Les complications de la transfusion sont toujours la conséquence d’une interaction entre les cellules ou le plasma du donneur (PSL) et du receveur, ou de l’interaction des métabolites issus de la fabrication ou de la conservation du PSL avec le receveur (à l’exception des complications volémiques) et/ou du non respect d’une bonne pratique.
Une complication transfusionnelle désigne tout événement inattendu ou indésirable qui survient au cours ou décours d’une transfusion, ou plus tardivement, plusieurs mois ou années après une transfusion, et est appelé « effet indésirable receveur ». Les principales complications de la transfusion sont d’ordre immunologique, infectieux, métabolique et volémique.
Les réactions d’incompatibilité immunologique résultent d’un conflit immunologique dans le système érythrocytaire (les plus graves) ou HLA, voire HPA, le plus souvent par conflit entre les Ag des cellules du PSL et les Ac du receveur (26) (27). Elles peuvent survenir lors de la transfusion de tout PSL. Les conflits érythrocytaires sont les plus graves dans la mesure où ils déclenchent une hémolyse.
C’est la complication transfusionnelle la plus grave, qui met en jeu le pronostic vital du receveur.
Le conflit est dû le plus souvent à un conflit entre les Ag du CGR et les Ac du receveur :
Il peut aussi être lié à un conflit entre les Ac apportés par le PSL et les Ag du receveur (transfusion de PFC incompatible dans le système ABO). Sa gravité est liée à l’hémolyse et aux complications induites « en cascade » (activation du complément, coagulation vasculaire disséminée, choc…, insuffisance rénale, voire décès).
Les signes cliniques du conflit immunologique érythrocytaire sont typiquement:
Les signes biologiques sont ceux de l’hémolyse (baisse de l’hémoglobine, augmentation de la bilirubine libre, baisse de l’haptoglobine), du conflit immunologique érythrocytaire (Coombs direct positif), associés à une insuffisance rénale, une coagulation intravasculaire disséminée.
Les examens à pratiquer sont:
Ces tests sont à adresser en urgence au laboratoire ou à l’EFS, avec le reste du CGR et des PSL déjà transfusés pour tests complémentaires éventuels.
La conduite à tenir comporte les mesures de réanimation nécessaires, adaptées aux signes présentés (remplissage, réanimation, ultrafiltration…).
Un conflit dans le système ABO est toujours la conséquence d’une erreur de la chaîne transfusionnelle (erreur de groupage, erreur d’identification du patient, non respect d’une ou plusieurs étapes du contrôle ultime au chevet du patient…). Le respect des bonnes pratiques transfusionnelles évite la plupart des situations d’incompatibilité érythrocytaire.
Remarque :
Toute prescription de CGR en urgence vitale comporte un risque de conflit immunologique, dans la mesure où les CGR sont délivrés et administrés sans connaître le résultat de la RAI (risque d’administrer un CGR incompatible au patient).
Cette réaction est aussi liée à un conflit Ag/Ac, le plus souvent par réactivation d’Ac anti-érythrocytaires présents chez le receveur mais devenus indétectables (RAI « faussement » négative).
Les signes cliniques sont modérés:
Seule une augmentation de la bilirubinémie ou un faible rendement transfusionnel est parfois observé.
Les examens à pratiquer, et à répéter jusque régression de l’hémolyse, sont:
Il n’y a pas de traitement spécifique, outre de veiller à l’hydratation correcte du patient.
Le respect des bonnes pratiques transfusionnelles évite la plupart des situations d’incompatibilité érythrocytaire, y compris de toujours prendre en compte un résultat de RAI antérieurement positif. Aussi, tout résultat positif de RAI doit être transmis et enregistré à l’EFS, sur le dossier transfusionnel et connu du patient afin d’éviter un nouveau conflit (document ou résultat de RAI à remettre au patient).
Il est lié à un conflit entre des Ag du PSL (CP le plus souvent ou CGR) avec des Ac du système HLA ou HPA du receveur (receveur immunisé après grossesse, transfusion ou transplantation).
Ils surviennent pendant ou après la transfusion et sont d’intensité variable (frissons, hyperthermie, tachycardie, cyanose modérée, hypotension, pâleur…). Ils sont parfois réduits à une inefficacité transfusionnelle plaquettaire.
Les tests à pratiquer sont :
En cas de détection d’une immunisation, elle devra être enregistrée à l’EFS, sur le dossier transfusionnel et connue du patient afin d’éviter un nouveau conflit.
Il n’y a pas de traitement spécifique. Un traitement symptomatique peut être prescrit en cas de mauvaise tolérance.
La transfusion de PSL déleucocytés, systématique depuis 1998, a réduit la fréquence des conflits dans le système HLA. Chez tout patient immunisé dans le système HLA ou HPA, des CP phénocompatibles et/ou compatibilisés doivent être prescrits (prescription à anticiper avec l’EFS).
Le PPT est une complication transfusionnelle rare et grave (5 à 10% de décès notamment par hémorragie cérébro-méningée).
Il est défini par une thrombopénie majeure (inférieure à 20G/l), survenant 2 à 15 jours après une transfusion, chez un patient immunisé dans le système HPA, après une grossesse ou une transfusion (Ac anti-HPA-1a, anti-HPA-5a ou 5b le plus souvent). La thrombopénie résulte d’un mécanisme complexe (réponse immune des Ac qui se complexent aux plaquettes du donneur et du receveur et les détruisent). La seule mesure préventive connue est de transfuser des CP HPA compatibles aux patients immunisés dans ce système. Or l’immunisation HLA ou HPA est souvent méconnue dans la mesure où la recherche d’Ac anti-HLA ou HPA n’est pas obligatoire avant une transfusion.
L’œdème pulmonaire lésionnel est une complication grave (constituant unes des premières causes de mortalité par transfusion) et a une incidence d’environ 1.8/100 000 PSL (imputabilité possible à certaine, données Ansm 2012) (29).
Il peut survenir après administration de tout PSL et de certains médicaments dérivés du plasma (immunoglobulines) (30).
L’œdème pulmonaire lésionnel, d’étiologie imparfaitement connue, est attribué à une activation des granulocytes des capillaires pulmonaires, suivie d’une exsudation dans les alvéoles pulmonaires. Il peut survenir si les 2 conditions suivantes sont réunies :
- Activation de l’endothélium pulmonaire avec stase et stimulation intra-pulmonaire des neutrophiles du receveur (« prédisposition clinique » du receveur), rencontrée en cas de:
- Présence d’Ac dans le PSL dirigés contre les Ag HLA (classe I ou II) ou HNA du receveur ou accumulation de lipides activateurs des polynucléaires (notamment lipophosphatidylcholines) dans le PSL pendant sa conservation.
Le conflit entre les Ac du donneur et les Ag du receveur ou généré par les lipides activateurs du PSL provoque la dégranulation des polynucléaires séquestrés et l’exsudation alvéolaire.
Les signes respiratoires sont plus ou moins marqués et peuvent constituer un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Ils s’installent pendant la transfusion ou pendant les 6 heures qui suivent la fin de la transfusion :
- Dyspnée, tachypnée, cyanose, toux, expectoration mousseuse, fièvre, râles crépitants diffus bilatéraux.
- SpO2 < 90% en air ambiant (ou PaO2/FiO2 < 300 mm Hg).
- +/- Hypotension ou hypertension artérielle, tachycardie.
Les tests suivants aideront au diagnostic différentiel (notamment de l’œdème pulmonaire de surcharge) :
Après traitement du SDRA (O2, ventilation assistée …), l’évolution est souvent favorable en 48h (décès dans 10 % des cas).
Ain d’éviter d’apporter des Ac anti-HLA avec le PSL, depuis 2010, les PFC mono-donneurs et les CPA sont issus de donneurs masculins ou de donneuses nulligestes ou de donneuses chez qui la recherche d’Ac anti-HLA est négative.
La GVH post-transfusionnelle, exceptionnelle, est secondaire aux cellules immuno-compétentes (lymphocytes) du PSL introduites chez un receveur présentant une immunodépression profonde (acquise après conditionnement pré-greffe ou chimiothérapie invasive, ou constitutionnelle en cas de déficit immunitaire primitif grave ou de transfusion intra-familiale).
Les signes de la GVH aiguë apparaissent 5 à 8 jours après la transfusion et comportent un syndrome cutané (érythrodermie desquamative) et digestif (anorexie, nausées, diarrhée…), une atteinte hépatique, une altération grave de l’état général, avec fièvre, cachexie, avant évolution souvent défavorable en quelques semaines.
Les formes chroniques sont moins fréquentes et souvent difficiles à repérer, et à rapporter à la transfusion. Elles comportent souvent des signes digestifs et cutanés (diarrhée, éruption cutanée) qui apparaissent 3 à 4 semaines après la transfusion, avant régression en quelques semaines.
Outre la surveillance biologique hématologique et du bilan hépatique (cytolyse), le diagnostic est établi sur preuve histologique (souvent des lésions cutanées).
Elle est assurée par la prescription et l’administration de CGR et de CP irradiés (neutralisation par l’irradiation des lymphocytes du donneur encore présents dans le PSL après déleucocytation).
Les manifestations allergiques ou de type allergique sont fréquentes et peuvent survenir lors de la transfusion de tout PSL. Elles représentent moins de 20% des EIR en France (imputabilité possible à certaine, rapport d’activité Hémovigilance 2012, Ansm) (29) (31).
Les mécanismes, mal connus, nombreux et complexes, impliquent un ou des composants présents chez le receveur et chez le donneur ou présents dans le PSL :
Les signes sont ceux des réactions d’hypersensibilité (classification de Ring et Messmer).
En cas de réaction grave, sont à réaliser:
Après l’arrêt de la transfusion, le traitement dépend de la gravité de la réaction (antihistaminiques, corticoïdes, ou réanimation et adrénaline, en cas de choc) (32).
En cas de réaction non sévère, la prescription de CP en solution (contenant moins de plasma) est souhaitable. Aucun traitement préventif ou prémédication n’est reconnu (antihistaminiques, voire corticoïdes, parfois prescrits de façon empirique). En cas de réaction grave ou de choc, les consignes transfusionnelles doivent être définies avec l’EFS, inscrites sur le dossier transfusionnel et connues du patient (CGR et CP déplasmatisés, contre-indication au plasma, ou à défaut PFC-SD, médicaments dérivés du plasma dépourvus d’IgA).
Cas particulier : Choc anaphylactique
Exceptionnel, il est secondaire à un conflit immunologique (exemple, transfusion d’un PSL à patient ayant un déficit congénital en IgA et porteur d’Ac anti-IgA).
La conduite à tenir est la même que pour tout choc anaphylactique (réanimation, adrénaline, application du protocole « Anaphylaxie » de l’ES et explorations allergologiques complètes) (32). Les consignes transfusionnelles doivent être enregistrées à l’EFS, inscrites sur le dossier transfusionnel et connues du patient (CGR et CP déplasmatisés, contre-indication au plasma, ou à défaut PFC solvant détergent, médicaments dérivés du plasma dépourvus d’IgA).
L’allo-immunisation dans le système érythrocytaire et dans le système HLA ou HPA constitue un risque inconstant des PSL cellulaires, sans gravité, sauf lorsqu’ils sont à l’origine d’un conflit immunologique lors d’une transfusion, transplantation ou grossesse ultérieures (33).
Elle est définie par la détection d’Ac anti-érythrocytaires secondaire aux Ag érythrocytaires présents dans un ou des PSL reçus (notamment CGR, voire CP). Ces Ac sont appelés des Ac immuns irréguliers dans la mesure où leur production est inconstante.
L’immunisation est un diagnostic exclusivement biologique, caractérisé par la détection d’Ac anti-érythrocytaires lors d’une RAI pratiquée après une transfusion (RAI « post-transfusionnelle » préconisée 1 à 3 mois après une transfusion érythrocytaire).
L’administration de CGR phénotypés (phéno-compatibles au receveur dans le système RH KEL) réduit le risque d’immunisation. Toutefois, ce risque persiste dans les autres systèmes érythrocytaires. Le processus d’immunisation est patient-dépendant, dose-dépendant et Ag-dépendant.
Elle est définie par la détection d’Ac anti-HLA ou anti-HPA, secondaires aux Ag HLA et HPA présents dans un ou des PSL reçus (notamment CP, voire CGR).
L’immunisation est un diagnostic exclusivement biologique, caractérisé par la détection d’Ac anti-HLA ou HPA, après une transfusion. Dans la mesure où cette recherche n’est pas systématique, l’immunisation HLA ou HPA est souvent méconnue et est parfois détectée au décours d’un contrôle après EIR (conflit immunologique HLA ou HPA) ou en cas d’inefficacité transfusionnelle plaquettaire.
L’administration de PSL déleucocytés a diminué le risque d’immunisation HLA.
Dans la mesure où la transfusion apporte des cellules étrangères à un patient, elle induit une situation d’incompatibilité immunologique, sans détection d’une immunisation dans la majorité des cas. Cette immuno-tolérance, associée au rôle « pro-inflammatoire » de la transfusion, est suspecte d’induire une immunomodulation ou immuno-régulation et de majorer le risque carcinologique (y compris de rechute carcinologique) et infectieux (34). Cette complication n’est pas clairement étayée, même si elle est souvent citée.
L’indication d’une transfusion ne peut être établie qu’en l’absence d’alternative, y compris au regard des risques connus, mais aussi des risques soupçonnés, encore inconnus et d’immunomodulation,
Une infection bactérienne transmise par transfusion (IBTT) est l’une des complications les plus graves de la transfusion (mortalité 15 à 30 %). En France, en 2012, 13 cas d’IBTT, d’imputabilité possible à certaine, ont été déclarés à l’ANSM (29) (35).
Elle est la conséquence de l’administration d’un PSL contenant des bactéries (CGR ou plus souvent CP en raison de sa conservation à 20-24°C, voire PFC). La contamination bactérienne du PSL peut provenir :
Ils comportent des frissons, une fièvre marquée (ou hypothermie) et parfois des douleurs abdominales, diarrhée, nausées, vomissements, un collapsus, choc…
Le diagnostic sera authentifié par la détection des bactéries à l’examen direct et/ou en culture des PSL transfusés, parfois aussi retrouvées sur les hémocultures prélevées chez le patient après la transfusion.
Après l’arrêt de la transfusion, la conduite à tenir sera adaptée aux signes du patient (remplissage, antibiothérapie, réanimation…). L’application de la procédure de l’ES relative à un effet indésirable « présumé bactérien », est cruciale afin de prévenir d’emblée l’EFS (blocage de tous les autres PSL incriminés) et de détecter et d’identifier au plus vite l’agent infectieux.
Les IBTT ont régulièrement diminué en France grâce notamment aux mesures suivantes :
Tous les virus présents dans le sang d’un donneur, qu’ils soient libres dans le plasma ou intra-leucocytaires, sont théoriquement transmissibles par transfusion. Le risque transfusionnel est cependant très variable, selon notamment la durée de la virémie chez le donneur et le statut immun du receveur.
Le risque de transmettre le virus de l’hépatite B par transfusion correspond au risque de ne pas avoir détecté le virus chez un donneur de sang, notamment en période muette d’un donneur asymptomatique. Le risque résiduel est de l’ordre de 1/2.5 millions de dons (fenêtre silencieuse de 38j pour l’Ag Hbs, réduite à 22j avec le DGV en minipool de 8) (36).
Les signes cliniques sont ceux de l’hépatite B (hépatite aiguë ou fulminante ou chronique).
La prévention est assurée par la recherche sur chaque don de sang des Ag Hbs (depuis 1971), des Ac anti Hbc (depuis 1988) et le dépistage génomique viral depuis 2010, ainsi que la vaccination contre le virus de l’hépatite B.
Le risque de transmettre le virus de l’hépatite C par transfusion correspond au risque de ne pas avoir détecté le virus chez un donneur de sang, notamment en période muette d’un donneur asymptomatique. Le risque résiduel est de l’ordre de 1/10 millions de dons (fenêtre silencieuse de 10 jours avec le dépistage génomique viral) (36).
Les signes cliniques sont ceux de l’hépatite C, incluant les formes asymptomatiques, pauci-symptomatiques (asthénie) et les formes chroniques.
La prévention est assurée par la recherche sur chaque don de sang des Ac anti-VHC (depuis 1990) et le dépistage génomique viral depuis 2001.
Le risque de transmettre le VIH par transfusion correspond au risque de ne pas avoir détecté le virus chez un donneur de sang, notamment en période muette d’un donneur asymptomatique. Le risque résiduel est de l’ordre de 1/2.75 millions de dons (fenêtre silencieuse 12 jours avec le dépistage génomique viral) (36).
Les signes cliniques sont ceux de l’infection par le VIH (primo-infection, immunodépression, infections opportunistes, pathologies tumorales, SIDA…).
La prévention est assurée par la recherche sur chaque don de sang des Ac anti-VIH 1 et 2 (depuis 1985) et le dépistage génomique viral depuis 2001, complétée de l’exclusion des donneurs à risque (interrogatoire).
Le virus HTLV est un virus intralymphocytaire, endémique aux Caraïbes, en Amérique du Sud, en Afrique Noire et au Sud-Est du Japon (prévalence aux Antilles d’1 à 2 %). Le risque de transmettre le HTLV par transfusion correspond au risque de ne pas avoir détecté le virus chez un donneur de sang, notamment en période muette d’un donneur asymptomatique. Le risque résiduel est de l’ordre de 1/20 millions de dons (36).
Les signes cliniques sont ceux de l’infection par le HTLV (virus pathogène et oncogène, à l’origine de leucémies à lymphocytes T, lymphomes à cellules T, paraparésies spasmodiques tropicales, leucémies à tricholeucocytes…).
La déleucocytation des PSL a réduit le risque de transmission des virus intraleucocytaires, dont le HTLV. Elle est aussi assurée par la recherche sur chaque don de sang des Ac anti-HTLV I et II, obligatoire sur tout le territoire français (HTLV III connu depuis 2005, détecté par les tests actuels).
Elle est provoquée par la transfusion à un receveur non immunisé, notamment immuno-déprimé, d’un PSL provenant d’un donneur exposé au CMV (80 % des adultes de plus de 40 ans exposés au CMV, porteurs d’Ac anti-CMV et de CMV intraleucocytaire).
Les signes cliniques sont ceux de l’infection par le CMV, après incubation 2 à 6 semaines (formes graves chez le patient immunodéprimé).
La déleucocytation des PSL a réduit le risque de transmission des virus intraleucocytaires, dont le CMV. De plus, des PSL « CMV négatif », issus de donneurs chez qui la recherche d’Ac anti-CMV est négative lors du don, sont réservés aux patients immuno-déprimés (cf 4.2.3.). Il est important de respecter les indications des CGR et CP « CMV négatif », produits rares, en raison de la prévalence élevée du CMV dans la population générale et chez les donneurs de sang.
Elle est provoquée par la transfusion d’un PSL provenant d’un donneur exposé à l’Ebstein-Barr virus (EBV) à un receveur non immunisé (80 % des adultes porteurs d’Ac anti-EBV et de l’EBV).
Les signes cliniques comportent fièvre, asthénie, hépatosplénomégalie… (formes graves chez le patient immunodéprimé).
La prévention repose sur l’exclusion des donneurs pendant les 2 ans qui suivent une mononucléose infectieuse et sur la déleucocytation de tous les PSL.
Elle est provoquée par la transfusion d’un PSL provenant d’un donneur exposé au parvovirus (1/3 de la population infecté pendant la scolarité, virémie parfois prolongée, prévalence évaluée à 1/1000 à 1/6000 dons, par PCR). Le parvovirus B19 est virus à ADN, non enveloppé, résistant aux processus de viro-atténuation (non actifs sur les virus nus).
L’infection peut être asymptomatique ou provoquer un mégalérythème, des arthralgies ou une anémie par érythroblastopénie.
Aucune prévention n’est actuellement instaurée. Elle reposerait notamment sur la transfusion de PSL sélectionnés (issus de donneurs non porteurs du virus) aux receveurs à risque (femmes enceintes, patients immuno-déprimés).
Elle est provoquée par la transfusion d’un PSL provenant d’un donneur porteur du virus de l’hépatite E (VHE). Le risque, mal connu, différent d’une région à l’autre en France, est évalué à 2.9/10 000 dons en 2012-2013 (9).
Les signes cliniques sont ceux de l’hépatite E, incluant des formes asymptomatiques, mais aussi aiguës, graves, fulminantes ou chroniques chez le patient immuno-déprimé.
La seule mesure de précaution en vigueur concerne le PFC-SD, préparé après recherche du génome du VHE sur les plasmas entrant dans sa composition depuis janvier 2013, tandis que la recherche du VHE n’est pas un test de la QBD réalisé sur chaque don du sang.
En conséquence, en cas d’indication à transfuser du plasma, il est recommandé d’administrer du PFC-SD chez les patients :
D’autres infections virales peuvent être transmises par transfusion, notamment en période de virémie asymptomatique chez le donneur. C’est le cas des virus suivants:
- Virus de l’hépatite A
- Virus de l’hépatite G
- Transfusion transmitted virus (TTV)
- Virus du Chikungunya
- West Nile Virus
En cas d’infection virale observée après transfusion, elle doit être signalée en Hémovigilance afin qu’une recherche soit engagée chez les donneurs des PSL incriminés (enquête « ascendante » de l’EFS), y compris afin d’établir le mode de contamination du receveur, et de rechercher et prévenir d’éventuelles autres contaminations.
Le paludisme post-transfusionnel est rare et est secondaire à la transfusion d’un PSL issu d’un donneur porteur de plasmodii, capable de survivre 3 semaines à 4°C (Plasmodium falciparum dans 70% des cas).
Les signes sont ceux du paludisme, après incubation de 10 à 20 jours (fièvre, céphalées, nausées, vomissements, voire hémolyse aiguë…).
La prévention repose sur les mesures appliquées chez tout donneur après séjour en zone endémique (exclusion du don pendant les 4 mois qui suivent le retour, et en cas de sérologie positive entre 4 mois et 3 ans après le retour, en l’absence de tout accès palustre). Le respect des traitements prophylactiques chez tous les voyageurs concernés constitue aussi un moyen de prévention.
D’autres parasitoses peuvent être transmises par transfusion:
- Trypanosomiase ou maladie de Chagas (depuis juin 2007, a été instauré un dépistage sérologique chez les donneurs à risque, notamment liés aux zones d’endémie (Amérique centrale ou du sud))
- Leishmaniose
- Filariose
- Toxoplasmose
Elle est secondaire à la transfusion d’un PSL provenant d’un donneur, asymptomatique, porteur de l’agent de la nv MCJ (prion pathogène), présent dans les cellules mononuclées du sang et des organes lymphoïdes. Ainsi, 3 cas post-transfusionnels sont rapportés au Royaume Uni (patients décédés de la nvMCJ, quelques années après avoir reçu un PSL, issu d’un donneur chez qui le diagnostic a été porté après leur don de sang) (37).
En l’absence de test spécifique applicable lors du don du sang, la prévention repose sur des mesures théoriques :
- Exclusion des donneurs à risque potentiel (antécédents de neurochirurgie…) depuis 1993
- Exclusion des donneurs transfusés
- Déleucocytation des PSL (d’efficacité non prouvée)
- Exclusion des donneurs ayant séjourné 1 an ou plus dans les îles britanniques entre 1980 et 1996 (y compris en séjours cumulés)
Compte-tenu de la nature des PSL (produits biologiques et labiles), d’autres agents, connus ou encore inconnus, peuvent être transmis par transfusion.
La sécurité transfusionnelle et la prévention des complications infectieuses de la transfusion reposent sur:
- La sélection clinique des donneurs de sang et les tests de qualification effectués sur chaque don du sang,
- Les méthodes de réduction virale appliquées lors de la production des PSL (déleucocytation, viro-atténuation du plasma…),
- Le respect des indications transfusionnelles par le prescripteur, afin d’éviter toute transfusion inutile et afin d’apporter au patient les produits qui lui sont adaptés.
Hors dépistage systématique ou ciblé, la prévention des complications infectieuses de la transfusion repose sur l’éviction des donneurs ayant signalé un facteur de risque à l’interrogatoire.
La RFNH peut survenir lors de la transfusion de tout PSL, notamment cellulaire, mais reste incomplètement élucidée. Sont suspectées la destruction des lymphocytes du PSL, la présence de résidus leuco-plaquettaires et la libération de substances pyrogènes, de cytokines et de « médiateurs de la réponse biologique » (MRB), notamment libérés au cours de la conservation des concentrés de plaquettes (34). C’est la complication transfusionnelle la plus fréquente après l’immunisation (61/100 000 PSL, 29% des EIR d'imputabilité possible à certaine) (29) (38).
Le diagnostic de réaction fébrile non hémolytique ne peut être porté qu’après avoir écarté une origine immunologique ou bactérienne. C’est un diagnostic d’élimination et rétrospectif.
Les signes ne sont pas spécifiques et comportent, pendant ou après la fin de la transfusion, sensation de froid, frissons, pâleur, tachycardie, parfois hypotension et le plus souvent fièvre.
La survenue des symptômes ci-dessus conduit à pratiquer les tests suivants : NFS plaquettes, bilirubine libre, haptoglobine, RAI, Coombs direct, recherche d’Ac anti-HLA, hémocultures chez le patient et tests bactériologiques des PSL transfusés. Ils aideront au diagnostic différentiel en écartant une origine immunologique ou bactérienne s’ils sont négatifs.
L’évolution est spontanément favorable en quelques heures. Un traitement symptomatique peut être prescrit en cas de signes marqués.
La déleucocytation des PSL a permis de réduire leur survenue.
Au fur et à mesure de la conservation des CGR, sont constatées plusieurs altérations qualitatives et quantitatives, dont la baisse de la 2,3-diphosphoglycerate, de l’adénosine tri-phosphate, du pH et de la plasticité des hématies, et l’augmentation des taux de potassium, de phosphates et d’azote et de l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2. En conséquence, en cas de transfusion massive, plus les CGR sont « âgés », plus les risques d’acidose et d’hyperkaliémie sont importants, tandis que les capacités d’oxygénation tissulaire risquent d’être diminuées. Les complications métaboliques sont aussi redoutées en cas de transfusion d’un patient fragile (nouveau-né, patient avec insuffisance rénale), chez qui l’apport de métabolites peut avoir les mêmes conséquences.
Le Syndrome de transfusion massive comporte une hypocalcémie, un déséquilibre acido-basique, une hyperkaliémie, des troubles de l’hémostase et une hypothermie.
L’application de procédures de transfusion massive (critères de déclenchement, séquence des différents PSL, médicaments associés, surveillance biologique) permet d’éviter la plupart des syndromes de transfusion massive (se reporter aux modalités de l’ES, souvent mises en place par les anesthésistes-réanimateurs).
Elle est la conséquence de la chélation du calcium par le citrate, anticoagulant contenu dans le PSL (hypocalcémie souvent associée à une hypomagnésémie).
Après les signes d’alerte (paresthésies, fourmillements, crampes, sensation de malaise), l’hypocalcémie provoque des effets cardio-vasculaires (hypotension, allongement du QT, troubles du rythme).
Le risque d’hypocalcémie est devenu négligeable, en raison de la très faible quantité de citrate dans les CGR. Il persiste cependant en cas de transfusion de plasma. La surveillance du calcium ionisé est recommandée chez l’insuffisant hépatique (greffe hépatique), ainsi que l’administration de sel de calcium en cas de transfusion massive et d’hypocalcémie avérée (sur voie intraveineuse différente de celle des PSL) (39).
Il est caractérisé par une acidose secondaire à la transfusion de PSL à pH abaissé, puis par une alcalose secondaire.
Le risque d’hyperkaliémie implique de surveiller la kaliémie en cas de transfusion massive, notamment chez les patients insuffisants rénaux et les nouveaux nés. Il est d’autant plus important que le PSL est âgé (transfert du potassium intra-corpusculaire vers le secteur extra-corpusculaire).
Ils ont consécutifs à la dilution induite par les transfusions, souvent précédées de l’administration de solutés qui conduisent notamment à une baisse du fibrinogène, des plaquettes et des facteurs de coagulation et majorent le risque hémorragique.
Ils sont corrigés par les transfusions plaquettaires et de plasma précoces, l’administration de fibrinogène.
L’administration rapide de plusieurs CGR non réchauffés peut provoquer ou majorer une hypothermie et des troubles d’hémostase latents.
Elle est prévenue par l’administration de CGR réchauffés à 37°C dès le début de toute transfusion en situation d’hémorragie aiguë (sur accélérateur-réchauffeur). Le plasma, déjà porté à 37°C par la décongélation, et les concentrés de plaquettes, conservés entre 20 et 24°C, ne doivent pas être réchauffés avant administration.
Dans la mesure où chaque CGR contient 200 à 250 mg de fer, les transfusions érythrocytaires répétées induisent, hors contexte hémorragique, une hémosidérose, considérée établie chez un patient qui présente une ferritinémie supérieure à 1000ng/ml après la transfusion de 20 CGR, hors contexte inflammatoire (« hémosidérose post transfusionnelle »). L’hémosidérose est une complication transfusionnelle souvent ignorée, bien qu’elle soit l’une des plus graves (15).
Ce sont ceux de l’hémochromatose (cardiopathie, hépatopathie, insuffisance endocrinienne…), associés à une ferritinémie supérieure à 1000ng/ml (hors contexte inflammatoire).
Elle peut être assurée par l’administration de chélateurs ferriques, dorénavant disponibles sous forme orale, chez les patients nécessitant des transfusions répétées (hémopathie, thalassémie, myélodysplasie…).
Les complications de surcharge surviennent principalement chez les patients à risque (enfants, patients âgés, patients avec cardiopathie, insuffisance pulmonaire, insuffisance rénale, anémie profonde …), pendant ou après une transfusion, notamment en cas d’administration rapide d’un ou de plusieurs PSL, a fortiori si elle est associée à d’autres solutés. Elle peut survenir lors de l’administration de tout PSL, mais est plus fréquente avec les CGR (41).
En France, elle constitue la première cause de mortalité par transfusion en 2011 et en 2012, même si son incidence, calculée sur les déclarations à l’Ansm est vraisemblablement sous-évaluée (8/100 000 PSL, d’imputabilité possible à certaine) (29) (42).
Les signes cliniques peuvent être limités à une hypertension artérielle (réaction hypertensive post-transfusionnelle) ou comporter les signes d’un œdème pulmonaire de surcharge (dyspnée, toux, cyanose, turgescence des jugulaires, désaturation en O2, augmentation de la BNP…).
Sa survenue implique l’arrêt immédiat de la transfusion et le traitement de la surcharge selon les signes présentés et le contexte clinique du patient (O2, dérivés nitrés, diurétiques …).
La prévention relève directement du prescripteur:
Son origine n’est que partiellement connue et peut survenir lors de la transfusion de tout PSL. Sont suspectés le rôle de la bradykinine et des cytokines apportés par le PSL (notamment chez les patients traités par inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine) et une vasodilatation réflexe déclenchée par la transfusion, notamment de CGR (44). Elle peut constituer une EIR grave, nécessitant une réanimation.
Les signes comportent une baisse de la pression artérielle (d’au minimum 30mmHg de la valeur pré-transfusionnelle), survenant en cours de transfusion, voire au cours des 2 heures qui suivent la fin de la transfusion, parfois associée à d’autres signes (tachycardie, dyspnée, sueurs, angoisse, nausées, vomissements…), voire un choc.
Elle comporte l’arrêt transfusion et un traitement adapté aux symptômes présentés par le patient (remplissage, traitement symptomatique, réanimation…).
Outre la part d’hémolyse liée au stockage des CGR, une hémolyse peut être provoquée par un traumatisme direct, un défaut de conservation du CGR (inférieure à 2°C), ou par administration concomitante de solutés hypotoniques sur la même voie.
Le respect des bonnes pratiques transfusionnelles permet d’éviter cette complication (conservation des CGR entre 2 et 6°C, administration sur voie exclusive, sans soluté en dérivation).
Elle est exceptionnelle, mais constitue un risque gravissime, favorisé par une erreur de préparation de la tubulure et l’utilisation des accélérateurs de transfusion.
La migration d’un caillot de fibrine constitué dans la poche est prévenue par la présence d’anti-coagulant dans le conditionnement des PSL et l’utilisation de tubulures à filtre lors de l’administration de tout PSL (CGR, CP, PFC).
Elle est devenue rare et doit être prévenue par les précautions requises lors de la pose d’une voie veineuse.
La disponibilité des PSL est réglementée par des bonnes pratiques et procédures, y compris en situation d’urgence, qui peuvent conduire à un retard d’obtention de PSL en cas dysfonctionnement sur la chaîne transfusionnelle (défaut de communication entre prescripteur et EFS ou dépôt, défaut d’acheminement…).
Les risques sont variables et difficiles à évaluer mais peuvent induire des complications graves (ischémie myocardique, accident vasculaire cérébral ischémique…, voire décès par hémorragie), y compris en contexte obstétrical.
La prévention requiert la surveillance rapprochée du patient (surveillance clinique, paramètres…), complétée de mesures au chevet du patient (SpO2, Hb…) ainsi que la maîtrise des procédures transfusionnelles de l’ES afin de disposer de PSL à temps (prescription en urgence vitale, recours éventuel aux PSL d’un dépôt…).
Item n°325. Transfusion sanguine et produits dérivés du sang : indications, complications. Hémovigilance