Objectifs pédagogiques
Une bonne compréhension des mécanismes physiopathologiques permet de mieux maîtriser les définitions et principes de prise en charge des états infectieux graves : sepsis, sepsis sévere et choc septique.
Schématiquement, lors d’une infection par un pathogène (bactérie, virus, parasite ou champignon/levure), en fonction de facteurs liés au pathogène (foyer, inoculum, facteurs de virulence) et de facteurs liés à l’hôte (âge, sexe, prédisposition génétique, immunodépression acquise ou traitements immunosuppresseurs, pathologies et/ou lésions associées), l’hôte ne parvient pas à circonscrire le foyer, éliminer le pathogène et réparer les lésions par une réponse immune innée adaptée. La réponse immune innée est alors excessive et extensive, dépassant le foyer infectieux en une réponse « systémique » délétère qui peut entraîner des défaillances d’organes voire évoluer jusqu’`au décès.
Les barrières naturelles (épithéliums de la peau et des muqueuses) constituent la première protection immune innée contre l’infection. A l’occasion de ruptures iatrogènes des barrières (gestes invasifs, traumatismes, brûlures, et autres lésions…) ou par l’action de facteurs de virulence d’un pathogène, celui-çi infecte l’hôte. Les cellules participant à l’immunité innée (épithéliales, endothéliales, monocytes, macrophages, neutrophiles, cellules NK, cellules dendritiques) sont alors capables de reconnaître le pathogène. Ce sont des ligands ou « Motifs Moléculaires de Reconnaissance » du pathogène (lipopolysaccharide des bactéries Gram négatif, acide lipotéichoïque des bactéries Gram positif, flagelle…) qui sont reconnus par les cellules de l’immunité innée via des « Récepteurs des Motifs Moléculaires » (Toll-Like Récepteurs ou TLRs, NODs-like recepteurs ou NLRs). Ces récepteurs activent des voies de signalisation intracellulaires et la translocation de facteurs de transcription (NfkB, par exemple) qui entraînent la synthèse de médiateurs (cytokines, chémokines…) de la réponse immune innée contre le pathogène.
Les nombreux médiateurs inflammatoires synthétisés en réponse au pathogène entraînent : recrutement et activation de cellules phagocytes, activation du complément, réponses pro-coagulante/anti-fibrinolytique, et parfois nécrose des cellules infectés ou endommagées. Ces effets ont pour but de permettre aux cellules immunes activées d’atteindre le foyer, de le limiter, d’éliminer le pathogène et réparer les lésions. De manière concomitante, les réponses : anti-inflammatoire, anti-coagulante/pro-fibrinolytique, et apoptose des cellules innées activées, permettent un équilibre puis un retour à la normale de la réponse immune innée. Le système nerveux central et périphérique intervient dans la modulation neuroendocrinienne des réponses inflammatoire et anti-inflammatoires via les axes hypothalamo-hypophysaire/corticotrope et via le nerf vague et la réflèxe acetylcholinergique.
En fonction de facteurs du pathogène et de l’hôte, les réponses immunes innées deviennent délétères car excessives et extensives (« systémiques » et « décompartimentalisées ») : les médiateurs inflammatoires sécrétés en masse se déversent dans la circulation, activent les cellules innées circulantes qui à leur tour sécrètent plus de médiateurs en cercle vicieux jusqu’à un véritable « orage cytokinique ». De même l’activation du complément et de la coagulation sont intenses et se propagent jusqu’à constituer une véritable coagulopathie du sepsis. De plus, inflammation et coagulation s’activent mutuellement en cercles vicieux surajoutés. En parallèle, la réponse anti-inflammatoire et l’apoptose dépassent leur rôle de maintien de l’homéostasie et entraînent une immunodépression avec une susceptibilité accrue aux infections nosocomiales.
Les médiateurs inflammatoires entraînent une vasoplégie et donc une hypovolémie relative par vasodilatation surtout du système veineux capacitatif, véritable réservoir volémique de l’organisme. Les médiateurs entraînent aussi une hyperperméabilité capillaire et donc une fuite plasmatique vers le secteur interstitiel responsable de degrés variables d’hypovolémie vraie. Cette hypovolémie mixte est responsable d’une diminution du retour veineux vers le cœur.
Initialement le débit cardiaque est maintenu par des phénomènes de compensation précoces : tachycardie réflèxe et redistribution des perfusions régionales afin de préserver la perfusion du cœur et du cerveau par vasoconstriction d’abord cutanée (marbrures, pâleur, froideur, temps de recoloration cutanée allongée) puis rénale (oligo-anurie) notamment.
Lorsque ces mécanismes de compensation sont dépassés, et/ou lorsque s’ajoute parfois à la vasoplégie une défaillance cardiaque septique, le débit cardiaque diminue.
Le premier mécanisme responsable de défaillance microcirculatoire, c’est à dire des circulations capillaires régionales des organes, est la diminution du débit cardiaque décrite ci-dessus. Les organes ont une certaine capacité à maintenir leur perfusion, malgré un débit cardiaque diminuant, en vascoconstrictant les artérioles et capillaires, mais ce mécanisme est dépassé lorsque la pression artérielle moyenne diminue en dessous de 65-70 mmHg en fonction des organes.
S’ajoutent des troubles de perfusion microcirculatoires liées à la macrocirculation, des troubles de perfusion microciculatoires liées à:
a) l’œdème intersitiel du à la fuite capillaire;
b) des microthrombii qui résultent de la coagulopathie du sepsis;
c) une défaillance septique des fonctions endothéliales des microvaissaux des organes.
Ces défaillances macro et microcirculatoires entraînent une diminution de l’apport (ou « délivrance ») de l’oxygène aux cellules des tissus des organes. De plus, le sepsis est caractérisé par une demande en oxygène de l’organisme accrue (tachycardie, hyperthermie…). Le résultat final est une inadéquation entre l’apport en oxygène et les besoins des cellules. En fonction des tissus, les cellules sont d’abord capables d’augmenter l’extraction en oxygène, mais lorsque ce mécanisme est dépassé s’installe une hypoxie tissulaire/cellulaire. En hypoxie cellulaire, la chaîne respiratoire mitochondriale ne peut fonctionner et produire l’ATP nécessaire à la fonction/vie cellulaire, le cycle de Krebs est bloqué, et la glycolyse est déviée en amont vers la glycolyse anaérobie qui aboutit à la formation de lactate et une quantité insuffisante d’ATP. Cet état se traduit par une acidose métabolique et une hyperlactatémie. A cette hypoxie peut s’associer un véritable trouble d’utilisation cellulaire de l’oxygène par dysfonction mitochondriale.
L’ensemble des désordres décrits ci-dessus, et surtout la dysoxie cellulaire, entrainent les dysfonctions/défaillances d’organes. Ces dysfonctions et défaillances d’organes sont initialement réversibles en rétablissant précocement l’adéquation entre besoins et apports en oxygène aux tissus par les manœuvres initiales de réanimation. Lorsque la prise en charge est retardée ou inadaptée, et parfois inéluctablement quelle que soit la prise en charge, les défaillances évoluent vers le syndrome de défaillance multiviscérale nécessitant réanimation spécialisée et aboutissant parfois au décès.
Il faut comprendre qu’il existe une continuité entre l’infection locale avec réponse adaptée et tous les degrés de réponses inadaptées de l’hôte jusqu’au choc septique. Des définitions scindent ce continuum en entités schématiques séparées : le sepsis, le sepsis sévère, et le choc septique. Ces définitions sont très schématiques mais restent néanmoins utiles à la prise en charge.
Association de plusieurs signes peu spécifiques pouvant traduire une réponse immune innée généralisée aiguë à l’infection (mais aussi au traumatisme, à l’hémorragie, à la chirurgie, à une pancréatite…)
Au moins deux des signes suivants :
- température corporelle > 38 °C ou < 36 °C ;
- rythme cardiaque > 90 battements/min ;
- rythme respiratoire > 20/min ou hyperventilation se traduisant par une PaCO2 < 32 mm Hg (< 4,3 kPa) en air ambiant ;
- leucocytes > 12 000/mm3 ou < 4 000/mm3 ou > 10 % de cellules immatures (en l’absence d’autres causes connues)
Association du SRIS ci-dessus avec une infection cliniquement suspectée ou microbiologiquement documentée
Le sepsis sévère associe un sepsis avec au moins une défaillance d’organe ou signe d’hypoperfusion tissulaire|
Le choc septique associe un sepsis avec une hypotension réfractaire au remplissage
La suspicion clinique d’infection suffit au diagnostic et impose:
- La recherche soigneuse de d’éléments anamnestiques évocateurs et de signes cliniques de foyer infectieux notamment un foyer infectieux qui est accessible à une exérèse/drainage/ablation interventionnels ou radiologiques. A savoir que les foyers les plus fréquemment responsables sont pulmonaires et intra-abdominaux suivi d’urinaire.
Recherche minimale de signes d’infection (en dehors de signes de SRIS)
En l’absence de signes cliniques d’infection, recherche de terrain favorisant
- Un bilan infectieux minimal indispensable ne retardant pas la prise en charge et des examens orientés par les signes cliniques à la recherche d’un foyer éradicable (par exemple un scanner abdominal à la recherche d’une péritonite en cas de signes d’appel digestifs…) (tableau 3). Le bilan microbiologique minimal permet par la suite l’adaptation et la décrémentation de l’antibiothérapie en fonction des résultats.
Prélèvements microbiologiques avant antibiothérapie mais sans la retarder
Au moins 2 séries d’hémocultures (aero/anaerobies) sur veine périphérique
Bandelette urinaire avec recherche de leucoytes et nitrites (±ECBU si positive)
(Aspiration endotrachéale si intubation)|
Imagerie
Radiographie de thorax de face
Imagerie tomodensitométrique (abdominopelvienne+++) orientées par la clinique
- De garder à l’esprit que d’autres pathologies non-septiques peuvent entraîner des réactions inflammatoires systémiques intenses, rarement mais parfois jusqu’au choc, et sont autant de diagnostics différentiels (tableau 14). Toutefois, en l’absence de signes orientant vers ces pathologies, la suspicion de sepsis sévère ou choc septique doit primer.
Tableau 1 : Causes non-infectieuses de réponses inflammatoires systémiques
Lésionelles | Chirurgies/traumatismes |
Thromboses/embolies/ischémies (Infarctus du myocarde, embolie pulmonaire) | |
Pancréatite | |
Hémorragie méningée | |
Rejet de greffe | |
Endocriniennes | Crise hyperthyroïdienne |
Insuffisance surrénale aiguë | |
Inflammatoires | Maladie de Still adulte |
Poussée de lupus érythémateux (aigu) disséminé | |
Syndrome catastrophique des antiphopholipides | |
Microangiopathes thrombotiques | |
purpura thromobopénique thrombocytopathique (PTT) | |
syndrôme hémolytique urémique (SHU) | |
Iatrogènes | Le syndrome d'hypersensibilité médicamenteuse |
érythrodermies | |
Réaction à un produit dérivé du sang | |
Administration de cytokines et biothérapies | |
Syndrome malin des neuroleptiques | |
Hyperthermie maligne (halogénés, succinylcholine,…) | |
Syndromes de sevrage | |
Néoplasies | Cancers solides |
Lymphomes | |
Syndrome de lyse tumorale |
L’utilisation de biomarqueurs tels que la C-réactive protéine (CRP) ou la procalcitonine (PCT) peut être utile au diagnostic. Toutes deux ont une bonne valeur prédictive négative. Donc, des valeurs en dessous des seuils de négativité peuvent être utiles afin d’écarter le diagnostic d’infection à condition d’avoir 2 prélèvements successifs en dessous des seuils de négativité avec un intervalle de temps suffisant. Des valeurs positives et/ou élevées ne posent pas le diagnostic d’infection car toute inflammation peut-être en cause. Donc des valeurs élevées de ces biomarqueurs imposent de ne pas écarter le diagnostic d’infection sans pour autant affirmer le diagnostic.
Dans la définition de choc septique, on ne prend pas en compte l’éventuelle défaillance d’organe liée à une atteinte infectieuse directe de l’organe (ainsi, une défaillance respiratoire liée à un foyer de pneumonie n’est pas une signe de choc septique mais un signe de gravité de la pneumonie, de même les troubles de conscience dans le cadre d’une méningo-encéphalite etc…).
En revanche, le concept de défaillance d’organe s’entend au sens large (tableau 2), ainsi, la défaillance cardiocirculatoire comprend l’hypotension, et les troubles liées à la coagulopathie du sepsis font partie de la défaillance de l’endothélium en tant qu’organe.
Il faut insister sur la nécessité impérative de savoir reconnaître les défaillances les plus précoces (dont certaines sont en fait des signes de compensation) : tachycardie, polypnée, marbrures (figure 1)/pâleur/temps de recoloration cutanée allongé, et oligurie.
Tableau 2 : Signes cliniques et biologiques de défaillance d’organe
Organes | Signes cliniques | Bilan |
---|---|---|
Cerveau | Comportement : angoisse, agitation, confusion | Pas d’examen spécifique |
Conscience : obnubilation voire coma | ||
Circulation | Tachycardie > 120 battements par minute | |
Hypotension | ||
systolique PAs < 90 mm Hg (ou diminution de plus de 40 mm Hg de la PAs de base) | ||
diastolique PAd < 40 mm Hg | ||
moyenne PAM (1/3PAs+2/3Pad) <65-70 mm Hg | ||
Cœur | Infarctus du myocarde | ECG, Echocardiographie, CPK, Troponine |
sidération myocardique | ||
troubles du rythme | ||
arrêt cardiaque | ||
Peau | Marbrures | |
Pâleur | ||
Extrémités froides et cyanosées | ||
Temps derecoloration cutanée > 3 sec. | ||
Poumons | Polypnée superficielle > 24/min | Gaz du sang artériel, Hypocapnie 32mmHg, PaO2<60mmHg, PaO2/FiO2<300 |
Tirage | ||
Hypoxémie (SpO2<92%) | ||
Arrêt respiratoire | ||
Métabolisme | Acidose métabolique | pH < 7,35;Lactatémie > 2mmol/l |
Polypnée d’acidose | Hypocapnie ≤ 32mmHg | |
Inadéquation besoins/apports O2 | Saturation veineuse centrale (SvcO2) < 70% | |
Insulinorésistance (en l’absence de diabète) | Hyperglycémie > 7,7 mmol/l | |
Reins | Oligurie < 0,5 ml/kg/h ou Anurie | élévation de la créatininémie de plus de 0,5 mg/dl (44 μmol/liter) |
Foie | Ictère | Bilirubinémie totale >4 mg/dl (68 μmol/l);ASAT,ALAT > 1,5 x N;Diminution des facteurs de la coagulation de plus de 30 %±hypoalbuminémie |
Encéphalopathie hépatique | ||
Saignements | ||
Œdèmes | ||
Tube digestif | Iléus voire abdomen aigu | |
± ischémie mésentérique | ||
Endothélium | Saignements diffus en nappe | plaquettes < 100 000/mm3;INR > 1,5;TCA > 60;TP < 50 %;Baisse des facteurs de plus de 30 % |
Purpura | ||
Ischémies des extrémités |
Figure 1 : Marbrures des membres inférieurs
La persistance de l’hypotension malgré des manœuvres initiales de remplissage vasculaire rapide en moins d’une heure (≥ 30 ml/kg chez l’adulte, ≥ 40 ml/kg chez l’enfant) au cours d’un sepsis grave, ou d’emblée chez un malade ayant des signes d’infection, définit le choc septique.
Alternativement, dans le contexte d’un sepsis sévère, une lactatémie > 4 mmol/l signe également une hypoperfusion tissulaire témoignant d’un état de choc.
Il convient également d’éliminer les étiologies non-septiques de choc (item N°138) sachant que d’autres chocs peuvent compliquer le choc septique (Par exemple, un infarctus du myocarde peut survenir au cours du choc septique, de même qu’une dysfonction cardiaque avec des caractéristiques de choc cardiogénique gauche et/ou droit etc…)
Il s’agit d’une urgence vitale nécessitant des conditions adéquates de prise en charge en lieu, en personnels qualifiés, et en moyens techniques de surveillance et de traitement. En préhospitalier cela nécessite l’appel du centre 15 et l’envoi d’une équipe mobile de SMUR/SAMU. En milieu hospitalier, il s’agit de faire appel aux intervenants spécialistes disponibles (Anesthésistes-Réanimateurs, Urgentistes, Réanimateurs) dès la suspicion de choc septique, et idéalement dès le stade de sepsis sévère.
La prise en charge se fait au mieux dans un lieu permettant une surveillance rapprochée : déchocage d’un service d’accueil et d’urgence, salle de surveillance post-interventionnelle d’un bloc opératoire, unité de soins intensifs ou service de réanimation. Le transfert et la prise en charge en réanimation sont obligatoires en l’absence d’évolution favorable en moins d’une heure. Une surveillance continue (« monitoring » des anglo-saxons) des fonctions vitales s’impose dès la suspicion, avec au minimum : pouls, scope, pression artérielle non-invasive, saturation pléthysmographique en oxygène (SpO2), et surveillance horaire de la diurèse à l’aide d’un collecteur d’urines voire par sondage urinaire.
Optimalement la mise en place d’un cathéter artériel permettra une meilleure surveillance continue des préssions artérielles et la réalisation simple de bilans répétés. De même la mise en place d’une voie veineuse centrale en territoire cave supérieur permettra a) la mesure de la pression veineuse centrale (PVC) b) l’administration de vasopresseurs si besoin et c) la mesure de la saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2) par réalisation de gaz du sang veineux prélvés sur la voie. Les évaluations diverses du débit cardiaque et les explorations fonctionnelles spécialisées de la microcirculation relèvent d’intervenants spécialisés en milieu spécialisé.
L’antibiothérapie doit être administrée dans l’heure, ou à défaut dans les 3 premières heures (la mortalité augmente de 10% par heure de délai entre hypotension et première administration d’antibiotiques).
Un seul cas de figure impose une administration immédiate d’antibiotiques, même par un médecin sur place en cabinet ou en visite avant l’arrivée du SAMU, ou en secteur d’hospitalisation avant l’arrivée d’un intervenant spécialiste : le purpura fulminans qui impose l’administration immédiate d’une céphalosporine de 3eme génération (C3G).
En dehors du milieu hospitalier, tout malade présentant des signes infectieux et à l'examen clinique, lorsqu'il a été totalement dénudé, un purpura comportant au moins un élément nécrotique ou ecchymotique de diamètre supérieur ou égal à 3 millimètres, doit immédiatement recevoir une première dose d'un traitement antibiotique approprié aux infections à méningocoques, administrée si possible par voie intraveineuse, sinon par voie intramusculaire, et ce quel que soit l'état hémodynamique du patient.Il est recommandé d'utiliser :
L’antibiothérapie du patient en choc septique est probabiliste, à large spectre, adaptée au pathogènes suspectés en fonction du foyer, du terrain, de l’épidémiologie, et du résultat d’éventuels examens directs réalisés sur les prélèvements microbiologiques. En fonction de ces éléments il s’agit d’une bithérapie associant une bêta-lactamine à large spectre et l’une des classes suivantes : macrolide, fluoroquinolone ou aminoside. Ceci impose une décrémentation antibiotique dès l’identification du pathogène puis lors de l’obtention de l’antibiogramme. L’antibiothérapie doit être administré par voie intraveineuse à des posologies et des rythmes d’administration tenant compte de la pharmacocinétique et pharmacodynamique des patients en choc septique. L’efficacité de l’antibiothérapie doit être suivie à 24 h, 48h, j3 et j5. En plus des critères cliniques, biologiques et microbiologiques de résolution de l’infection, le suivi de biomarqueurs tels que la procalcitonine peut permettre de raccourcir la durée de l’antibiothérapie.
La possibilité d’éradiquer un foyer infectieux accessible à une intervention ou un drainage chirurgical ou radiologique en urgence doit toujours être envisagée. L’antibiothérapie ne dispense pas de cette éradication du foyer, qui, lorsqu’elle est possible, doit être réalisée lorsque le patient est en cours de stabilisation.
Le remplissage est le premier traitement du choc septique au point de le définir (hypotension réfractaire au remplissage). Il est réalisé via une voie d’abord vasculaire périphérique de bon calibre (16 G minimum). Il consiste en l’administration en bolus répétés de cristalloïdes (Tableau 3) de 500 ml jusqu’à plus de 30 ml/kg au cours des 3 premières heures. Ce remplissage peut se poursuivre au cours des 6 premières heures dans le but d’atteindre certaines cibles hémodynamiques au cours du choc septique (tableau 4).
Tableau 3 : Solutés de remplissage au cours du choc septique
Cristalloïdes | NaCl 0,9% | Recommandé |
Ringer lactate | ||
Colloïdes | Albumines | A évaluer |
Gélatines modifiées | A évaluer | |
Hydroxyéthyamidons | Contre-indiqués |
Tableau 4 Cibles hémodynamiques à atteindre au cours du choc septique
Pression veineuse centrale (PVC) | 8–12 mmHg |
Pression artérielle moyenne (PAM) | ≥ 65mmHg |
Diurèse | ≥ 0,5 ml/kg/h |
Saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2) | ≥ 70 % |
Lactate | < 2 mmol/l |
En cas de non atteinte des cibles avec le remplissage seul, un traitement vasopresseur est institué plus en moins précocement en fonction de la profondeur de l’hypotension afin de traiter la vasoplégie du choc septique tout en poursuivant le remplissage avec les mêmes cibles hémodynamiques (tableau 2). Le vasopresseur de première intention au cours du choc septique est la noradrénaline par ses propriétés vasoconstrictrices notamment sur le lit veineux qui constitue un réservoir volémique. La noradrénaline se manie de préférence par un spécialiste dans un milieu de soins permettant une surveillance continue adapté. La noradrénaline nécessite la mise en place d’une voie veineuse centrale, et s’administre en perfusion intraveineuse continue (0,5-1 mg/h, initialement). Les autres vasopresseurs sont soit inadaptés (dopamine) ou d’indications spécialisées (vasopressine, terlipressine).
Les inotropes (dobutamine) ou inotropes/vasoconstricteurs (adrénaline) ont des indications restreintes et spécialisées au cours du choc septique sous contrôle du débit cardiaque (échocardiographie, intégration du signal pulsatile artériel, cathétérisme droit avec monitorage continu du débit ou Swan-Ganz) ou lorsque des indices d’adéquation entre apport et besoins tissulaires en oxygène (saturation veineuse centrale en oxygène : SvcO2 ≥ 70% et/ou lactatémie en baisse ou normalisée) ne sont pas atteints alors que les autres objectifs hémodynamiques sont atteints.
Le mécanisme majeur de défaillance d’organe étant un défaut d’apport en oxygène aux cellules, il faut au minimum administrer de l’oxygène au masque à haute concentration double ailettes 10-15 l/min, voire intuber et ventiler le patient même en dehors d’une défaillance respiratoire. De même, il faut corriger toute anémie en transfusant des culots globulaires pour maintenir une hémoglobinémie à 10 g/dl voire guider la transfusion sur la saturation veineuse centrale en oxygène (SvcO2) en milieu spécialisé.
En parallèle, on peut diminuer la consommation en oxygène, initialement avec des antalgiques et anxiolytiques, puis par la sédation chez un patient intubé/ventilé. La ventilation assistée du patient intubé diminue aussi le travail respiratoire. Il est impératif de maintenir une ventilation minute élevée pour continuer à compenser l’acidose lactique du choc septique sous peine d’une aggravation hémodynamique brutale en cas d’acidose décompensée par une ventilation insuffisante. Le choc septique étant une situation à risque de Syndrome de Détresse Respiratoire de l’Adulte (SDRA), lorsque la ventilation doit être instituée, elle doit se dérouler selon des modalités dites «protectrices» : faible volume courant (6-8 ml/kg de poids idéal théorique en fonction de la taille) et en titrant la pression expiratoire positive (PEP).
Les thérapeutiques adjuvantes du sepsis sont issues des connaissances physiopathologiques modernes et visent à corriger des dysfonctions complexes encore en cours d’investigation. Par conséquent, elles ne sont citées içi qu’à titre d’exemples.
L’instauration d’un contrôle de la glycémie par un protocole d’insuline en administration continue visant à maintenir la glycémie capillaire < 8,4 mmol/l corrigerait les troubles métaboliques septiques mais expose aux hypoglycémies.
L’épuration extrarénale notamment par hémodiafiltration veino-veineuse continue et dans l’avenir possiblement avec des membranes actives adsorbant les cytokines inflammatoires, vise à éliminer médiateurs et corriger l’acidose métabolique septique surtout en cas d’instabilité hémodynamique et à plus forte raison en cas de défaillance rénale.
L’administration d’albumine humaine concentrée, par ses effets antioxydants, immunomodulateurs, transporteur de protéines, oncotiques, pourrait avoir une place encore mal définie.
Les patients atteints de sepsis sévère sont à risque thromboembolique élevé et doivent donc faire l’objet d’un traitement prophylactique par administration sous-cutanée quotidienne d’une héparine à bas poids moléculaire sous-cutanée (HBPM) ou administration intraveineuse continue d’héparine non fractionnée (HNF) si la clairance de la créatinine est < 30 ml/min. En cas de situation hémorragique ou de contre-indication aux héparines, la compression pneumatique intermittente est recommandée. L’utilisation conjointe de prophylaxie médicamenteuse et de compression pneumatique intermittente est encore plus efficace lorsque possible.
Le choc septique expose à l’ulcère gastroduodénal dit « de stress ». Ces patients doivent donc recevoir en prophylaxie soit un antihistaminique anti-H2 ou un inhibiteur de pompe à protons.
Concernant la nutrition, elle doit être orale ou entérale dès que possible voire mixte parentérale/ entérale (parentérale totale uniquement en cas d’impossibilité de la voie entérale). Elle ne doit pas être hypercalorique avec augmentation calorique progressive en fonction de la tolérance.
http://www.survivingsepsis.org/SiteCollectionDocuments/Guidelines-French.pdf
Référentiel d'Anesthésie Réanimation