une marge d'incertitude et fait courir au malade un risque d'inefficacité du traitement. En fonction des hypothèses diagnostiques qui sont faites, le prescripteur doit donc savoir quel(s) antibiotique(s) offre(nt) la plus grande probabilité d'activité sur l'espèce bactérienne suspectée. Les principales données à connaître figurent au tableau 47.3. Pour les infections nosocomiales, l'épidémiologie locale doit aussi être prise en compte, de manière à moduler ce qui est connu de la résistance aux antibiotiques en général.
Tableau 47.3 Antibiotiques les plus régulièrement actifs selon les espèces bactériennes
Espèces bactériennes | Antibiotiques |
Pneumocoques | Amoxicilline et dérivés Céfotaxime, ceftriaxone Imipénème Lévofloxacine, moxifloxacine Vancomycine |
Autres streptocoques | Amoxicilline Céfotaxime, ceftriaxone Vancomycine |
Staphylocoques méti-S | Pénicillines M (oxacilline, cloxacilline, etc.) Amoxicilline + acide clavulanique Céphalosporines de 1e et 2e générations Fluoroquinolones Céfotaxime, ceftriaxone |
Staphylocoques méti-R | Glycopeptides (vancomycine, teicoplanine) Oxazolidinones (linezolid) Daptomycine |
Entérocoque | Amoxicilline, vancomycine |
Méningocoque | Amoxicilline, céfotaxime, ceftriaxone |
Haemophilus influenzae | Amoxicilline + acide clavulanique Céfotaxime, ceftriaxone Fluoroquinolones |
Entérobactéries (E. coli, etc.) | Céfotaxime, ceftriaxone Pireracilline (±tazobactam) Imipénème Fluoroquinolones Aminosides |
Pseudomonas aeruginosa | Pireracilline (±tazobactam) Ceftazidime Imipénème Ciprofloxacine Amikacine |
Listeria monocytogenes | Amoxicilline Cotrimoxazole Imipénème |
Anaérobies à Gram positif | Pénicillines, céfotaxime, imipénème, vancomycine, etc. |
Anaérobies à Gram négatif | Pénicilline + inhibiteur de β-lactamases, imipénème, métronidazole, ornidazole |
Legionella | Macrolides, fluoroquinolones, rifampicine |
Mycoplasma, Chlamydia | Macrolides, ofloxacine, levofloxacine, moxifloxacine |
Elle est fonction de l'activité antibactérienne intrinsèque (concentrations minimales inhibitrices, ou CMI, vis-à-vis des principales espèces bactériennes à cibler), de l'épidémiologie des résistances, des propriétés de diffusion au site de l'infection.
Conduite à tenir
En traitement probabiliste des infections sévères, doivent être privilégiés les antibiotiques :
Il n'est pas toujours aisé de concilier ces trois objectifs en présence d'espèces bactériennes dont la sensibilité est modifiée. Doivent également être pris en compte l'état du patient et la tolérance ou la maniabilité des antibiotiques utilisables.
Le droit d'être maximaliste, pour ne faire courir au malade aucun risque de « perte de chance » lorsque cela est nécessaire, a pour corollaire le devoir absolu, pour le prescripteur, de réévaluer le bien-fondé du traitement et de ses modalités au deuxième ou au troisième jour.
En réanimation et en médecine d'urgence, la gravité immédiate, les risques évolutifs encourus, l'incidence pronostique d'un éventuel traitement inapproprié justifient que chacun des éléments du traitement soit déterminé avec la plus grande rigueur. Une telle attitude conduit souvent à des traitements « maximalistes ».
Le traitement doit parfois être immédiat (purpura aigu fébrile), ou administré dans l'heure (méningite, choc infectieux, etc.) ; ailleurs, s'il y a indication à un traitement urgent, il est au plus retardé de deux à trois heures de manière à rassembler les éléments du diagnostic et pratiquer les prélèvements qui assureront secondairement la certitude étiologique.
Hormis le cas du purpura aigu fébrile où l'urgence peut conduire à administrer une première dose d'antibiotique avant tout prélèvement, il est toujours possible de prélever une hémoculture lors du premier bilan et une deuxième immédiatement avant la première injection d'antibiotique. Celle-ci peut aussi, selon les cas, être précédée par la réalisation d'une ponction lombaire, d'un prélèvement pour ECBU, examen de crachats ou prélèvement bronchique, etc. Les prélèvements doivent être acheminés le plus rapidement possible au laboratoire pour examen direct cytobactériologique et mise en culture. En cas de fermeture du laboratoire, les flacons d'hémoculture doivent être placés à l'étuve, les autres prélèvements au réfrigérateur à + 4 °C.
C'est évidemment la partie la plus difficile à schématiser. Trop simplifiés, les schémas font courir le risque d'erreurs ; trop complexes, ils deviennent incompréhensibles !
L'essentiel est de ne pas perdre de vue l'objectif primordial initial, qui est celui de l'efficacité. Il faut mémoriser les antibiotiques les mieux adaptés à telle ou telle situation clinique, compte tenu de leur profil d'activité antimicrobienne (tableau 47.4). Il faut aussi connaître les lacunes de l'activité (« spectre négatif ») des principaux antibiotiques utilisables (tableau 47.5).
Tableau 47.4 Principales recommandations d'antibiothérapie probabiliste et alternatives pour l'initiation du traitement en fonction du site de l'infection
Pneumopathie aiguë simple | Amoxicilline et/ou macrolide Ceftriaxone Lévofloxacine ou moxifloxacine |
Pneumopathies aiguës sévères ou avec comorbidités | Amoxicilline + macrolide ou ofloxacine Céfotaxime ou ceftriaxone + ofloxacine |
Pleurésie purulente | Amoxicilline-ac. clavulanique Pipéracilline-tazobactam Céfotaxime + imidazolé |
Méningite présumée bactérienne Si suspicion de listériose | Céfotaxime (+ vancomycine) Amoxicilline + gentamicine |
Infection urinaire et pyélonéphrite | Céfotaxime ou ceftriaxone Ou fluoroquinolone ± aminoside |
Infection à porte d'entrée cutanée ou veineuse | Pénicilline M (oxacilline, cloxacilline, etc.) Ou amoxicilline-ac. clavulanique Ou céfotaxime ± aminoside |
Infection grave des parties molles | Amoxicilline-ac. clavulanique Pipéracilline-tazobactam Céfotaxime + imidazolé |
Infection digestive, péritonéale ou biliaire | Céfotaxime ou ceftriaxone + imidazolé Amoxicilline-ac. clavulanique + aminoside Pipéracilline-tazobactam + aminoside, etc. |
Purpura aigu fébrile | Céfotaxime ou ceftriaxone |
Épisode fébrile du neutropénique | Pipéracilline-tazobactam ou ceftazidime ou céfépime + aminoside + vancomycine si cathéter en place |
Tableau 47.5 Lacunes principales dans l'activité des principaux antibiotiques utilisables
Antibiotiques | Sont habituellement inactifs sur |
Pénicillines | Staphylocoques méti-R Legionella et pathogènes intracellulaires |
Céphalosporines | Staphylocoques méti-R Entérocoques Anaérobies Listeria monocytogenes Legionella et pathogènes intracellulaires |
Fluoroquinolones | Staphylocoques méti-R Entérocoques Anaérobies Listeria monocytogenes |
Des fortes posologies sont souvent recommandées dans les infections sévères. Les recommandations de posologies moyennes du Vidal, qui tiennent compte à la fois de l'activité des antibiotiques et de leur tolérance, sont souvent insuffisantes dans les infections graves. Les incertitudes sur la nature de la souche responsable de l'infection et l'activité de l'antibiotique utilisé (CMI), sur la diffusion au site de l'infection, sur le volume de distribution du médicament, très souvent élevé chez les patients les plus sévères, générant des concentrations sériques et tissulaires basses d'antibiotique, sont autant de justifications à l'emploi de fortes posologies.
Le traitement des infections graves nécessite le recours initial à la voie intraveineuse, soit en injection directe rapide, soit en perfusion courte (de 30 à 60 min). La voie intramusculaire est plus aléatoire lorsque les conditions de perfusion tissulaire sont altérées (état de choc, bas débit cardiaque). Elle n'est de toute façon utilisable en dehors de ces situations que pour quelques antibiotiques administrables en urgence : ceftriaxone (Rocéphine®), aminosides.
Faut-il recourir à des associations d'antibiotiques ?
Ce que l'on peut attendre des associations
L'élargissement du spectre du traitement antibiotique peut être justifié en traitement probabiliste, du fait de l'incertitude diagnostique et de la gravité, et parce que les monothérapies ne permettent pas toujours de couvrir toutes les hypothèses bactériologiques. Quelques exemples en sont donnés au tableau 47.6.
La recherche de la synergie bactéricide n'est réellement justifiée et possible que pour certaines infections sévères, lorsque la monothérapie se trouve insuffisamment bactéricide. C'est toujours le cas des infections à entérocoques et des sujets neutropéniques, ainsi que pour certaines endocardites. On y a souvent recours dans la prise en charge des infections à staphylocoques, et dans les infections nosocomiales, du fait de la fréquence des résistances aux antibiotiques ou de l'implication de bactéries peu sensibles aux antibiotiques (Pseudomonas aeruginosa, entérobactéries type Enterobacter, Serratia, etc.), bien que l'intérêt des associations dans ces situations ne soit pas démontré. En traitement probabiliste, on fait un pari sur l'intérêt de l'association et l'obtention d'une synergie. L'intérêt de la synergie, si elle existe, est probablement maximal en début de traitement, quand la population bactérienne est la plus forte, ce qui ne justifie pas le maintien prolongé des associations d'antibiotiques. Cela explique la tendance actuelle aux traitements courts par les aminosides (2-3 jours), l'une des principales classes d'antibiotiques utilisées en association.
Ce que l'on doit craindre des associations
Les associations contribuent à l'inflation antibiotique. Elles accroissent les risques d'effets secondaires des traitements antibiotiques et pèsent de leur poids sur la sélection des résistances bactériennes aux antibiotiques. Elles doivent donc être réfléchies, utilisées parcimonieusement et pour une durée très limitée dans la majorité des cas.
Tableau 47.6 Associations visant à un élargissement du spectre
Céphalosporine ou fluoroquinolone + imidazolé | Infections mixtes aéroanaérobies |
β-lactamine + macrolide ou ofloxacine | Pneumopathie aiguë communautaire |
β-lactamine + aminoside + vancomycine | Fièvre du neutropénique |
Dans le cadre de l'antibiothérapie probabiliste, il faut encore prêter attention aux risques propres de telle ou telle classe d'antibiotiques.
Les antécédents d'allergie grave (choc anaphylactique, œdème de Quincke, dyspnée laryngée, etc) sont une contre-indication à l'utilisation de ces antibiotiques. Lorsque seules des manifestations mineures et retardées (éruption cutanée) ont été observées à l'occasion d'un traitement antérieur par une pénicilline (amoxicilline ou amoxicilline-acide clavulanique, par exemple), les céphalosporines sont habituellement utilisables, le risque d'allergie croisée étant de l'ordre de 15 %. En dehors de ces problèmes, les β-lactamines sont habituellement facilement utilisables et répondent à bien des situations d'antibiothérapie probabiliste d'urgence. L'insuffisance rénale ralentit l'élimination de beaucoup d'entre elles. Les pénicillines peuvent dans cette situation être responsables d'encéphalopathie myoclonique, voire de convulsions, particulièrement lors de traitements de méningites, du fait d'une diffusion accentuée par l'inflammation méningée. L'imipénème-cilastatine (Tienam®) peut aussi être à l'origine de convulsions.
Oto- et néphrotoxiques, ils le sont particulièrement lorsqu'une insuffisance rénale entrave leur épuration. Leur administration doit donc être prudente. La dose initiale n'a cependant pas lieu d'être modifiée, si bien que l'antibiothérapie probabiliste peut être démarrée selon un schéma posologique habituel pour la première injection.
Elles sont, en milieu hospitalier, facilement maniables, et utilisables aussi bien par voie IV que par voie orale. Des antécédents de tendinopathie sont une contre-indication à leur emploi. On doit connaître leur neurotoxicité, responsable d'accidents neuropsychiques aigus, de même que leur cardiotoxicité éventuelle (effet arythmogène).
L'érythromycine IV est souvent à l'origine d'une intolérance veineuse à la perfusion. Elle est en outre responsable d'effets indésirables cardiaques, avec un risque d'hyperexcitabilité, d'arythmie et de torsades de pointe, favorisées par un allongement de l'espace QTc et par toute situation favorisant les troubles du rythme (hypokaliémie). La perfusion, en trois ou quatre fois, ne doit pas se faire en moins d'une heure.
Dans les infections graves, il est important d'obtenir rapidement des concentrations sériques adaptées. La posologie habituelle est de 30 mg/kg/j. Une première dose de charge de 1 g IV peut être administrée en une heure. La perfusion continue peut ensuite être utilisée pour administrer la dose quotidienne adaptée et maintenir des concentrations de l'ordre de 20 à 25 mg/L. La vancomycine voit son élimination considérablement ralentie en cas d'insuffisance rénale. En traitement probabiliste d'urgence, l'insuffisance rénale ne constitue pas une contre-indication ; une dose de charge de 1 g chez l'adulte, suffit généralement au traitement des 24 premières heures, dans l'attente du résultat d'un dosage sérique ; des concentrations sériques résiduelles supérieures à 15 mg/L sont nécessaires à l'efficacité du traitement.
L'insuffisance rénale est la principale situation qui conduit à adapter les posologies de certains antibiotiques. D'une manière générale, elle ne doit pas conduire à modifier la dose de la première administration d'antibiotique, y compris d'une dose de charge, souvent nécessaire dans les infections graves. La dose est ensuite, pour les antibiotiques à administration rénale prépondérante, ajustée en proportion de la clairance de la créatinine.
Celle-ci est estimée à partir de la formule de Cockroft.
Le risque est plus souvent celui du sous-dosage et d'inefficacité.
Les antibiotiques le plus fréquemment utilisables dans le cadre des antibiothérapies probabilistes, pour lesquels doivent être appliqués des schémas d'adaptation posologique en insuffisance rénale, figurent au tableau 47.7.
Tableau 47.7 Adaptations posologiques en insuffisance rénale
Posologie modérément réduite | β-lactamines Ciprofloxacine Moxifloxacine |
|
Posologie fortement réduite | Aminosides (à éviter pour traitements > 48 heures) Ofloxacine Vancomycine, teicoplanine\\ |
|
Modalités d'adaptation\\ | ||
Antibiotique | Dose initiale | Adaptation |
Gentamicine | 1-2 mg/kg | Espacement (18, 24, 36 ou 48 heures) |
Amikacine | 5-7,5 mg/kg | Espacement (18, 24, 36 ou 48 heures) |
Ofloxacine | 200 mg | Toutes les 24 à 48 heures |
Vancomycine | 1 g | Tous les 3 à 8 jours |
Teicoplanine | 400 mg/12 h 1 à 4 j | Posologie réduite à 1/2-1/3 |
Concentrations sériques à obtenir (privilégier les produits les plus faciles à doser sur place)\\ | ||
Antibiotique | Pic sérique | Concentration résiduelle |
Gentamicine | 8-10 mg/L | < 2 mg/L |
Amikacine | 30 mg/L | < 5 mg/L |
Vancomycine | 30-50 mg/L | < 15 mg/L* |
* La perfusion veineuse continue peut être préférée : la concentration sérique doit être maintenue à 20-25 mg/L.
Elle est indispensable, dès J1 et à J2 ou J3, que l'infection ait été documentée ou pas. Un traitement probabiliste d'urgence doit toujours être reconsidéré, à la lumière des éléments diagnostiques obtenus et de l'évolution de l'état du malade.
Le prescripteur doit répondre aux questions suivantes :
-soit par documentation microbiologique, y compris des tests rapides (antigénurie),
-soit par évidence anatomique (imagerie, chirurgie, etc.),
-le « test thérapeutique », qui consiste en une amélioration marquée de l'état du patient sous traitement, n'est pas utilisable chez les malades de réanimation ;
-le traitement est-il le mieux adapté ? Il faut éventuellement le réajuster pour recourir à l'antibiotique conciliant une bonne activité, à un spectre le plus étroit possible, et un moindre coût,
-la poursuite d'une association d'antibiotiques est-elle justifiée ? Très souvent ce n'est pas le cas, hormis quelques situations particulières (ex, neutropénie persistante). Seules les infections à P. aeruginosa, éventuellement les infections graves à staphylocoques justifient une bithérapie prolongée de quelques jours, plus prolongée lorsqu'il s'agit d'entérocoques. Ailleurs, une bithérapie de deux jours est probablement le plus souvent suffisante.
La durée du traitement doit être planifiée, avec une nouvelle reconsidération du traitement au sept ou huitième jour.
Dès lors que le tube digestif est utilisable, le recours à un relais oral, au moins pour certaines classes thérapeutiques où les formes orales jouissent d'une excellente biodisponibilité (fluoroquinolones), doit être systématiquement envisagé.
En cas d'échec du traitement probabiliste, il faut savoir :
Hormis l'existence de signes de gravité et lorsque le diagnostic clinique ne peut être maintenu, il faut envisager d'arrêter le traitement pour permettre les prélèvements multiples indispensables.
Points clés
Pour aller plus loin
(1) Hoen B, Duval X. Infective Endocarditis. New England Journal of Medicine. 2013 Apr 11;368(15):1425-33.