POUR COMPRENDRE:
Les 2 phases d'une brûlure et de son retentissement local et systémique :
1. Phase initiale : déséquilibre hémodynamique, hydro-électrolytique et protidique car augmentation de la perméabilité capillaire, entrainant phlyctènes, œdèmes et collapsus
2. Phase secondaire : à partir de J3-J4 jusqu'à fermeture des lésions, avec hyperactivité métabolique, favorisant dénutrition et infections
La brûlure est une destruction du revêtement cutané et des tissus sous‐jacents
secondaire à l'action de plusieurs agents, qu'ils soient thermiques, électriques, chimiques, ou de radiations. La gravité clinique est proportionnelle à l'étendue et à la profondeur de la brûlure et à l'existence de lésions associées. Les premières heures de la prise en charge conditionnent le pronostic de la maladie.
Elle est importante à connaître pour orienter la prise en charge. Il faut préciser l'existence d'un incendie en milieu clos, d'une explosion pour les lésions de blast, d'un accident avec risque de polytraumatisme.
Le brûlé est examiné après déshabillage prudent et doit être mobilisé comme un polytraumatisé potentiel. Les détresses vitales nécessitant un traitement immédiat doivent être recherchées : détresse respiratoire, hémodynamique par hémorragie ou détresse neurologique avec coma.
Les outils traditionnels sont les tables représentées ci-dessous: règle des 9 de Wallace chez l'adulte et table de Lund et Browder chez l'enfant et l'adulte.
Evaluation de la surface corporelle brûlée : règle des 9 de Wallace
Table de Lund et Browder
Pour les brûlures peu étendues et disséminées, on utilise la paume de la main, équivalant à 1%, pour estimer la SCB. Internet met à disposition des outils tels que www.sagediagram.com (recommandé par la SFETB), gratuit, adapté à l'adulte et à l'enfant. Il permet aussi d'établir un programme de remplissage vasculaire.
L'évaluation de la profondeur est particulièrement difficile et elle n'a de sens que pour déterminer le potentiel de cicatrisation spontanée et prévoir la nécessité d'une greffe. En effet, les brûlures superficielles (1er degré, 2e degré superficiel) cicatriseront spontanément en l'absence de complication alors que les brûlures profondes (2e degré profond et 3e degré) devront bénéficier d'une prise en charge chirurgicale.
Evaluation de la profondeur des brûlures
Classification | Aspect |
SUPERFICIELLE Premier degré Deuxième degré superficiel | « coup de soleil » Douloureuse, phlyctène, fond rose et uniforme |
PROFONDE Deuxième degré profond Troisième degré | Douloureuse, fond rose et blanc, inhomogène, respect des phanères Indolore, perte des phanères, consistance cartonnée à la palpation |
- Zones fonctionnelles :
- Brûlures des voies aériennes
- Brûlures circulaires des membres : Par effet de garrot, elles peuvent entrainer une ischémie à l'origine d'une rhabdomyolyse (« crush syndrome »).
La gravité procède de deux mécanismes principaux : d'une part, l'agression des voies respiratoires par les particules de suie et d'autre part, les toxiques contenus dans les fumées, le monoxyde de carbone et le cyanure.
Le diagnostic est présomptif. Il repose avant tout sur des circonstances (brûlures par flamme en milieu clos). Il repose éventuellement sur la présence :
Certains agents vulnérants peuvent entraîner des lésions graves par leur effet propre. Les brûlures électriques, en plus du risque cardiaque potentiel (troubles du rythme, nécrose myocardique) vont entraîner des lésions très délabrantes car le courant électrique va traverser le corps en empruntant les zones de moindre résistance, à savoir les trajets vasculonerveux des membres. Il existera des brûlures des masses musculaires avec risque de rhabdomyolyse et d'ischémie de membres par syndrome des loges.
Les brûlures chimiques, seront souvent peu étendues, mais profondes et certains composés pourront se compliquer d'effets systémiques (acide fluorhydrique et hypocalcémie par exemple).
- Brûlure > 10% SCB chez l'adulte - Brûlure > 5% SCB chez l'enfant de moins de 3 ans - Même lorsque la surface brûlée est petite, une brûlure est grave si elle est profonde et/ou située dans une localisation à risque.
L'oxygénothérapie systématique est débutée à haut débit et ensuite adaptée à la saturation artérielle ou poursuivie à 15 litres par minute en cas d'intoxication au monoxyde de carbone.
Le diagnostic précoce de l'intoxication cyanhydrique est difficile et sa gravité est extrême. A la moindre suspicion d'intoxication cyanhydrique, on recommande la prescription d'un antidote: l'hydroxocobalamine (CYANOKIT®). Celui-ci doit être administré le plus tôt possible, éventuellement dès la phase pré-hospitalière. La posologie est de 70mg/kg (soit 5g pour un adulte de 70kg) quel que soit l'âge (enfant ou adulte).
En plus des détresses respiratoires et neurologiques, les indications d'intubation trachéale sont fréquentes lors de suspicion de lésions d'inhalation (évoquer en cas d'incendie en milieu clos, brûlure de la face, présence de suie dans les narines, ou d'expectorations noires) ou de brûlures cervico-faciales par flammes (risque d'œdème rapide et important).
A la phase initiale, le retard dans la réanimation hydro‐électrolytique est préjudiciable pour le patient.
Si SCB > 10%, il faut utiliser un soluté cristalloïde de type Ringer Lactate® à la posologie de 20 ml/kg la première heure, puis, selon la formule du Parkland Hospital, à la posologie de 4 mL × % SCT × poids en kg. La moitié de ces volumes est à administrer sur les 6-8 premières heures, l'autre moitié sur les 16-18 heures restantes.
Chez l'enfant, on utilise la formule de Carjaval (5 000 mL/m2 de surface brûlée + 2 000 mL/m2).
Les objectifs sont un hématocrite < 50%, une diurèse > 1 ml/kg/h, une PAM > 70 mmHg, une fréquence cardiaque < 100 bpm.
Les antalgiques de palier 1 et 2 sont utilisés ainsi que les morphiniques en titration.
- Aucune antibiothérapie systématique n'est prescrite dans les premières heures. C'est par le traitement local qu'il faut prévenir l'infection locale : lavage des brûlures et mise à plat des phlyctènes avec un savon antiseptique puis rinçage à l'eau du robinet, rasage des poils sur et en périphérie de la brûlure, pansement avec un topique prévenant l'infection comme la sulfadiazine d'argent (Flammazine®). - Ne pas oublier la prévention antitétanique - Si le patient est évacué vers un centre spécialisé, il faut éviter les pommades et crèmes qui modifient l'aspect local et envelopper le patient de champs stériles puis d'une couverture isotherme. En cas de délais d'évacuation très long (>6h), il faut discuter les escarrotomies afin de restituer une circulation distale normale lors de brûlures circulaires et profondes.
FICHE RESUME
Pour en savoir plus
Vinsonneau C, Benyamina M. Prise en charge initiale du grand brûlé. Réanimation 2009;8:679-686