Item 152. Infections bactériennes cutanéo-muqueuses et des phanères de l'adulte
Objectifs pédagogiques
Les infections de la peau et des parties molles sont classées anatomiquement selon les tissus atteints :
Le terme de « cellulite » est employé pour des pathologies très diverses et ne doit pas être utilisé car trop imprécis.
Les DHBN-FN peuvent être classées en 3 types selon les germes en cause :
Les myonécroses sont le plus souvent monomicrobiennes. Elles sont dues dans 90% des cas à des Clostridium, en particulier C. perfringens. Plus rarement, les germes impliqués sont S. pyogenes ou S. aureus.
La porte d'entrée des DHBN-FN est une effraction cutanée. Elle est retrouvée dans 60 à 80% des cas : plaie, traumatisme, ulcère, escarre, abcès, pied diabétique, piqûre d'insecte, injection intraveineuse, intervention chirurgicale, …
Les DHBN périnéales surviennent spontanément (rechercher une lésion périanale: abcès péri-anaux, kyste pilonidal, hidrosadénite suppurée, cancer colorectal) ou compliquent une intervention chirurgicale anale (chirurgie hémorroïdaire, cure de fistule anale), plus rarement une chirurgie urologique ou gynécologique.
Les DHBN cervico-faciales ont le plus souvent une origine dentaire (abcès, extraction dentaires), plus rarement une infection amygdalienne ou des glandes salivaires.
Les myonécroses surviennent après un traumatisme (plaie contuse, souillée, mal désinfectée avec corps étrangers), en postopératoire (chirurgie d'amputation chez le patient vasculaire ou diabétique) ou après une effraction cutanée (brûlures, injection intra-musculaire ou intra-articulaire, escarre de décubitus, pied diabétique).
Des facteurs de risque sont identifiés dans près de 80% des cas. Les facteurs favorisants des DHBN-FN sont : l'âge, le diabète, l'artérite, l'insuffisance veineuse, le lymphœdème chronique, l'insuffisance rénale chronique, la cirrhose hépatique, l'alcoolisme, une immunodépression, le cancer, l'obésité. La prise de corticoïdes ou d'anti-inflammatoires non stéroïdiens est retrouvée dans 15 à 40% des DHBN. Un contage avec un sujet porteur de streptocoque ou de S. aureus peut être identifié.
Les infections cutanées graves à S. aureus résistant à la méthicilline (SARM) sont de plus en plus souvent rapportées. Les facteurs de risque sont alors : une hospitalisation récente, une antibiothérapie récente, un antécédent de portage de SARM, un contage avec un patient porteur.
L'incubation est courte, de 6 à 72 heures, peu symptomatique. Le début est brutal marqué par des signes généraux: fièvre élevée, frissons et surtout des signes locaux: un placard inflammatoire érythémateux, œdémateux, douloureux et chaud. La DHBNN se caractérise par une évolution rapidement défavorable: intensité croissante de la douleur, extension en quelques heures des lésions cutanées, aggravation marquée de l'état général et apparition de signes de sepsis sévère.
L'examen peut mettre en évidence des signes locaux évoquant une nécrose tissulaire : taches cyaniques, bulles séro-hématiques, aspect livide et atone de la peau, hypoesthésie cutanée. La palpation peut retrouver une crépitation. Les signes cutanés sont souvent discrets en cas de myonécroses isolées.
La porte d'entrée doit être minutieusement recherchée.
La localisation aux membres inférieurs est la plus fréquente mais toutes les localisations sont possibles. On distingue 2 localisations particulières :
Toute suspicion clinique impose une hospitalisation en urgence pour réaliser au plus vite les examens qui préciseront le diagnostic et orienteront le diagnostic.
Il existe un syndrome inflammatoire souvent marqué. L'élévation de la CPK fait suspecter une myonécrose.
Le diagnostic microbiologique est fait dans 30 à 60% des cas. Il repose sur les hémocultures et les prélévements locaux.
Les hémocultures sont positives dans 10 à 20%.
Les prélèvements locaux peuvent isoler les germes responsables. Les écouvillons cutanés ne sont pas rentables. Il faut préférer une ponction de bulles fermées, une ponction-lavage sous cutanée et la culture des tissus nécrosés. L'acheminement au laboratoire doit être rapide pour pouvoir isoler les germes anaérobies. L'examen direct montre souvent une flore polymorphe mais la mise en évidence à l'examen direct de bacilles à Gram positif oriente vers une infection à Clostridium ou des coques à Gram positif en chainette vers une infection à streptocoque.
La radiographie des parties molles peut montrer des clartés gazeuses. La présence de gaz intra-tissulaire n'est pas spécifique d'une DHBN-FN à anaérobies : il peut s'agir d'air piégé dans les tissus après un traumatisme ou un acte chirurgical.
La tomodensitométrie, l'échographie et surtout l'IRM peuvent préciser l'étendue des lésions et guider le traitement chirurgical et sont indispensables en cas de signes de gravité (locaux et/ou généraux).
Dans les DHBN cervico-faciales, un scanner cervico-thoracique est indispensable pour faire un bilan complet de l'extension des lésions, en particulier pleuropulmonaire et médiastinale.
Dans les DHBN périnéales, le scanner abdominopelvien est une aide au diagnostic et permet d'évaluer précisément l'extension de l'infection aux fascias périanaux, aux espaces périvésicaux et au rétropéritoine.
La DHBN-FN est une urgence médico-chirurgicale nécessitant une prise en charge en réanimation.
Les mesures générales de réanimation comprennent la prise en charge de la défaillance hémodynamique et des défaillances d'organe (item 328), un apport nutritionnel adéquat et la prévention des thromboses veineuses.
Le traitement chirurgical est une urgence, sa précocité conditionne le pronostic. L'intervention initiale permet de confirmer le diagnostic, de préciser la nature, la profondeur et l'étendue des lésions et de réaliser des prélèvements bactériologiques. Elle consiste en une mise à plat complète : débridement des zones sous tension, évacuation des collections, excision la plus complète des tissus nécrosés. Le site opératoire est lavé abondamment avec des solutions antiseptiques, puis drainé par plusieurs lames. Dans les suites postopératoires, les pansements sont réalisés quotidiennement et des reprises chirurgicales sont souvent nécessaires (nouvelles excisions, évacuation de collections et d'hématomes). Le geste chirurgical peut être parfois très invalidant et aller jusqu'à l'amputation d'un membre. Au cours de DHBN périnéales, une colostomie en zone saine est indispensable en cas d'atteinte anorectale. Les DHBN cervico-faciale avec atteinte médiastinale en dessous de la crosse aortique nécessite une thoracotomie.
L'antibiothérapie est probabiliste, débuté en urgence, par voie intraveineuse. La clinique ne permettant pas de présumer de l'origine monomicrobienne (streptocoque) ou polymicrobienne des DHBN, l'antibiothérapie probabiliste devra avoir un spectre large.
Le choix des molécules tient compte de la localisation des lésions, du caractère communautaire ou nosocomial et de la présence de facteurs de risque de SARM (tableau 1). Les bêtalactamines sont toujours efficaces in vitro sur les streptocoques et constituent la base du traitement. L'association à des inhibiteurs des bêtalactamases permet de couvrir les germes anaérobies. L'adjonction de métronidazole peut constituer une alternative. La clindamycine est une alternative en cas d'allergie à la pénicilline. Elle est aussi utilisée pour son action anti-toxinique, sa très bonne diffusion tissulaire, l'absence d'effet inoculum. La présence d'un sepsis grave justifie l'association avec un aminoside pendant les premiers jours de traitement. La suspicion de SARM nécessite l'ajout de vancomycine ou daptomycine ou linézolide ou ceftaroline.
L'antibiothérapie sera réévaluée à 48-72 h en fonction de la réponse clinique et des résultats microbiologiques. Le maintien d'une antibiothérapie anti-anaérobie est recommandé même en l'absence de résultats microbiologiques positifs. La durée de l'antibiothérapie est de 10 à 15 jours.
L'oxygénothérapie hyperbare (OHB) a une action directe sur les germes anaérobies et indirecte en restaurant le pouvoir bactéricide des polynucléaires. Son efficacité clinique, réduction de la mortalité, a été observée dans des études ouvertes. Elle est indiquée dans les DHBN à bactéries anaérobies ou mixtes selon disponibilité et après traitement chirurgical et stabilisation hémodynamique.
Les immunoglobulines polyvalentes pourraient avoir une action antitoxinique. Elles peuvent être utilisées comme traitement adjuvant des DHBN streptococciques.
La mortalité des DHBN-FN est comprise entre 20 et 40%. La mortalité des myonécroses varie de 5 à 30%. En cas d'extension au tronc, la mortalité atteint 60%.
Le pronostic dépend de la précocité du diagnostic et de la prise en charge, de l'âge, de la gravité à l'admission (score IGS 2), des comorbidités. Pour les DHBN périnéales, l'extension à l'abdomen, aux lombes et au thorax est un facteur de mauvais pronostic. Pour les DHBN cervico-faciale, l'atteinte médiastinale est un facteur pronostique péjoratif.
Les séquelles fonctionnelles sont souvent importantes : amputations, enraidissement articulaire, paralysies.
Tableau 1. Antibiothérapie probabiliste au cours des dermo-hypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN)
Antibiothérapie de 1ère ligne | Alternative | |
DHBN communautaire des membres | Amoxicilline-acide clavulanique 2 g x 3/j + clindamycine 600 mg x 4/j + gentamicine 5-7 mg/kg/j | Céfotaxime 2 g x3/j + métronidazole 500 mg x 3/j + clindamycine 600 mg x 4/j + gentamicine 5-7 mg/kg/j |
DHBN communautaire cervico-faciales | Amoxicilline-acide clavulanique 2 g x 3/j + clindamycine 600 mg x 4/j + gentamicine 5-7 mg/kg/j | Céfotaxime 2 g x3/j + métronidazole 500 mg x 3/j + clindamycine 600 mg x 4/j + gentamicine 5-7 mg/kg/j |
DHBN communautaire périnéale ou abdominale | Piperacilline-tazobactam 4 g x 4/j ou ticarcilline-acide clavulanique 5 g x 3/j + gentamicine 5-7 mg/kg/j | Imipénem 1 g x 3/j + gentamicine 5-7 mg/kg/j\\ |
DHBN post-opératoire ou nosocomiale | Piperacilline-tazobactam 4 g x 4/j + amikacine 20-30 mg/kg/j | Imipénem 1 g x 3/j + amikacine 20-30 mg/kg/j |
Si suspicion de SARM | Vancomycine ou linezolide ou daptomycine ou ceftaroline |
SARM: staphylocoque aureus résistant à la methicilline