Item 58 - Connaître les facteurs de risque, prévention, dépistage des troubles psychiques de l'enfant à la personne âgée
Points clefs
Les facteurs de risques importants des troubles psychiatriques sont les facteurs de stress et la façon dont le sujet peut s’y ajuster
Il existe plusieurs types de facteurs de risque :
Certains facteurs de risque sont plus spécifiquement liés à l’âge de l’individu :
Période anténatale : troubles psychiatriques chez les parents, exposition à des agents pathogènes pendant la grossesse
Enfance et adolescence : retard psychomoteur, troubles psychiatriques parentaux, maltraitance, échec scolaire, consommation de toxiques
Adulte : stress professionnel, précarité, consommation de toxiques
Personne âgée : déclin cognitif, isolement social et familial (deuil), maltraitance, précarité
L’OMS définit trois types de prévention
La prévention primaire : en amont des troubles, elle vise à diminuer l’apparition de nouveau cas à l’échelle de la population générale. Elle concerne les actions de santé publique mais également les mesures socio-culturelles qui permettent l’amélioration de la qualité de vie et l’intégration de l’individu dans la société
La prévention secondaire : elle correspond au dépistage, à l’échelle individuelle, des troubles psychiatriques et à leur prise en charge précoce, mais également au dépistage des facteurs de risque de ces troubles et à la mise en place de mesures préventives. Elle est spécifique en fonction des différents âges de la vie.
La prévention tertiaire : diminue les rechutes et l’incapacité liées aux troubles psychiatriques. Elle passe par une meilleure réadaptation socio-professionnelle et une optimisation des traitements.
1 Introduction : « Pour comprendre »
1.1 Santé mentale et troubles psychiques
La santé mentale Cf. Item 1 est définie par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ». L'OMS rappelle par ailleurs quatre faits principaux :
La santé mentale fait partie intégrante de la santé; en effet, il n'y a pas de santé sans santé mentale.
La santé mentale est plus que l'absence de troubles mentaux.
La santé mentale est déterminée par des facteurs socioéconomiques, biologiques et environnementaux.
La santé mentale peut bénéficier de stratégies et d'interventions d'un bon rapport coût/efficacité pour la promouvoir, la protéger et la recouvrer.
Les troubles psychiatriques sont donc des troubles qui ne permettent pas à l'individu d'atteindre et/ou de se maintenir dans un état de bien-être Cf. Item 1.
De nombreux facteurs de risque ont été décrits pour les troubles psychiatriques. Les facteurs de risque sont définis en médecine comme tout attribut, caractéristique ou exposition d'un sujet qui augmente la probabilité de développer une maladie. Ainsi, les facteurs de risque augmentent statistiquement, et ce à l'échelle d'une population, la probabilité de développer une maladie. Les troubles psychiatriques étant multifactoriels, il est très difficile de connaitre l'importance de l'effet de ces facteurs de risque à l'échelle individuelle. Cependant, leur connaissance permet de développer des moyens de prévention et de dépistage à l'échelle individuelle et à une échelle plus large, par exemple dans les politiques de santé publique.
Nous évoquerons ainsi dans ce chapitre les facteurs de risque ainsi que les moyens de prévention et de dépistage des troubles psychiatriques.
1.2 Quelques données épidémiologiques
En France, presqu'un individu sur 5 souffre d'au moins un trouble psychiatrique, soit 12 millions de personnes.
Les pathologies relevant de la psychiatrie sont au 3e rang des maladies les plus fréquentes, après le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Elles sont bien souvent sources de handicap et altèrent la qualité de vie des individus ainsi que celle de leurs proches
Item 117.
Les troubles psychiatriques représentent la 1ère cause d'invalidité et sont associés à une mortalité élevée. Les répercussions socio-économiques qui en découlent en font un enjeu majeur de la santé publique.
1.3 Vulnérabilité, risque et prévention
La vulnérabilité se définit par une prédisposition particulière, génétique et/ou acquise, qui, si elle est présente, peut entrainer un épisode ou un trouble psychiatrique Item 59 chez l'individu confronté à des facteurs de stress socioéconomiques et environnementaux, psychologiques ou biologiques Item 1.
On parle plus souvent de « risque », même si ces deux notions sont différentes, le risque pouvant affecter tout le monde, sans notion de prédisposition.
Les concepts de risque et de vulnérabilité présentent trois intérêts :
L'identification des sujets vulnérables,
La compréhension des mécanismes physiopathologiques de vulnérabilité,
La possibilité de proposer des mesures préventives voire curatives pour les sujets « à risque ».
2 Les facteurs de risque des troubles psychiatriques
2.1 Les différents niveaux de risque
Les déterminants de la santé mentale (et donc des troubles mentaux) sont multiples et regroupent des facteurs :
Voici une liste non exhaustive des principaux facteurs de risque à rechercher :
2.2 Les spécificités selon les périodes de la vie
Certains facteurs de risque des troubles psychiatriques sont plus particulièrement liés à l'âge de l'individu.
Voici quelques un des facteurs pouvant spécifiquement fragiliser l'individu en fonction des grandes étapes du développement.
2.2.1 La période anténatale
Item 67 Item 53
Les principaux facteurs de risque liés à cette période du développement de l'individu sont :
Les troubles psychiatriques chez les parents avec le risque d'une grossesse mal suivie et des conduites à risque
Item 67,
L'exposition à certains agents infectieux pathogènes pouvant altérer le neurodéveloppement
Item 53.
2.2.2 L'enfance et l'adolescence
2.2.3 L'adulte
L'exposition au stress professionnel (mauvaises conditions de travail, surmenage, « burn-out », harcèlement),
Le chômage, licenciement avec pour corollaire le sentiment d'exclusion, la précarité
Item 57 ,
-
2.2.4 Le sujet âgé
Item 68
Déclin cognitif, maladie chronique, dépendance,
Isolement social et familial (deuil, veuvage),
Maltraitance, négligence,
Précarité, malnutrition.Précarité, malnutrition.
Pour en savoir plus : Neuroscience et recherche
Facteurs de risques : l'exemple de la schizophrénie
Les facteurs de risque environnementauxLes facteurs de risque environnementauxPlusieurs facteurs de risque environnementaux sont associés à une augmentation de la prévalence de la schizophrénie. Parmi ces facteurs, on retrouve des facteurs sociodémographiques : le sexe (être un homme augmente le risque de forme sévère), l'urbanicité, le statut migratoire, la saison de naissance (naitre en hiver, probablement en lien avec l'action de certains virus sur le neurodéveloppement), l'âge du père à la naissance (le risque est augmenté pour un âge plus élevé) et le statut socio-économique peu élevé… Des facteurs de stress psychologiques jouent également un rôle majeur : un stress maternel pendant la grossesse, la maltraitance infantile.
Les facteurs environnementaux sont également biologiques et peuvent intervenir de façon précoce (ex : infections, complications obstétricales) sur le développement de l'individu ou plus tard à l'âge adulte (ex: le cannabis).
Ces facteurs de risque environnementaux, pris séparément, ne sont ni nécessaires ni suffisants pour développer un trouble schizophrénique et ils s'intègrent dans des modèles de vulnérabilité intégratifs (bio-psycho-sociaux) Item 61 . Ces facteurs de risque environnementaux, pris séparément, ne sont ni nécessaires ni suffisants pour développer un trouble schizophrénique et ils s'intègrent dans des modèles de vulnérabilité intégratifs (bio-psycho-sociaux) Item 61.
Les études épidémiologiques ont mis en évidence une composante génétique de la schizophrénie. Il s'agit notamment de variants de gènes codant pour certaines protéines du neurodéveloppement cérébral et pour les systèmes de neuromédiateurs. En clinique, ce risque génétique est approché par la recherche d'antécédents familiaux.
Comme la plupart du temps, l'ensemble de la population générale est exposée à ces facteurs environnementaux et que seule une faible proportion de sujets vulnérables génétiquement va développer un trouble, en présence de certains facteurs, c'est l'interaction entre certains facteurs environnementaux et certains facteurs de vulnérabilité génétique qui va être responsable de la survenue du trouble. Par exemple, les apparentés de patients souffrants de schizophrénie, sont, de part leur vulnérabilité génétique, plus sensible aux facteurs environnementaux (ex: effets du cannabis) que les non apparentés.
3 Prévention et dépistage des troubles psychiatriques
3.1 Les différents types de prévention de l'OMS
Selon l'OMS en 1948 : « la prévention est l'ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ».
L'OMS distingue trois types de prévention :
Qui est l'ensemble des actes visant à réduire les risques d'apparition de nouveaux cas (incidence). Sont par conséquent pris en compte à ce stade de la prévention les conduites individuelles à risque, comme les risques sociétaux ou environnementaux. Elle s'intègre, entre autres, dans les actions générales de santé publique.
Dont l'objectif est de diminuer la prévalence d'une maladie dans une population. Ce stade recouvre les actes destinés à agir au tout début de l'apparition du trouble ou de la pathologie afin de s'opposer à son évolution ou encore faire disparaitre les facteurs de risque. Cette prévention inclut également tous les actes de diagnostic et de prise en charge précoces.
Qui intervient à un stade où il importe de diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans une population et de réduire les complications, invalidités ou rechutes consécutives à la maladie. Cette prévention vise donc la réadaptation socio-professionnelle et passe par une meilleure optimisation thérapeutique.
3.2 Prévention primaire (population générale)
Les actions de prévention primaire sont vastes et concernent tous les domaines de l'environnement sociétal, social et culturel de l'individu. Les politiques nationales de santé mentale ne se limitent pas aux champs d'action des troubles mentaux. Elles visent globalement à améliorer la qualité de vie et les conditions de travail des populations, lutter contre l'isolement social, le chômage, les addictions, la précarité, les inégalités, l'échec scolaire…
Pour en savoir plus : en pratique
Dans le domaine de la santé publique, on peut souligner le rôle :
Des campagnes de prévention et sensibilisation (cannabis, alcool, maltraitance),
De la promotion des règles hygiéno-diététiques,
De l'éducation à la santé en milieu scolaire,
Intervention en santé mentale sur le lieu de travail (programmes de prévention du stress),
D'un meilleur accès aux soins pour tous (centre médico-psychologiques, CMU, protection sociale).
La prévention primaire des troubles psychiatriques, selon l'OMS, devrait également viser à renforcer l'intégration sociale en diminuant Item 1 :
La baisse du niveau d'appartenance sociale, source d'isolement,
La perte de sens et de cohérence, facteur d'émoussement du goût de vivre,
La diminution du sentiment de contrôler sa propre vie, facteur d'autodépréciation,
La disparition de la spiritualité, des références politiques ou éthiques, génératrices d'angoisses existentielles.
3.3 Prévention secondaire (à l'échelle de l'individu)
Cette prévention, incluant le dépistage, s'effectue à l'échelle individuelle. Les situations de dépistage dépendent des différents âges de la vie.
3.3.1 Stade périnatal et petite enfance
Item 53
Dépistage précoce des situations à risque de troubles de l'attachement et de maltraitance : trouble psychiatrique chez la mère, en péri-partum
Item 67,
Intervention des services de Protection Maternelle et Infantile (PMI) : suivi rapproché des mères ayant des antécédents psychiatriques,
Examens pédiatriques obligatoires (suivi du développement psychomoteur de l'enfant)
Item 53,
Dépistage des troubles psychiatriques débutants et prise en charge précoce.
3.3.2 Enfance
Surveillance du développement psychomoteur (retard d'apprentissage), suivi social et nutritionnel (règles hygiéno-diététiques)
Item 66,
Accompagnement psychologique adapté en cas de séparations, de traumatismes, de pathologies médicales non psychiatriques associées,
Repérage des situations de maltraitance (PMI, consultations pédiatriques, milieu scolaire et urgences) et mises en place de mesures adaptées : si nécessaire, signalement au Procureur de la République et mise en place de mesures d'aide éducative,
Repérage des situations à risque (trouble psychiatrique parentale, antécédents dans la fratrie),
Dépistage des troubles psychiatriques débutants et prise en charge précoce.
3.3.3 Adulte
3.3.4 Personnes âgées
Item 68
Identification des situations à risque de maltraitance, d'isolement, de précarité,
Favoriser le maintien d'une vie sociale (structures d'accueil de jour),
Dépistage des troubles cognitifs débutants,
Dépistage des troubles psychiatriques débutants, en particulier les épisodes dépressifs caractérisés.
3.4 Prévention tertiaire
Elle vise principalement à :
Résumé
La santé mentale fait partie intégrante de la santé. Les troubles psychiatriques sont fréquents et peuvent être responsable d'un handicap pour l'individu et son entourage. L'identification des facteurs de vulnérabilités et des facteurs de stress socioéconomiques, environnementaux ou biologiques, en fonction de chaque étape de la vie, peut permettre la mise en place de stratégies pluridisciplinaires de prévention, de dépistage et de prise en charge.
L'OMS a défini trois types de prévention : primaire, secondaire et tertiaire. Ces stratégies de prévention doivent être réfléchies en fonction des connaissances scientifiques que l'on a des différents troubles psychiatriques, mais également en fonction des âges de la vie.
Références pour en savoir plus
The cost of mental disorder in France, K.Chevreul et al., Eur Neuropsychopharmacol, 2013 Aug 879-86
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Rapport de la Cour des Comptes, Décembre 2011, « L’organisation des soins psychiatriques : les effets du plan « psychiatrie et santé mentale » (2005-2010) »