« Crise d'angoisse aigue » et « attaque de panique » désignent la même entité diagnostique. Nous utiliserons, dans ce chapitre l'expression « attaque de panique » (AP) employée dans les classifications internationales.
L'AP est un épisode aigu d'anxiété, bien délimité dans le temps. Il s'agit d'une situation fréquente en pratique clinique (ceci dans toutes les spécialités).
Il est important de comprendre que l'AP peut survenir chez un sujet en dehors de toute pathologie psychiatrique sous-jacente et demeurer unique. Elle peut également être secondaire à un trouble psychiatrique, particulièrement (mais non exclusivement) le trouble panique caractérisé par la répétition de ces AP.
L'AP est fréquente puisqu'on estime qu'une personne sur 20 fera une crise d'angoisse aigue au cours de sa vie (prévalence vie entière = 3 à 5%).
Il s'agit d'un tableau clinique fréquemment rencontré dans les services d'urgence, compte tenu des symptômes physiques qui peuvent faire évoquer une urgence médicale ou chirurgicale.
Le terrain le plus fréquent est l'adulte jeune avec une prédominance féminine (le sex-ratio est de deux femmes pour un homme).
Parmi les symptômes de l'AP, on distingue : des symptômes physiques, des symptômes psychiques et des symptômes comportementaux (cf. Tableau 1).
La chronologie de l'AP est marquée par :
Ces symptômes physiques sont très variables selon les patients. Les plus fréquents sont résumés ici.
Ce sont les plus courants. Il s'agit le plus souvent d'une dyspnée avec sensation d'étouffement et surtout de blocage respiratoire pouvant entrainer une hyperventilation.
Tachycardie et palpitations sont fréquemment rencontrées ainsi que les sensations d'oppression thoracique voire de véritables douleurs.
Sueurs, tremblements, pâleur ou au contraire érythème facial, sensations d'étourdissement ou de vertige peuvent survenir au cours des épisodes d'AP.
Il peut s'agir de douleurs abdominales, de nausées/vomissements ou de diarrhée.
Il peut s'agir de signes génito-urinaires (pollakiurie, etc.) ou neurologiques (tremblements, impression de paralysie, etc.).
Il s'agit d'un ensemble de « cognitions (pensées) catastrophistes » c'est-à-dire : une peur intense sans objet (sensation de catastrophe imminente) et une sensation de perte de contrôle.
Les pensées associées sont essentiellement centrées sur « la peur de mourir » et « la peur de devenir fou ».
Peuvent s'associer également :
Le comportement du patient lors de la survenue de cette AP est variable. On retrouve, le plus souvent une agitation psychomotrice. Cependant, on peut, au contraire, observer une inhibition, pouvant aller jusqu'à la sidération. Même si elle reste exceptionnelle, la principale complication est le passage à l'acte auto-agressif.
Tableau 1 : Sémiologie de l'attaque de panique
Symptômes physiques | Respiratoires Cardiovasculaires Neurovégétatifs Digestifs |
Symptômes psychiques | Cognitions catastrophistes (« peur de mourir », « peur de devenir fou ») |
Symptômes comportementaux | Agitation psychomotrice Sidération |
Le diagnostic de l'AP est un diagnostic clinique. L'interrogatoire de l'entourage peut être très informatif.
Critères DSM-IV R de l'attaque de panique
Une période bien délimitée de crainte ou de malaise intense, dans laquelle au minimum quatre des symptômes suivants sont survenus de façon brutale et ont atteint leur acmé en moins de dix minutes :
Ce qui change dans le DSM-5
Les critères principaux de l'AP n'ont pas subi de modifications majeures dans le DSM-5. Cependant, cette classification propose de différencier 2 types d'AP : « attendues » et « non attendues ». Les AP « inattendues » correspondent aux AP « non prévisibles » survenant sans facteur déclenchant et seraient donc plus spécifiques du trouble panique. Les AP « attendues » seraient quant à elles les AP plus prévisibles et réactionnelles (par exemple : exposition brutale au stimulus phobogène dans la phobie spécifique).
L'AP apparait également dans le DSM-5 comme spécificateur pour toutes les pathologies de la classification, puisqu'elle peut compliquer bon nombre d'entre elles.
Il s'agit essentiellement de pathologies médicales générales et toxiques qu'il faut impérativement éliminer avant de poser le diagnostic d'AP.
Compte tenu des symptômes physiques au premier plan dans l'AP, il faut éliminer une étiologie médicale non psychiatrique. Les principales pathologies à éliminer sont :
Ces pathologies doivent être recherchées au moyen d'un examen clinique complet, appareil par appareil, complété si besoin par des examens paracliniques orientés par l'examen physique. Cet examen clinique doit s'efforcer de ne pas renforcer le patient dans sa conviction d'avoir une pathologie médicale générale
La prise de toxiques (alcool, cannabis, cocaïne, ecstasy, etc.) doit être recherchée. Il s'agit ici plus d'un élément déclencheur particulier de l'AP que d'un véritable diagnostic différentiel, certaines substances pouvant générer de véritables AP.
Les causes iatrogènes doivent également être évoquées, certains traitements pouvant favoriser les AP en cas de surdosage (corticoïdes, hormones thyroïdiennes, etc.).
Un contexte de sevrage sera aussi recherché (alcool, benzodiazépines, etc.)
La physiopathologie de la crise d'angoisse aigue reste mal connue. Certaines manifestations physiques pourraient être liées à l'hypocapnie secondaire à l'hyperventilation (sensations vertigineuses, paresthésies, etc.)
Différents facteurs sont impliqués dans l'AP : des facteurs biologiques avec dysfonctionnement dans la régulation de certains neurotransmetteurs (certaines substances comme la cholécystokinine ou le lactate de sodium sont capables de provoquer de véritables AP), des facteurs psychologiques (auto-renforcement des cognitions catastrophistes par la survenue des symptômes physiques) et environnementaux (inquiétude de l'entourage renforçant les cognitions catastrophistes).
Un épisode d'AP peut demeurer unique. Il s'agit alors le plus souvent d'une AP réactionnelle à une situation de stress.
L'attaque de panique peut s'inscrire dans le cadre d'une pathologie psychiatrique.
Il se définit par :
L'AP peut également survenir dans le cadre d'autres pathologies psychiatriques :
Figure 1 : orientation devant une AP
Devant une AP, un certain nombre de mesures (pharmacologiques et non pharmacologiques) s'imposent. Outre ces mesures et dans le contexte de l'urgence, il faut aussi impérativement éliminer une urgence médicale générale ou une prise de toxique. Pour la prise en charge : cf. Tableau 2.
Les mesures de prise en charge non pharmacologiques sont primordiales :
Un traitement pharmacologique anxiolytique doit aussi être utilisé, notamment si la crise se prolonge.
Le traitement de référence est la prescription d'une benzodiazépine par voie orale (cf. Item 72).
Exemples :
La voie parentérale ne présente aucun avantage en terme de pharmacocinétique et peut, au contraire renforcer les cognitions catastrophistes du patient : la voie per os doit donc être privilégiée.
Il s'agit d'un traitement ponctuel pour la crise dans le contexte de l'urgence. Celui-ci ne doit pas être reconduit au long cours.
L'efficacité et la tolérance du traitement doivent être évaluées.
En règle générale, il n'y a pas d'indication à une prise en charge en hospitalisation pour une AP isolée.
Cependant, l'évaluation clinique rigoureuse doit permettre de repérer les comorbidités psychiatriques. Une hospitalisation pourra être envisagée en cas de comorbidités lourdes (épisode dépressif caractérisé d'intensité sévère par exemple), en particulier s'il existe un risque suicidaire important.
Tableau 2 : Prise en charge en urgence d'une AP
Eliminer une cause médicale générale ou toxique | |
Mesures non pharmacologiques | Mise en condition : isolement au calme Réassurance Contrôle respiratoire |
Mesures pharmacologiques | Traitement anxiolytique type benzodiazépine par voie orale. Par exemple : lorazepam 1 à 2 mg per os en une prise à renouveler si nécessaire |
Surveillance de l'efficacité et de la tolérance du traitement |
La prise en charge à distance de l'épisode aigu dépend du contexte dans lequel s'inscrit l'AP.
L'information et l'éducation thérapeutique sont fondamentales avec 2 objectifs :
La crise d'angoisse aigue peut s'inscrire dans le cadre d'une pathologie psychiatrique. Dans ce cas, la prise en charge de la pathologie psychiatrique sous-jacente est indispensable.
En cas de répétition des attaques de panique, une prise en charge spécifique du trouble panique doit être mise en place.
Références pour approfondir :